5.    Condamnation - Partie 3

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Trois jours, Dorian dormit trois jours entiers pour reprendre ses forces. Syphilis le veillait, inquiète de constater que son maître avait tant puisé dans sa psyché. Par moment, elle s’immisçait dans sa conscience afin de s’assurait qu’il rêvait. Les premières heures, Dorian avait totalement sombré dans une sorte de coma, puis, peu à peu, les images revinrent, d’abord floues et incohérentes puis plus proches du songe. Et enfin, au bout du troisième jour, le mage daigna ouvrir les yeux. La petite hermine se rua alors sur le jeune homme pour lui montrer tout son amour.

  • Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda-t-elle. J’ai eu tellement peur. Tu ne voulais pas que je vienne, je n’ai pas compris. Qu’est-ce qui est allé de travers, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Dorian grogna en se redressant. Il sentait sa tête exploser, comme si son cerveau tentait de sortir de sa boîte crânienne à chaque pulsation de son cœur. Il caressa la tête du familier quand une voix s’éleva :

  • C’est inconscient, tu sais que tu aurais pu avoir de gros ennuis.

Dorian leva les yeux vers son père, il semblait assez en colère.

  • Ils m’attendaient, commença-t-il, mais pas comme je le pensais. C’était un piège…
  • J’aurai pu te le dire, lui reprocha le père.

Dorian ferma les yeux et continua :

  • Un Nephilim attendait en embuscade que les choses s’enveniment. Il a patienté jusqu’à ce que tout bascule puis il est passé l’attaque. C’est alors que tu m’as convoqué.
  • Cela faisait longtemps que je t’appelai.
  • Il y avait pas mal d’enchanteurs à Sorgat, ma magie était bloquée.
  • Mais pourquoi as-tu pris le Nephilim avec toi ?

Dorian secoua la tête :

  • Je ne sais pas, avoua-t-il, je me suis dit que ça ferait, peut-être, une bonne diversion.
  • C’était stupide.

Dorian ne releva pas, il se leva et tituba vers l’entrée de sa chambre.

  • Il faut que je sorte, déclara-t-il, d’une voix qui ne laissait pas sa place à un quelconque refus.

Il tituba sur quelques mètres avant de retrouver un peu de force dans ses jambes. Il marchait doucement vers la cité à quelques encablures de la forteresse quand son familier vint se matérialiser sur son épaule.

  • Pourquoi as-tu fait ça ? demanda-t-elle sans jugement.
  • Je ne voulais pas la laisser mourir, avoua-t-il à demi-mot.
  • Tu l’aimes bien n’est-ce pas ? osa l’hermine. Moi, je l’aime bien.

Dorian esquissa un sourire amusé et caressa la petite tête de son hermine.

  • Je sais, lui murmura-t-il, mais ce n’est pas possible.
  • Pourquoi, s’enquit le familier ?
  • Ce serait offrir à mon père plus de pouvoir qu’il n’en a déjà.

Un long silence s’installa alors que Dorian parvenait aux abords de la ville. Syphilis lui conseilla de ne pas trop ruminer, puis s’éclipsa. Elle n’appréciait pas les sorties nocturnes de son maître mais comprenait qu’il en eût besoin. Le jeune homme convergea vers l’auberge où il avait ses habitudes. Le tenancier l’accueillit avec une étrange tension dans la voix, il conduisit son client dans le box qu’il louait d’ordinaire et disparut rapidement. Dorian trouva ce comportement singulier mais l’arrivée d’une servante avec le vin et la victuaille, eut raison de son attention. Il observa la demoiselle apporter un plateau bien fourni et une carafe. Il ne l’avait jamais vue auparavant et il n’hésita pas à lui faire la remarque. La jeune femme rougit et avança que c’était son premier jour. Le mage lui souligna qu’avec une chute de reins pareille, ça ne serait sans doute pas son dernier puis la congédia afin de pouvoir enfin se retrouver seul. Cela se passait comme ça un à deux soirs par semaine, Dorian noyait habituellement sa peine dans l’alcool avant d’accepter quelque charmante compagnie. Il se sentait tellement mal aujourd’hui que même la nouvelle venue ne l’aurait fait déroger à sa règle. Il avala d’une seule traite le premier verre. Il n’y avait pas que les serveuses qui avaient changé, le vin était épais, liquoreux. La seconde coupe lui montait à la tête quand on frappa à la porte de son box. Déjà, pensa Dorian, le cerveau embrumé : normalement, les filles n’arrivaient qu’avec la seconde carafe d'alcool. Il ne prit même pas la peine de se lever et invita son mystérieux hôte à entrer. Une forme encapuchonnée entra en soupirant :

  • J’ai cru qu’il vous était arrivé quelque chose.

La jeune femme retira son capuchon, dévoilant les traits de la princesse Roxanne. Le visage de Dorian s’étonna puis se ferma quasi immédiatement.

  • Que faites-vous ici ? demanda-t-il d’une voix froide.
  • Je… je voulais vous voir, commença la demoiselle. Père m’a trouvé un nouveau fiancé, un seigneur elfique.
  • Merveilleux, rétorqua Dorian avec une certaine ironie.

Il se leva et convergea vers la fenêtre. Le vin lui montait à la tête, il se sentait mal à présent.

  • Je ne l’aime pas, reprit la jeune femme, je ne le connais pas. Je ne veux pas l’épouser maintenant que… maintenant que je sais ce que signifie le mot aimer.

Dorian avait fermé les yeux, il redoutait ce moment. Il prit sur lui et déclara froidement :

  • Encore faut-il être aimé en retour.

Dorian perçut un froid s’installer dans la pièce, il aurait aimé que cette phrase lui glace les veines, lui fasse descendre la chaleur qui montait étrangement en lui. Il se sentait mal, nauséeux. Il déglutit péniblement avant d’enfoncer le clou :

  • Ce n’était qu’une passade, un amusement de quelques heures et… chacun rentre chez lui.

La tête lui tournait, il se cramponna au rebord de la fenêtre pour ne pas tomber.

  • Dorian, lui intima Roxanne à mi-chemin entre la colère et la peine, retournez-vous. Je suis prête à tout vous offrir : un cœur, un royaume, tout ! Ayez le courage de me dire, en face, que vous ne m’aimez pas.

Dorian ferma les yeux pour reprendre son contrôle, il se sentait de plus en plus mal. Il soupira silencieusement prononçant le nom de la princesse, il lui fit doucement face. Seule la première syllabe franchit ses lèvres car une violente déflagration ravagea la pièce qu’il venait de louer. Le jeune homme, proche de la fenêtre fut soufflé par l’explosion. Il atterrit lourdement sur le ventre, le souffle coupé. Son dos le brûlait atrocement, ses oreilles n’entendaient qu’un long sifflement. Il fit volte-face. L’auberge était éventrée et le box où il se trouvait n’était qu’un foyer ardent. Il allait se relever quand soudain, une décharge magique le toucha de plein fouet. Dorian encaissa le coup, voyant arriver vers lui un assaillant dans une tenue pourpre. Le vin devait être drogué car il peinait à bouger pour se défendre. Une seconde orbe le secoua. Il n’y avait plus grand-chose à faire, il sentait qu’il partait. Dorian ramassa la dernière parcelle de force qu’il lui restait pour se transporter dans son monde de glaces. À peine, s’était-il matérialisé là-bas qu’il sombra dans l’inconscience.

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