James Blackill

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Je ne supporte pas d'être au travail après tout ce qui est arrivé. Je me déteste, je suis un incapable. Cinq mois sur cette affaire et trois mois d'infiltration pour ne finalement aboutir à rien. Aucune piste sur le Consigliere, pas même de quoi arrêter un truand de seconde zone. Les collègues me laissent tranquille en me voyant si abattu, la tête sur les bras appuyés sur mon bureau. Je sens une main sur ma tête.

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Une voix douce accompagne le geste : « Tu dors ? Allez, réveille-toi paresseux ! » C'est Laura, mon équipière, un grand sourire aux lèvres, la tête légèrement penchée, ce qui fait tomber ses cheveux bruns sur le côté, touchant à peine ses épaules. Rien que la revoir illumine ma journée. Mais radieuse ou pas, je n'ai pas la force de bouger : « Non, commencé-je. Je suis trop fatigué... »

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Un sursaut d'énergie me fait douter un instant mais : « Non, je ne bouge pas d'ici tant que le commissaire ne m'y oblige pas. Mais c'est gentil de t'inquiéter pour moi. » Radieuse comme toujours, elle me lance un doux sourire sans plus insister : « D'accord ! » Je replonge alors dans mon abattement presque trop familier, observant de temps à autre ce qui se passe autour de moi, dans ce calme apaisant...

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Je ne sais pas combien de temps est passé lorsqu'un homme provoque une brusque agitation par son arrivée. Le commissaire accueille l'homme aux cheveux bruns et à la veste marron plus qu'il ne fait attention au questore ou au procureur général. De loin, je n'entends que le nom de Lucius. Aurais-je bien entendu ? L'homme prend congé des officiels et se dirige vers moi d'un pas déterminé.

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Il se présente en anglais : « James Blackill, Interpol. Tu sais pourquoi je suis ici. » Interpol ! Je m'empresse de le rattrapper alors qu'il quitte déjà le commissariat d'un pas rapide. Je le rejoins près de sa moto et prends une voiture banalisée. Il ouvre la voie 30 mètres devant moi. Je finis par entrer avec lui dans le grand bâtiment clair qui abrite le liceo classico Vittorio Emanuele II.

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Drôle d'ambiance dans ces couloirs déserts. Rien de surprenant pour un jour férié, la fête de la République. L'Anglais monte jusqu'au toit du lycée où la vue est dégagée sur la place. Il s'assoit à même le sol pour assembler les différentes parties d'une paire de jumelles. Il m'invite à les prendre pour surveiller la cathédrale et l'arrivée de Giacomino.

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Il continue ensuite avec l'assemblage d'un fusil de précision. Je l'observe un instant manipuler agilement les parties de son arme et finir d'installer le viseur ainsi que le silencieux. Il a le regard vif, c'est bon signe. Je le vois encore sortir quelque chose de sa veste : un numéro de Playboy. Je n'ai rien dit...

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L'horloge de la cathédrale indique 9 h 20 lorsque je commence la surveillance. Blackill me relaye une fois pendant une dizaine de minutes. Giacomino arrive enfin accompagné de nombreux gardes du corps et associés. J'avertis l'Anglais. Il commence à viser en direction du parrain. Il ne tire finalement pas. Les malfrats entrent dans la cathédrale. Il est 11 h 40 selon la même horloge.

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J'ai du mal à saisir l'objectif de l'opération :

« Pourquoi devons-nous surveiller Giacomino, déjà ? demandé-je.

— Parce que nous voulons capturer le Consigliere, bien sûr.

— Ce n'est pas lui le traître, rétorqué-je. Le Consigliere n'a aucune raison de s'en prendre à lui.

— Mais il y a de grandes chances que le traître s'en prenne de nouveau à Giacomino. »

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Blackill arrête de viser, s'éloigne du bord et reprend son exemplaire de Playboy. Il rajoute à son explication : « Si nous arrivons à identifier le ou les tueurs, nous pourrons ainsi retrouver le traître. Et si nous retrouvons le traître, nous pourrons l'obliger à nous révéler où se cache le Consigliere. » Je comprends mieux maintenant. Il ne nous reste plus qu'à attendre le retour des malfrats.

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Cela fait deux heures qu'ils sont entrés. Une pensée me fait sourire : Giacomino serait-il en pleine confession ? Mais je commence à me demander s'il n'a pas déjà quitté les lieux. Cependant, l'Anglais scrute toujours l'endroit avec détermination. Il est 13 h 50 sur l'horloge lorsque le jeune parrain et son escorte sortent enfin de la cathédrale. Blackill est extrêmement concentré.

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Les hommes de main se déploient pour assurer la sécurité du chef mafioso. Giacomino semble bien plus joyeux que lors de la réunion. Il est soudainement pris d'effroi et appuie sa main très fort contre son cœur. Son visage exprime une violente douleur. Une crise cardiaque ? Il tombe à terre et se tord de souffrance. Ses amis essayent de le relever, il frappe le sol du poing et tremble de désespoir.

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Son regard larmoyant se fige sur la cathédrale, comme si une puissance divine le traversait à ce même instant. Alors que la scène se produit sous mes yeux impuissants, j'entends au même moment un claquement métallique tout près de moi. Blackill perd le fusil des mains.

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