19.    Un Odieux Chantage - Partie 3

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C’est dans une confusion indicible que Dorian apparut dans la cité elfique d’Andromède. L’attaque avait été fulgurante et la ville bâtie dans les arbres n’avait pas encaissé le coup. Elle brûlait par endroit, les gens hurlaient, fuyait l’armée de mort qui avançait inexorablement. Il y avait des combats partout et, au milieu de ce chaos, un général juché sur sa monture ébène se délectait du spectacle. Dorian l’observa un long moment. Son cœur oscillant entre la colère à voir cet homme fouler les terres elfiques et la culpabilité qui l’assaillait à présent. Il avait libéré Valérian pour récupérer Firiel mais serait-il capable de vaincre une nouvelle fois son père ? Surtout à présent que son ennemi savait sa plus grande faiblesse. Il se détourna du spectacle. Il fallait retrouver Andromède et assez rapidement avant qu’il ne se fasse tuer. Il entendit soudain un hurlement provenir d’une maison toute proche. Y pénétrant, il découvrit cinq soldats tenant à leur merci une pauvre elfe échevelée. Dorian ne prit même pas la peine d’utiliser sa magie, son épée pourfendit les sbires de Drake en quelques instants. Il se pencha alors vers l’elfe un sourire amical aux lèvres.

  • N’ayez pas peur, c’est fini, vous êtes sauvée, déclara-t-il d’une voix douce.

Une terreur pure se lut alors dans les yeux de la jeune femme :

  • Yondorog, souffla-t-elle.

Le sourire franc du mage se fit plus amer. L’elfe le connaissait ou du moins, savait qui il était. Yondorog, le Fils du Démon. Il secoua la tête en signe de négation et reprit :

  • Non, moi c’est Dorian. Je suis venu vous aider, où est votre roi ?

Mais son interlocutrice restait indubitablement coite. Dorian réalisa que pour elle, il était dans le même camp que ses agresseurs. Comprenant qu’il n’obtiendrait aucune information de sa part, il projeta sa magie pour l’envoyer chez les Elfes du Sud. Il ferma les yeux pour chasser la mélancolie qui l’étouffait. Il fallait continuer, retrouver Andromède et surtout, sauver un maximum de gens. Le rire de son père retentit soudain dans toute la cité. Un rire froid, dénué de tout sentiment, un rire à vous glacer le sang.

  • Et qu’espères-tu entreprendre avec ta pathétique armée ? S’amusa Valérian.

Dorian repartit alors à son point d’observation pour épier son père. Une poignée d’elfes tentaient de lui barrer le passage. Andromède les menait, c’était évident qu’il ferait une telle bêtise.

  • Je suis Andromède, se présenta-t-il. Roi de cette cité. Et tant que mon peuple ne sera pas en sécurité, je me dresserai contre vous. Quitte à y laisser ma vie.

Dorian soupira quand il comprit qu’il ne pourrait pas mettre le roi en lieu sûr tant qu’il subsistait un habitant dans cette cité. S’il usait de la magie, son père le repèrerait facilement mais bon, le choix était un luxe qu’il ne pouvait, à présent, pas se permettre. Il se concentra pour laisser affluer ses sens et déterminer combien de civils il fallait encore sauver. Il en dénombra une cinquantaine éparpillé dans toute la ville. Son pouvoir se propagea comme une vague, envoyant chaque âme elfique dans son royaume avant de les expédier au milieu des terres de Galadrielle. Comme il s’en doutait, Valérian capta son aura magique :

  • Elminster, hurla-t-il, affronte-moi comme un homme au lieu de te terrer comme un rat.

Comprenant qu’il ne pourrait plus se cacher, Dorian se matérialisa aux côtés d’Andromède. Il lança un regard froid à Valérian avant d’ajouter :

  • Navré de vous décevoir, Père. Ce n’est que moi.

Le temps suspendit son cours tandis que père et fils se faisaient face. Valérian était à deux doigts d’exploser, Dorian profita de ce petit répit pour se pencher vers le roi elfique :

  • Vos sujets ont été évacués, partez, laissez-moi ce combat.

Andromède n’eut pas le temps de refuser. Dorian posa la main sur l’épaule de l’elfe et l’envoya avec ses gardes dans un lieu plus sûr. Puis, étant enfin seul avec son géniteur, le jeune mage sortit doucement sa lame afin de s’offrir un épique combat. Valérian le toisa avec dédain puis s’adressa à ses hommes :

  • Il n’y a plus rien à affronter ici. Partons.

Il mania son cheval pour faire demi-tour mais Dorian lui hurla :

  • Vous me devez ce combat, Père.
  • Pour quelle raison ? s’étonna Valérian. Pour que tu puisses racheter ta faute aux yeux de tes elfes ? Afin que tu puisses leur prouver que tu es bien dans leur camp ? C’est toi qui m’as libéré, Fils, et de plein gré. En t’épargnant aujourd’hui, j’efface notre ardoise pour notre duel final aux portes de ta cité elfique. J’aurais grande joie à y rencontrer ta compagne. Je me ferai un plaisir de l’honorer et, peut être, arriverai-je à comprendre ce qu’il a bien pu se passer pour que tu laisses parler ton cœur plutôt que ta raison.
  • Ne la touchez pas, siffla Dorian entre ses dents.

Valérian éclata alors d’un rire sinistre.

  • La folie te guette, Fils. Je sais pourquoi tu ne dors plus, pourquoi se répètent les cauchemars ? Tu te demandes comment. Comment peut-on récupérer une âme alors qu’on se trouve à des centaines de lieues de là ? Est-ce que Drake était dans la chambre quand ta belle a rendu son dernier souffle ? Est-ce qu’il peut y revenir à sa guise ? Et surtout, où est-il en ce moment ?

Un nouveau rire fendit son visage alors que celui de Dorian se décomposait. Le doute horrible qui l’assaillait à présent avait tourné dans sa tête des nuits durant. Dorian tenta de retrouver son aplomb en chassant l’abjecte vision qui s’était imposée à son esprit. Il resserra sa poigne à la garde de son épée et reprit d’une voix froide :

  • Je veux mon combat, Père, vous me le devez.

La voix du père retentit alors comme un coup de fouet :

  • Non, tu me dois la vie, Fils, moi je ne te dois rien.

Il talonna son cheval pour quitter la cité en ruines. La rage aveuglait Dorian, il se matérialisa devant son père manquant de le faire tomber. Valérian eut un nouveau rire amusé puis attaqua sans sommation. D’un geste de la main, il projeta sa magie vers son fils. Le bouclier d’éther de Dorian fut immédiatement pulvérisé et l’orbe vint s’abattre sur la poitrine du jeune homme. Il hurla sa souffrance lorsqu’il sentit une gangue électrique lui broyer le cœur. Tout se passa en quelques secondes, le supplice lui fit fermer les yeux mais quand il les rouvrit, il se trouvait allongé sur le dos au beau milieu de nulle part. Des visages inquiets d’elfes le dominaient. Il tenta de reprendre son souffle mais le coup avait été brutal et horriblement douloureux. Valérian l’avait envoyé au beau milieu de la cité elfique. Le combat ne l’avait pas blessé, si ce n’est son amour propre. Son père était devenu plus fort et il n’avait pas tort lorsqu’il disait que la folie guettait Dorian. Sa peur de perdre à nouveau Firiel l’étreignait tellement que son cerveau refusait de réagir avec froideur. Drake avait récupéré l’âme de sa belle car il était présent dans leur chambre le soir funeste. Il pouvait revenir quand il voulait. Dorian se transporta avec colère dans son monde, il fallait qu’il fasse le point, qu’il réfléchisse à un moyen de prendre du recul face à cette situation.***Dorian s’était retiré au fin fond de sa caverne, il observait le mur de glace à présent vide qui, il y a encore quelques jours, renfermait son père. Il avait fait une énorme erreur en acceptant la proposition de Drake et aujourd’hui, il s’en voulait terriblement. Il ne pourrait pas vaincre derechef son géniteur, il n’en avait plus la force. Il perdrait à nouveau Firiel, ce n’était plus qu’une question de temps.

  • Pourquoi ? demanda-t-il à lui-même en sentant ses larmes venir.
  • C’est exactement la question que je me pose, tonna une voix derrière lui.

Dorian, surpris par cette intervention, fit face à Elminster. Il allait l’interroger sur sa présence ici mais le vieil homme le devança :

  • Ton familier m’a invité, déclara-t-il.
  • La peste soit d’elle, maugréa le jeune mage.
  • Qu’est-ce qu’il s’est passé, Dorian ? Je pensais que tu gardais jalousement Valérian et que je n’aurais plus jamais l’occasion de l’affronter.
  • Je venais de la perdre, j’étais déboussolé. Aussi quand Drake m’a proposé son âme en échange de mon père, je n’ai pas réfléchi.
  • Alors en plus d’un allié, tu lui as dévoilé ta plus grande faiblesse.
  • Pire que ça, renchérit Dorian, il n’y a qu’un moyen d’emprisonner un esprit dans un orbe nécromanique. Il devait se tenir à quelques pas de nous quand elle est morte.
  • Il faut renforcer les défenses du palais, lâcha Elminster plus pour lui que pour Dorian.

Le jeune homme soupira.

  • C’est trop tard, ils marchent en ce moment même vers la cité elfique pour la rayer définitivement de la carte.
  • Il faut agir, s’empressa de déclarer Elminster.
  • A quoi bon ? Ils sont plus nombreux, plus forts, mieux organisés. Nous n’aurons pas le temps de rassembler tous les elfes, nous serons balayés en quelques heures. C’est pour ça que Valérian m’a épargné, il veut que j’assiste à la déchéance de ce royaume.
  • Tu vas donc ajouter la lâcheté à la trahison ?
  • C’est facile pour vous, explosa alors Dorian, vous avez toujours eu le soutien que vous demandiez. Vous n’avez jamais fait de choix sur un coup de tête, des choix que vous regrettez.

Elminster dévisagea alors le jeune homme avec un sourire triste :

  • En es-tu vraiment certain, mon garçon ? Je savais que la Tour Blanche n’approuvait pas les liens que j’avais tissés avec ton père, qu’ils essayaient de nous séparer. Je n’étais pas sans ignorer que les dirigeants avaient fait comprendre à Valérian que c’était moi qui avais choisi Zorgal pour vous examiner. Il ne voulait voir personne ce soir-là, j’aurais dû laisser sa peine s’apaiser. Ton père répétait à qui veut l’entendre que j’ai tué ta mère… c’est peut-être un peu vrai.

Dorian se détourna en faisant voler ses cheveux :

  • Ce n’est pas pareil, trancha-t-il avec véhémence.
  • Si, répondit simplement le vieux mage, j’étais persuadé que je pouvais convaincre ton père. Que notre amitié était plus forte que ces suspicions. Je me trompais, je me trompais lourdement et Sarah l’a payé de sa vie.

Dorian ferma les yeux pour éviter de laisser exploser la fureur qui montait doucement en lui. Entendre le prénom de sa mère avait rouvert une blessure qui peinait à cicatriser.

  • Partez d’ici, déclara-t-il d’une voix menaçante. Vous n’aurez aucun soutien de ma part.

Il garda les yeux fermés afin de masquer les larmes qui les emplissaient, il resta stoïque de longues minutes durant jusqu’à ne plus rien entendre. Quand il s’autorisa à regarder de nouveau, Elminster avait disparu.

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