Chapitre 58 | partie 1

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- Ton esprit !? Mais c'est impossible ! Et puis pourquoi tu m'appelle comme ça ? Mon nom c'est Karoline !

La jeune femme était de plus en plus perdue. Elle regardait autour d'elle, essayant de s'enfuir en courant dans toutes les directions. Où qu'elle allait, elle ne voyait qu'un vide profond duquel la silhouette d'Erra finissait toujours par ressortir.

- Chaque chose en son temps… Ce genre d'endroit doit t'être familier. Si nous sommes bien de la même nature tous les deux, tu as déjà dut expérimenter le néant auparavant.

- Je suis mort en fait… C'est ça !?

- Non, loin de là. Je sens encore ton cœur battre. Et puis, je te le répète, tu es dans mon esprit. C'est moi qui t'ai amené ici... Quoi que tu fasses ou quoi que tu penses, ça restera vain. C'est moi qui ais le contrôle désormais.

- Qu'est-ce que tu me veux ?

Une lueur brilla dans le regard fantomatique d'Erra.

- Je ne souhaite rien de plus que te montrer la vérité…

Une image apparue devant Karoline. Il s'agissait d'un paysage de campagne, bordé par de majestueuses montagnes, vu depuis les yeux d'un enfant assis sur le toit d'une maison en ruines.

"Je le sens au fond de toi, tu es familière à ce type d'images. Tu reconnais là un souvenir profond. Dans le néant, ils est impossible de truquer leur sens ou de fausser les sentiments qu'ils dépeignes. Toi aussi, tu as dut en payer les frais au cours de ta vie… Voici la vérité à laquelle tu vas être témoin, celle de tous mes souvenirs… de notre propre existence."

Karoline restait bouche bée. L'écho devant elle continuait de bouger.

L'enfant venait de se lever. Après un profond soupir, et un aurevoir silencieux à la brise, il descendit en escaladant une partie de la paroi. Il contourna le bâtiment par un vieux jardin.

Karoline eu une sensation étrange. Elle arrivait à sentir les caresses de l'herbe sur ses mollets, ainsi qu'une insouciance enfantine. Rien ne lui était dissimuler. En plus d'être spectatrice, elle pouvait ressentir tout ce qu'Erra avait vécu durant ces moments-là.

Une fois de l'autre côté de la maison, l'enfant faisait face à une splendide vallée en contre-bas. Enlacée par des collines et quelques champs de blés, elle abritait en son sein un village solitaire.

En voyant le soleil se rapprocher de l'horizon, le petit garçon décida de rentrer chez lui. Karoline pouvait contempler l'intérieur de la bourgade, tandis qu'il arpentait ses ruelles distordues menant à sa maison. Au milieu, il n'y avait qu'une seule route, craquelée et grisonnante. Le reste était composé d'étroits chemins de terres, étouffés par les bâtisses de campagne collés et entassés les unes contre les autres. Les rares voitures qui passaient ou qui se reposaient à l'ombre d'un vieil abris en tuile semblaient toutes venir d'un autre siècle.

Durant la balade, la voix rauque d'Erra résonna au travers du souvenir :

"Je suis née ici, un jour de septembre 1937, au cœur de ce village."

L'enfant arriva devant une maison aux murs décolorés. Juste à côté de cette dernière, se trouvait un garage bondé d'outils et de matériel en tout genre. Il en sortie un homme à l'établi tâché et usé par le travail. Il s'approcha et s'exclama dur un ton sévère :

"Ah, c'est maintenant que tu finis par rentrer toi !... Mais, bon dieu, qu'est-ce que tu fous avec des vêtements aussi sales !? T'es plein de poussière… Ne me dit pas que t'es encore allé à cette foutue maison décrépie ! Qu'est-ce qu'on avait dit, hein ? C'est pas comme ça que je t'ai éduqué…"

L'enfant resta silencieux, faisant semblant de paraitre désolé.

"Et puis merde à la fin… Si tu te fends le cou en passant au travers d'une vielle planche de bois, ça ne sera plus mon problème." Finit l'homme avant de retourner à son atelier.

Après ces mots, le petit garçon s'avança vers l'entrée de sa maison. Au moment de rentrer, il aperçus dans le jardin d'en face une silhouette. Il s'agissait d'un fille de son âge, qui l'observait avec un sourire insouciant. Lorsqu'il se retourna dans sa direction, elle se cacha derrière un buisson. Confus, l'enfant agrippa la poignée grinçante de la porte devant lui rentra chez lui.

"Ma mère était infirmière. Elle a voulus s'engagée au front lorsque la seconde guerre mondiale a éclaté. D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai que très peu de souvenir d'elle. Le soir-même, un correspondant de l'armée nous a appris sa mort, à quelques semaines de la fin des conflits. Mon père, lui, était un homme perdu, impuissant, incapable d'assumer seul sa progéniture et de faire le deuil de sa femme… Je n'ai jamais eu le moindre ressentis pour eux. Maman n'avait fait que payer le prix de son abandon, tandis que Papa se contentait de suivre sa pathétique nature d'être faible, voilà tout."

L'image des souvenirs changea. Le petit garçon avait atteint l'âge des responsabilité. Il était assis sur un tabouret rouillé dans le garage de son père, une montre à la main. Les aiguilles de cette dernière étaient bloqués et saccadaient en avant puis en arrière dans un coin du cadran.

Le jeune homme l'inspecta durant un cours moment. Il finit par la poser sur la table et se leva pour aller chercher un tournevis. Quand il revenu avec son outil, il remarqua que les aiguilles avaient repris leur mouvement normal. Intrigué, il se rassit et regarda la montre. Lorsqu'il tenta de la reprendre en main, elle recommençait à dysfonctionner.

"Mais… qu'est-ce que c'est que ça ?" Se dit-il.

Le tournevis sur la table commençait à trembler et à pivoter sur lui-même. L'outil fonça subitement sur son propriétaire et lui transperça la main. Juste après, la montre se colla à l'avant-bras du jeune homme avec une incroyable force. En criant sa douleur, il s'exclama :

"C'est quoi ça !!?"

Quelques minutes plus tard, il se trouvait dans sa salle de bain, un bandage autour de la main. Après un soupir, il ouvrit le vieux placard en chêne à côté de lui et y rangea la trousse de premier soin qu'il avait emprunter. En sortant de l'étroite salle carrelée, il s'installa sur le fauteuil en cuir brun de son salon.

Une femme arriva dans la pièce. Elle ressemblait à la petite fille du jardin d'en face, avec une vingtaine d'années en plus et un regard emplis de larmes.

- La fille du facteur m'a tout raconté ! Elle m'a dit ce que tu lui a fait… Tu me dégoute ! Cria-t-elle en arrivant devant son mari.

- Quoi ? Mais qu'est-ce qui te prend ? Je la connais à peine cette folle !

La femme retira son alliance du doigt et la jeta au sol en poursuivant :

- Oh, je t'en prie, plus de ça avec moi ! Je ne veux plus te voir, plus jamais ! C'est finit entre-nous !!

- Mais attends ! Tu ne comprends pas ou quoi !? C'est elle qui t'as mentis ! Elle essaye de nous…

- Tais-toi ! Je m'en vais !

Le jeune homme se leva et rattrapa son épouse pour l'empêcher de partir. Pendant qu'elle essayais de se débattre, il lui agrippa les avants bras et tenta de la calmer. En la regardant dans les yeux, il lui dit :

- Quoi qu'elle t'ait dit, c'est faux, je te le jure ! Elle veut simplement te manipuler, parce qu'elle est jalouse. Tu sais comme moi qu'elle va bien dans sa tête. Oublie-la, je t'en prie…

En un instant, la colère disparue du visage de la jeune femme. Elle arrêta de repousser son mari et répondit d'un ton calme :

- Euh… Chéri, ça va ? Pourquoi tu fais cette tête ? Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

- Ne fait pas semblant, tu le sais très bien… Je t'ai dit ce que j'avais à te dire. Si tu ne me crois pas, tu peux partir…

- Mais, pourquoi je partirais ? Tu m'a toujours aimé, non ? Et puis qu'est-ce que tu voulais me dire ?... Je suis perdue, désolée, je ne me sens pas très bien.

- On parlais de la fille du facteur. On se disputait, tu as déjà oublié ou tu le fait exprès ?

- Le facteur a une fille !? Mais c'est formidable, je n'étais pas au courant. Il va falloir que je lui donne mes félicitations la prochaine fois qu'il passera devant la maison.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?... Murmura le jeune homme.

- Dit, au fait, t'aurais pas vus mon alliance ? Je ne la retrouve plus… Quelle sotte je peux faire par moment.

Le soir-même, les deux étaient dans leur lit, éclairés par la pleine lune dont la lueur se frayait un passage à travers l'ouverture des volets. Tandis que sa compagne dormait déjà le poing fermé, la jeune homme restait éveillé. Il repensait avec confusion à cette journée des plus étrange. Au final, il finit par fermer les yeux et s'assoupis.

Lorsqu'il les réouvrit, sa femme, son lit et sa maison avaient disparues. Il n'y avait autour de lui qu'une obscurité froide. Dans ce néant, il commençait à sentir une source de chaleur réconfortante. Elle provenait d'une singularité lumineuse, rouge et lointaine. Erra se laissa vogué. Jamais il n'avait ressentis une telle paix.

Soudainement, la lueur disparue.

Le jeune homme se réveilla, à bout de souffle et hurlant d'effroi. Un vacarme infernale se fit entendre dans toute la maison au même moment. Après s'être calmé, il se leva de son lit et alla voir l'origine du bruit, accompagné de sa femme. En descendant les escaliers, il fut témoins d'une scène effroyable. Les pièces de la maison étaient saccagés. Les meubles gisaient sur le sol, retournés dans les amas de verre brisés.

"Depuis ce jour, les accidents se multiplièrent… Mon épouse, quant à elle, agissait bizarrement. Au début, je me suis mis à penser que j'étais maudit ou hanté par le diable en personne. J'avais tenté de me repentir, mais rien n'y faisait… Tous les soirs, en fermant les yeux, je revoyais cette lueur rouge. Bien que sa chaleur m'apaiser, je m'en méfiais. Car je pensais à l'appel du démon… Dans mon désespoir, une nuit, j'ai tenté de lui cédé. Je me suis jeter à corps perdu sur l'origine de cette lumière. Lorsque je l'ai touché, elle m'a repoussé. Mais, il était trop tard, car je venais déjà de comprendre à ce moment-là…"

Karoline vis une série épileptique de visions traumatisantes. Sans qu’elle ne puisse l'expliquer, cela lui laissait un sentiment de déjà-vu.

"Oui… Je compris que toute les choses qui m'arrivaient ne venaient de personne d'autre que moi… Ma femme n'avait rien d'étrange. Elle avait simplement oublié, comme je lui avait demandé. Elle n'avait retenue qu'une seule chose : mon soit disant amour pour elle. Car, ce que la lueur m'avait montré avant tout, c'est que je vivais dans le dénis. Je n'avais jamais aimé ni ressentis la moindre chose au fond de moi… J'avais le pouvoir de modifier les souvenirs, de manipuler autrui à ma guise, de planter la graine du mensonge dans l'esprit de n'importe qui. Mais pour cela, je devais d'abord accepté la vérité par moi-même : il n'y avait aucun diable en ce monde, aucun amour sincère, aucun espoir ni aucune réelle pensée… Juste moi."

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