6.    Le Goût Amer de la Vengeance - Partie 2

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Yann rentra heureux avec deux lapins dans sa gibecière. Quand il pénétra dans la maison, la surprise le fit reculer d’un pas. Sirié l’attendait avec un glorieux sourire mais leur second invité était des plus singuliers. L’elfe était parvenue à mettre en déroute Dorian, le mage qu’ils pourchassaient, celui qui avait échappé à leur piège. Attaché sur une chaise, incapable de bouger, il avait la mine désemparée et des larmes coulaient sur ses joues.

  • Il est arrivé peu après que tu sois parti, expliqua Sirié. Tu me l’avais vendu comme un puissant mage noir...

Elle s’avança vers son prisonnier et lui décrocha un violent coup de poing dans le visage.

  • … Ce n’est qu’un gamin pleurnichard.

Yann hésita puis s’approcha du mage noir avec une certaine inquiétude :

  • Qu’est-ce que tu fais ici ?

Dorian ne pipa mot, il leva simplement les yeux vers son interlocuteur comme pour l’implorer.

  • Il ne parle pas, répondit Sirié pour lui. Il n’a rien dit depuis qu’il est ici.
  • Il t’a attaqué ? s’enquit le mage.
  • Si peu, répondit laconiquement la jeune femme.

Yann observa la pièce autour de lui.

  • Ce n’est pas normal, commença-t-il. Il devrait…

Sans ajouter un autre mot, il envoya un orbe magique en direction du prisonnier. Dorian encaissa silencieusement et Yann fit un pas en arrière.

  • Il n’a même pas de protection, déclara-t-il, incrédule.

Il s’avança vers Dorian pour le regarder de plus près :

  • Tu es suicidaire, mon garçon ?

Il plongea son regard dans celui du mage, il comprit à cet instant. Il y avait une lueur dans les yeux du prisonnier qui voulait tout dire : pourquoi sa compagne ne s’était pas approchée de lui, à son retour, comment elle avait pu mettre en déroute un tel mage noir… Elle n’y était pas parvenue. Il avait affaire à un ennemi puissant, capable de gérer une illusion dans ses moindres détails. Le captif avait beau ressembler en tout point à Dorian, ce n’était pas le mage noir mais Sirié. Leur adversaire avait échangé leurs rôles. Yann recula doucement en analysant les possibilités qu’il avait, c’est alors que l’attaque survint. Le charme se rompit et Dorian debout au milieu de la pièce projeta une boule de feu en direction de Sirié attachée sur une chaise. Yann hurla et s’interposa : les bras en croix devant sa compagne. Il lança un sort pour dévier le projectile puis plongea son regard dans celui du mage et demanda pathétiquement :

  • C’est moi que tu veux. Épargne-la. Ne lui fais pas de mal.

Dorian lança un regard froid vers son ennemi :

  • Pourquoi le ferais-je ?
  • Dorian, commença Yann sur un ton paternaliste, je sais qu’au fond de ton cœur, il y a encore quelque chose de bon. Sirié n’y est pour rien dans la guerre que ton père mène contre les mages de la Tour Blanche.
  • Tu as raison, concéda Dorian. Mais ce n’est pas une vendetta contre la Tour Blanche que je conduis aujourd’hui. C’est une vengeance personnelle.
  • L’idée de l’attentat ne venait que de moi, reprit Yann, je pensais pouvoir atteindre Valérian par ton biais. Je suis le seul commanditaire de ce plan.
  • Je te crois, trancha étonnamment le jeune mage.

Yann se détendit alors, son ennemi ne semblerait pas réfractaire à la discussion. Il venait d’esquisser un sourire de soulagement quand Dorian passa à l’attaque. Un projectile frappa Sirié en plein cœur. La tête de l’elfe bascula vers l’arrière puis retomba mollement sur sa poitrine. Yann se précipita vers sa compagne pour constater sa mort, il tourna un regard bordé de larmes vers le mage noir :

  • Tu l’as tuée, l’accusa-t-il.
  • Victime collatérale, ironisa le mage noir.

Yann hurla de colère et de frustration puis se rua sur Dorian. Le mage noir avait prévu l’attaque, il la para avec force et grâce et plaqua le mage pourpre au sol, la lame de l’épée qu’il venait de sortir, sous sa gorge.

  • Elle s’appelait Roxanne, c’était la Princesse Héritière du Royaume de Sorgat et également une victime collatérale.

D’un geste théâtral, il fit glisser la lame sous la gorge du mage, révélant une plaie béante.

  • Elle ne méritait pas de mourir.

Il se releva doucement, se délectant de voir son adversaire s’étouffer avec son propre sang puis tourna les talons. À peine eut-il franchi la porte qu’il lança sa magie vers la bâtisse. Un feu l’embrasa et la réduit en cendres en quelques minutes. Dorian ne prit même pas la peine de regarder son œuvre, dans un souffle, il rejoignit son royaume de glace. Syphilis l’attendait là sagement, elle lui lança un regard plein de reproches quand il se matérialisa :

  • Ça y est, tu t’es vengé ? demanda la petite hermine.

Dorian acquiesça silencieusement.

  • Et tu te sens mieux ? continua-t-elle.

Le mage ferma les yeux et en disconvint. Lui qui avait cru obtenir une satisfaction, une exultation de la mort des deux assassins, se sentait souillé et démoralisé, si peu fier de sa colère.

  • Je te l’avais dit que… commença l’hermine.
  • S’il te plaît, implora le jeune homme, ne dit rien.

Il ouvrit alors deux yeux chargés de larmes, Syphilis le regarda tristement.

  • Je ne peux pas le cautionner, déclara-t-elle.

Puis elle disparut, laissant le jeune mage ruminer ses actes.

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