Pèlerinage

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Camille et Mathilde venait de terminer le repas de midi. Elles parlèrent peu. Un malaise s'était installé.

Après un café, elles s'attelèrent à préparer le repas du soir. Le fameux ragoût dans les mottes. Quatre heures de cuisson sous des mottes de pelouse de Ouessant. Un véritable délice.

Camille, une fois la marmite enfouie sous les mottes, partit faire son pèlerinage.

Elle suivit la route pendant quelques mètres et tourna vers la droite dans un petit sentier qui séparait deux grandes maison de pierre. Plus loin quelques moutons l'observaient. Elle détestait ces bestioles. Leur regard vide la faisait frissonner. Le port de Bougezen était en contrebas du chemin côtier. Un de ses refuges. Même plongé dans la brume, l'endroit ne perdait rien de son charme. Il gagnait même en mystère et en poésie. Elle descendit les deux escaliers pentus qui menait au port. L'océan, noyé dans le brouillard, respirait. La jeune femme entendait ses inspirations et ses expirations incessantes telle une douce litanie. Camille abaissa les paupières et laissa le ressac bercer son esprit. Elle resta quelques minutes à humer l'haleine salée de l'océan. Enfin apaisée elle ouvrit les yeux et quitta les lieux. Elle continua sa route vers sa prochaine étape. Le fort de Locqueltas. 

Construit pour protéger Ouessant, le bâtiment était délabré à l'intérieur. L'extérieur était quasiment intact. L'escalier central s'étant effondré, accéder aux remparts du fort et jouir d'une vue imprenable, tenait vraiment de l'escalade. Un amoncellement de pierres, empilées par les nombreux curieux qui passaient par ici, pouvait aider mais pour le reste, il fallait compter sur ses bras pour se hisser par le passage. La vue y était superbe et nombre de fois Camille s'était réfugiée là-haut, se sentant en sécurité.

Une masse dans la brume, un monstre tapi dans l'ombre, le fort paraissait attendre une proie.

Enfant, elle craignait de voir surgir des korrigans cachés derrière des rochers et alors qu'elle avançait dans le rideau de brume, les années semblèrent s'effacer et ses peurs d'enfant resurgir. A la différence qu'elle savait aujourd'hui que les lutins n'existait pas. Elle sourit. Plus elle s'approchait plus le fort imposait sa présence. Il lui semblât voir une lueur en provenance du petit château. Personne n'y habitait pourtant. Elle s'approcha lentement de l'entrée et elle fut étonnée de voir que le fort était fermé. Une grosse porte avait été installé. La lumière avait disparu sans doute une illusion d'optique, le phare du Creac'h illuminant de temps à autre le ciel maintenant bien sombre. Camille, dépitée, continua son chemin à travers les herbes couchées par le vent. La nuit était tombée mais elle ne se sentait nullement perdue. Elle connaissait le moindre sentier, le moindre rocher. Le paysage de changeait pas, immuable, semblant figé dans l'éternité. Elle regarda l'heure sur son portable. Sa flânerie avait vraiment duré très longtemps et un bon ragoût dans les mottes l'attendait. Elle revint sur ses pas et en levant les yeux un instant, elle vit une silhouette sur les remparts. La même qu'hier soir. De longs bras ballants. La forme s'arrêta, semblant humer l'air et brusquement pivota vers elle. Camille détala sans réfléchir. Elle tourna rapidement la tête. La "chose" était à ses trousses. La jeune femme courut aussi vite qu'elle put à travers les herbes humides. Elle sentit ses pieds s'humidifier. Elle n'osait plus regarder dans son dos. Sa respiration s'était accélérée au point de ne plus arriver à inspirer. Elle atteint enfin la route puis rapidement le portail de la maison qu'elle ouvrit aussi violemment qu'elle le referma. Quand elle atteint la porte de la véranda les poumons en feu, elle tourna la tête vers l'allée sombre, prête à rentrer dans la maison. Rien ne vint. 

Sa respiration était encore haletante et son corps entier tremblait. Elle se sentait comme souillée par la noirceur de l'apparition.

Elle vomit sur la pelouse.

"Mais qu'est ce qui m'arrive?"

Elle tentait de reprendre un souffle régulier

" Je deviens folle!"

Camille tremblait encore quand elle ouvrit la porte de la véranda.


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