Chapitre 11

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Je me redresse avec difficulté sur mon lit. Je ne me rappelle de rien. Simplement, que je parlais avec Christian, un sexagénaire fatigué que je connais bien, puis plus rien.

Ma tête hurle de douleur. Une chaleur infernale s’engouffre dans mon crâne comme si mon sang bouillait à mille degrés. Une torture infâme. Au moment de me lever, des vertiges m’assaillent de toutes parts et je chute lourdement sur mon lit. Un manque d’oxygène se fait sentir et mon cœur commence à battre la chamade.

Je ne m’excite pas. Tente de maîtriser ma respiration.

La sensation de manque d’air s’enfuit au bout de quelques instants, laissant place à de légers fourmillements dans mes pieds et mes mains.

Soudain, une compilation d’images s’élance, perdue dans les limbes de ma tête. Un passé ressurgit des profondeurs abyssales de l’oubli.

Je distingue clairement Victor et moi jouer à la balançoire tous les deux dans le jardin de mes grands-parents. En repensant à leurs visages, un frisson m’évoque de mauvais souvenirs. Je ressens encore le doigt de ma grand-mère circuler le long de mon échine alors que je sortais pratiquement nu de la douche.

J’entends la voix incessante de papy m’implorant de venir l’aider à se déshabiller. Un jour ils m’offraient des gâteaux comme des grands-parents ordinaires et, la fois suivante, ils se transformaient en prédateurs sexuels. C’est triste à dire, mais heureusement pour moi qu’ils ne font plus partie de ce monde !

Je ne supportais plus de vivre avec eux. Ils étaient fous. Tant l’un que l’autre.

Pour être honnête, certains jours j’aurais préféré accepter leurs sévices plutôt que de vivre dans la peur de l’acte.

Je n’en pouvais plus. Mes parents m’ont abandonné à l’âge de six ans. Une larme roule le long de ma joue et s’écrase sur la couette anthracite de mon lit deux places. Je ferme mes yeux rougis par la souffrance.

Sales types ! Pourquoi m’avoir laissé avec des détraqués mentaux !

Mes poings se serrent frénétiquement et agrippent mes coussins. Je tente d’apaiser mes émotions. Cette fois-ci, mes leçons de yoga ne me seront pas utiles. Je me transforme en une brindille aussi fragile que l’est mon esprit et aussi raide que le sont mes muscles.

Connaissez-vous l’histoire du petit chaperon rouge par les frères Grimm ? Vous voyez la scène avec le chasseur, la petite fille et le loup jeté au fond du lac ?

Je me la représente. Voilà. Mon souffle manque en cet instant, mais reprend peu à peu quelques couleurs. Je visualise le livre que me lisait ma grand-mère le soir avant de me coucher. Je discerne encore les pierres enfournées dans le ventre du loup.

En cet instant, je suis ces fameuses pierres. Sans oxygène. Sans lumière. Sans foie. Emprisonnées et vouées à rejoindre le fond de l’océan sans le moindre possible retour.

Puis, un rayon de soleil vient noyer mes larmes et rétablir un soupçon de vie. Je me tourne et regarde par la fenêtre. Mon souffle fraîchement retrouvé s’accélère. Ma respiration saccade. Un froid incongru parcourt l’ensemble de mon corps à la façon d’une décharge électrique.

Une silhouette m’observe en contrebas. Je le connais bien. Je l’ai vue pendant vingt-trois ans. J’ai habité avec elle tout ce temps. Je panique, puis hurle, comme si elle pouvait m’entendre :

— Arrête de me suivre, de me hanter, sors de ma vie !

Mais ces mots n’ont aucun sens. C’est ma vie justement. La personne qui me contemple, un rictus au coin des lèvres, n’est autre que moi-même.

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