Asadi et le sable rouge

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Quand tu franchiras la Gueule de Chien, plus loin vers Alep, n'oublie pas de remercier le sable.

C'était la caravane d'Ekhetra, une femme bonne et courageuse. Ensemble ils avaient traversé de grands dangers, de grandes tempêtes, et toujours en étaient sortis indemnes.
Le plus jeune fils d'Ekhetra s'appelait Asadi. Avec les autres petits de la caravane, ses frères et soeurs, il jouait avec les anciens, triait des graines, chantait, grandissait.

Un jour que la caravane traversait les steppes rocheuses, Asadi vit au milieu des cailloux un seul petit grain de sable rouge caché dans le gris du sol. Quand il le posa dans le creux de sa main, le grain de sable se mit à parler: "Moi et mes frères vivions dans le turban d'un vieux marchand, mais le vent et le chaos du chemin nous a séparés. Sans ma famille, je ne suis rien. Aides-nous moi et mes frères, et en échange, nous aussi nous t'aiderons." Asadi glissa le grain dans sa poche, et poursuivit sa route avec la caravane.

Plus tard, la caravane passa près d'un ruisseau où l'eau coulait claire. Le petit grain s'écria: "Il est ici ! Asadi mon ami, trouves mon frère, ma chair, ma famille !"
L'enfant se pencha près du cours d'eau et scruta le lit avec attention. Le sable y était blond, et pâle. Les poissons qui nageaient en nombre, les remous de l'eau et le soleil éblouissant troublaient sa vue. Soudain, il plongea la main, et de l'eau ressortit un petit grain de sable rouge. Sans un mot de plus, il glissa le grain dans sa poche et poursuivit son chemin avec la caravane.

Plus tard encore, la caravane croisa un oasis où les anciens avaient creusé un puits. C'était un vieux puits de pierres brutes, et en cette saison, il était sec. Au fond de sa poche, les petits grains s'écrièrent en coeur: "Il est ici ! Asadi mon ami, trouves mon frère, ma chair, ma famille !".
L'enfant enjamba la margelle avec précaution. Il descendait, et à chaque pas, tout autour de lui devenait plus gris, plus froid, et plus sombre.
Lorsqu'il atteint le fond, il ne voyait plus rien. Alors il mit ses mains au sol et ferma les yeux. Le sol était frais, et l'air, humide et vicié. De petits vers glissaient entre ses doigts. Il n'y avait que les pierres froides, et la boue. Soudain du bout du doigt, il toucha le grain de sable. Sans un mot de plus, il glissa le grain dans sa poche et fit le chemin en sens inverse. Il sortit du puits, et poursuivit son chemin avec la caravane.

Sur le chemin qui poussait la caravane vers le nord, Asadi trouva encore beaucoup d'autres petits grains de sable rouge, tant et si bien qu'à la fin, il eu les poches pleines de sable.
Un jour que la caravane s'avançait vers un étroit passage montagneux, la mère d'Assadi déclara: "Voici la Gueule de Chien. Des bandits nous y attendent sûrement pour nous dépouiller alors que nous tenteront de passer. Restez à l'affût et tenez-vous prêts."
La caravane s'avançait vers les rochers pointus qui formaient le passage, et plus elle s'avançait, plus le petit Asadi serrait dans ses poings le sable rouge de ses poches.

Comme sa mère l'avait soupçonné, à peine eurent-ils franchi le premier rocher que des centaines de bandits surgirent de la montagne en criant, dévalant les flancs en direction des chariots. La caravane garda son calme, et les gardes se préparèrent, mais le long voyage les avait épuisés: ils perdraient à coup sûr.
Alors du fond de sa poche, les grains de sable ensemble s'écrièrent: "Lances-nous !". Asadi lança le sable. Un vent chaud se leva, un vent rouge, puis une bourrasque, et ce fut soudain une gigantesque tempête de sable rouge qui s'abattit sur les bandits. Les armes, les montures et les méchants hommes furent arrachés au sol et soulevés haut, très haut dans le ciel... et l'instant d'après, la tempête disparut. Il ne restait plus que la caravane, et les vagabonds surpris.

Asadi leur expliqua comment il avait rassemblé les grains de sable et tous l'écoutèrent avec attention. Le lendemain, on le nomma Gardien des Familles, et on remercia le sable de les avoir sauvés. Puis la caravane reprit doucement sa route, et aujourd'hui, elle marche encore.

Alors n'oublies pas toi aussi, lorsque tu passeras la Gueule de Chien, de remercier le sable.

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