Chapitre 41

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 Premier jour d'emprisonnement. Karoline avait commencé à faire connaissance avec sa nouvelle maison. Il s'agissait d'une grande pièce, blanche et matelassée, perdue dans le sous-sol d'une base militaire. Elle y dormait et vivait sans aucun lit, ni aucun mobilier.

Personne n'avait le droit d'interagir avec la détenue. Chaque chose se faisait par l'intermédiaire d'instructions donnés à Karoline au travers d'un micro. Quand elle devait sortir de sa cellule, des portes blindés s'ouvraient et se refermaient pour lui donner la direction à suivre.

Dès son arrivée, Karoline avait tenté de désobéir en refusant de se lever. Elle fut rappelée à l'ordre par des chocs électriques envoyé dans son collier. Néanmoins, ce n'était pas la torture mais l'ennui extrême qui poussa Karoline à suivre les instructions.

Une routine précise lui était imposé. Le matin et le soir, elle avait le droit d'utiliser une salle de bain dédié pendant vingt minutes. Entre deux, on la faisait passer par un long couloir menant à une salle de laboratoire. C'était une grande pièce tapissée d'écrans et de vitres opaques. Au centre, une table d'opération lugubre l'attendait. Lorsque Karoline s'allongeait dessus, des attaches automatiques s'enclenchaient. L'appareil tournait ensuite à la verticale tandis que des bras mécaniques sortaient du plafonds. La plupart du temps, ces derniers effectués des perfusions de nutriments. En dehors de cela, la détenue n'était pas nourris.

Lorsque Karoline était sur la table, il arrivait qu'on lui fasse passer des tests de réflexe ou de logique. À d'autres occasions, on lui diffusait des images épileptiques et des sons aigus pour observer sa réaction. À chaque fois, Karoline restait impassible et silencieuse. Cela lui valait parfois des privations de nutriments et des décharges électriques.

À sa troisième journée, Karoline se blottissait contre le du mur de sa cellule. Bien que sa routine quotidienne venait d'être terminé, elle n'arrivait pas à trouver le sommeil.

"Combien de temps ça va durer ?... Les autres doivent déjà être en train de préparer quelque chose pour me sortir de là. Si j'essaie de m'échapper par mes propres moyens, je ne ferais qu'échouer et ils augmenteront encore les sécurités. Il ne me reste plus qu'à attendre, je suppose…"

Les jours commençaient à s'enchaîner rapidement pour Karoline. Après sa première semaine, elle se mis à repenser à sa vie passé. Durant ces moments-là, elle fermait les yeux et se laissait se perdre dans ses souvenirs. Dans son esprit, le temps passait plus lentement, mais cela lui permettait de s'enfuir de cet enfer blanc.

Karoline se souvenue d'une journée d'hiver. Elle n'était encore qu'une enfant à l'époque. Avec sa sœur, elle parcourait une avenue commerciale pour faire du lèche-vitrine. Le regard d'Emma était rempli d'étoiles, illuminé par les décorations festivales. Un moment précis de cette escapade était gravé dans la mémoire de Karoline.

C'était au détours d'un passage piéton menant à petit carrefour. Emma emboitait le pas en sautillant sur la route. Sa grande sœur la regardait faire en la suivant, amusée. Soudainement, une camionnette déboula de nulle part et fonça droit sur Emma, qui n'avait rien remarqué.

"Dégage de là !"

Il s'agissait des mots que Karoline hurla lorsqu'elle se jeta sur sa sœur pour la poussé sur le trottoir. Le conducteur venait à peine remarquer la situation et freina instinctivement, pied au plancher. Malheureusement, il était bien trop tard. Karoline avait simplement pris la place de sa sœur et s'était retrouvée, à son tour, sur la trajectoire du véhicule.

Dans sa vision, elle revoyait encore la camionnette foncé droit sur elle, sans qu'elle ne puisse rien faire. Étrangement, ce sentiment de mort imminente apaisait Karoline lorsqu'elle y repensait. Elle se souvenait des moindres détails. Du visage fatigué du vielle homme qui ouvrait son stand de hot-dog plus loin dans la rue. De la femme en blouson imperméable qui courait vers elle, hurlant à l'accident. Du grand costaud au cheveux noir qui longeait le trottoir de manière impassible. Elle arrivait même à reconstruire dans sa tête l'enseigne flashy qui avait initialement entrainer Emma à traverser la route.

Au final, contre toute attente, la camionnette se stoppa subitement, comme écraser par un obstacle invisible.

Karoline perdit rapidement le compte des jours. Elle ne savait plus si c'était son dixième, son onzième ou bien plus que ça. Tout était tellement blanc et paramétré à la perfection qu'elle se sentait perdue dans un cycle sans fin.

Toujours assise au sol de sa cellule, elle se remémora un autre moment marquant de son enfance.

C'était une douce matinée, perdue dans l'automne. Karoline était à l'école, haute comme trois pommes. Elle s'ennuyait, seule, dans la cours de récréation. Soudainement, elle se retrouva cernée par des camarades moqueuses.

"Regardez, c'est la nouvelle. Elle a dut se trompé de classe, on est pas en maternelle ici."

Karoline n'avait jamais prêter attention à ce que les gens lui disaient. Elle se contentait de ne pas répondre. Frustrée de son silence, les enfants commencèrent à surenchérir.

"C'est qu'une bébé, elle nous entend pas !"

L'une d'elle, la plus imposante de toutes, s'avança vers Karoline pour la bousculée. Elle se fit néanmoins arrêté par un garçon qui décida d'intervenir.

- Vous faites quoi !? Laissez-la tranquille !

- Oh, c'est bon ! On fait que rigoler avec elle. S'exclama la grande fille, avant de poussé son interlocuteur.

Le garçon recula et finit par perdre l'équilibre. Une fois tombé au sol, il se mit à pleurer.

Dès son plus jeune âge, ce genre de spectacles étaient insupportables pour Karoline. Son empathie se transforma rapidement en rage. Sans crier gare, et sans réfléchir, elle courus en direction de la bousculeuse et la frappa au visage. Cette dernière n'eut pas le temps d'esquiver et s'effondra au sol. Elle finit par atterrir sur un galet, où elle s'éclata les dents.

Karoline se souvenait parfaitement du sang qui coulait le long de sa bouche. Chaque goute avait serré un peu plus son cœur dans la culpabilité et la honte. En y repensant avec le recul, elle comprenait mieux ce qui s'était passé. Tout cela avait peut-être été dans sa nature depuis le début.

Après cela, Karoline arrêta de compter. Elle n'avait plus de notions du temps. Sa vie était désormais composée du même schéma, ponctuée des mêmes remords qui jouaient en boucle dans sa tête.

"Ça fait combien de temps que je suis ici ?... Quelques semaines ? Ou des mois ? Je ne sais plus… des années peut-être ?…"

Bientôt, elle arrêta de sentir la faim qui l'accablait. Ses liens étouffants ne la faisait même plus souffrir.

"Quoi !? Qu'est-ce qui m'arrive !?"

Karoline tremblait violement dans sa cellule. Elle n'arrivait plus à respirer. Les pulsations de son cœur étaient de plus en plus fortes. Soudainement, elle se calma, sans savoir pourquoi.

Une fois, alors qu'elle attendait dans sa cellule, elle vit quelque chose d'étrange. Il s'agissait d'un voile rougeâtre qui coulait le long des murs, depuis le plafond. Karoline le reconnus tout de suite, c'était du sang. Assise en boule au coin de la pièce, elle commença à regarder un peu autour d'elle.

"Alors, que fais-tu ici, Karoline ?" Lui demanda une voix familière.

Karoline se retourna et regarda à côté d'elle. Elle vit sa sœur. Son corps était livide et mutilé, mais son regard restait emplis de vie.

"Tu attends, ça je le sais… Mais pourquoi au juste ?" Reprit Emma.

Karoline resta silencieuse. Le sang sur les murs continuait sa progression jusqu'à doucement caresser son dos. Emma se releva et s'exclama :

"Oublie ma question ! Je connais déjà la réponse, sœurette. Je suis la seule qui t'ais toujours comprise."

Elle se rapprocha d'un pas délicat de la détenue et s'assis à ses côté. Elle l'enlaçait tendrement, tout en posant sa tête sur son épaule. Karoline, figée, murmura d'une voix usée :

- Tu me manque tellement. J'ai l'impression que chaque seconde qui passe depuis que t'es partie est un déchirement. Ce monde n'est plus le même sans ta présence. Tout est devenus tellement terne, froid… C'est invivable…

Karoline sentit les douces caresses de sa sœur sur son bras. Cela la réconfortait. Emma répondit :

- Shhhhh… Tout va bien aller, je suis là maintenant. Tu n'as plus besoin de te mentir à toi-même désormais. Tu peux enfin laisser exprimer ce qu'il y a au fond de ton cœur. Cette chose que tu désir depuis tout ce temps… mourir.

Karoline fixait la paume de sa main. Ses doigts se crispèrent. Son regard se noya dans la rage. Elle tenta de se trancher la gorge à main nue, mais se fit arrêté par une décharge électrique. Inconsciente, elle s'écroula sur le sol de sa cellule.

Après son réveil, Karoline vit sa routine chamboulé par une multitude d'autres visions. Des cadavres écroulés au plafonds, aux flammes rongeant les parois de sa cellule, au sol se dérobant sous ses pieds. Plus le temps passait, plus ces hallucinations devaient présentent dans son esprit. Au final, sa propre horreur pris le pas sur la réalité.

"Arrêtez ! Ça suffit !!"

Karoline se sentait tellement perdue qu'elle arrivait à regretter l'ennui. Elle ne pouvait même plus se réfugier dans son subconscient ou dans son sommeil, terrifié des cauchemars que son esprit pouvait créer.

Karoline n'en pouvait plus.

"…"

Finalement, Karoline arrêta de penser. C'était une coquille vide, perdue sous un océan de mal-être profond. Rien ne la faisait plus vivre, ou espérer.

Dans son enfer blanc, elle avait atteint la véritable folie : le néant.

Now the world is gone, I'm just one.

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