13.    L’Exécution Avortée - Partie 2

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Quelques semaines étaient passées et, à présent, Dorian attendait tranquillement le point final de sa vie. Il ne regrettait rien, les elfes lui avaient appris que la rédemption ne serait jamais pour lui. Elminster avait bien tenté de raisonner le jeune homme juste après la promulgation de la sentance mais Dorian comprit rapidement qu’il ne cherchait qu’à protéger le monde de la menace de Valérian. Le Magicien Noir avait alors transféré une partie de la garde de son prisonnier. Advienne que pourra le moment où… Un frisson lui parcourut l’échine, ce n’était pas la première fois qu’on le condamnait à mort mais c’était bien neuf pour lui le fait de ne plus vouloir se battre. Il avait baissé les bras le jour où Firiel l’avait repoussé. Il ne saisissait pas ce qui pouvait bien le lier à elle. Tout ce qu’il souhaitait c’était le bonheur de la jeune femme, il avait compris que ça ne serait le cas que s’il quittait son monde. Le jour du jugement, il avait tout fait pour ne pas affronter son regard, pour ne pas flancher, mais surtout pour ne plus jamais revoir cette haine dans ses yeux. La porte de sa cellule s’ouvrit soudain et Dorian sut qu’il était parti en plein songe. Firiel le dévisageait avec ce mélange de panique et d’espoir qu’elle avait lors de leur première rencontre. Dorian allait chasser ce rêve d’une remarque acerbe mais l’elfe se précipita dans ses bras et l’embrassa langoureusement. Le cœur de mage bascula, ça ne pouvait être qu'un rêve ou un mirage. Cependant l’illusion était parfaite car il ressentait la peau de la jeune femme lovée contre lui et la douceur de ses lèvres aussi passionnées que le jour où il avait défait son père. Quand l’elfe brisa le songe en se reculant pour observer le prisonnier, ce dernier découvrit une étrange abnégation dans ses yeux :

  • Dorian, murmura-t-elle, je sais ce que tu veux de moi. Je t’offre mon corps, je te donnerai ce que tu désires mais je t’en prie ; aide-nous.

Le mage comprit bientôt que l’éclat de détermination était plutôt celui du sacrifice.

  • Que se passe-t-il ? demanda-t-il d’une voix aussi froide que possible.

Son cœur s’était accéléré, son cerveau était en ébullition, un horrible serpent venait de se créer dans son ventre et lui enserrait les entrailles. Il tenta de rester impassible mais toute son âme réclamait de se lever et d’aider la jeune femme. Cette dernière expliqua alors :

  • Drake nous a envoyé un démon majeur, ma sœur le combat en ce moment. Il nous faut un mage pour le contenir.
  • Elminster ne fait plus l’affaire, railla le jeune homme sentant le piège à plein nez.

Mais la réponse de Firiel le cloua sur place :

  • Elminster est mort.

Dorian ne mit qu’une minute à analyser les options qui s’offraient à lui : soit il vainquait le démon et obtenait la jeune femme qu’il convoitait tant, soit il mourrait de la plus belle manière en tentant de le faire. Un sourire sadique naquit sur ses lèvres.

  • Je veux également ma liberté, osa-t-il.
  • Tout ce que tu voudras mais sauve ma sœur et ce royaume.

Dorian sonda le regard de la jeune femme, elle était assez paniquée pour lui promettre tout et n’importe quoi. Il caressa le visage de la belle en déclarant froidement :

  • Nous discuterons des termes de ta dette plus tard. Libère-moi.

La jeune femme s’exécuta sans se faire prier. Une fois débarrassé de ses entraves, Dorian se téléporta sur les lieux de la bataille.

***

Quand Dorian apparut sur la grande plaine, il fut surpris de ne trouver personne. Là où des troupes veillaient jour et nuit, il n’y avait plus que des baraquements vides. Le mage projeta ses sens et découvrit que le combat avait lieu plus au Sud. Il prit une longue minute à analyser les forces présentes sur place. Les armées elfiques se battaient dans ce qui semblait être une petite cité, bâtie autour d’une immense tour. Dorian décela des soldats non identifiés qui tentaient de repousser une horde de goules. Les cadavres s’extirpaient du sol sans discontinuer et il était peu aisé de les vaincre car même privés d’un bras ou d’une jambe, ils continuaient à avancer. La vision la plus apocalyptique était sans doute celle du démon. La créature faisait presque la moitié de la tour dominant la cité, son visage hideux, et ses cornes ne laissaient guère entrevoir d’issue pacifiste à ce combat. Elle venait détruire la ville et tout ce qui pouvait l’entourer. La Reine Galadrielle tentait de préparer un sort assez puissant pour le contrer et le retenir à jamais, certains guerriers lui prêtaient main-forte. Dorian reconnut Calion et ses troupes ainsi que le prince elfique. Il n’avait plus d’allié mais ne donnait pas sa part au chien, frappant sans relâche leur ennemi. Sa rouquine de copine se tenait près de lui et deux autres bellicistes : un homme et une femme complétaient le tableau. Un ultime combattant attira l’attention de l’enchanteur, une ombre noire bondissait sur son adversaire, lui affligeant des coups hors du commun : Raven. Ainsi donc, en plus d’être philosophe, le chasseur s’avérait être également un redoutable bretteur. Ayant clairement une vue d’ensemble de la situation, Dorian se transporta sur les lieux de la bataille. Lévitant au-dessus des humains, par mesure de précaution, il activa son pouvoir et un gigantesque orbe magique percuta le démon de plein fouet. Ce dernier accusa le coup, recula, tituba mais se reprit. Dorian en profita pour apparaître aux côtés de la Reine.

  • Dorian, reconnut-elle avec le plus merveilleux des sourires. Tu es venu. Merci.

Il y avait une telle sincérité dans son remerciement que le mage se sentit mal à l’aise vis-à-vis de la promesse de Firiel. Il balaya cette idée d’un coup, ce n’était pas le moment d’encombrer son esprit.

  • De quoi avez-vous besoin ? demanda-t-il sans se soucier des détails.
  • Il faut l’épuiser, assez pour que je puisse l’enfermer.

Dorian fit signe de la tête qu’il avait compris et disparut pour apparaître aux côtés de Lucinda. Il en profita pour dévier d’une décharge la main du démon qui s’apprêtait à écraser la jeune femme.

  • Il me faut une arme, déclara le jeune homme.

La rouquine acquiesça et héla son compagnon elfique.

  • Andromède, l’épée.

L’elfe fit voler ses longs cheveux d’argent quand il vit ce que sa compagne lui demandait.

  • C’est hors de question, hurla-t-il pour que sa voix soit entendue au milieu du combat. C’est l’arme d’Elminster, c’est l’arme d’un mage.
  • On en a un de rechange, répliqua la jeune femme, et je doute qu’Elminster ait vraiment besoin de son arme là où il est.

Andromède se forgea un passage dans les cadavres afin d’atteindre sa compagne. Il tira au clair l’épée qui ceignait son flanc et la tendit au mage. Dorian hésita un peu, certes l’arme lui était présentée mais l’elfe le fusillait du regard comme s’il n’approuvait pas ce choix mais n’en avait malheureusement pas d’autres. Quand Dorian saisit la garde de l’arme, Andromède lui lança :

  • Montre-toi aussi digne de cette épée que celui à laquelle elle appartenait, Monstre.

Il ne daigna même pas répondre mais utilisa la lame pour dévier la hideuse main du démon qui menaçait, derechef, de frapper. Ayant enfin son plan et étant correctement armé, Dorian se lança dans la bataille à grand coup de magie et d’estoc bien placé. Le reste des troupes s’occupait des goules, de toute façon, une fois le géant vaincu, elles disparaitraient comme elles étaient venues. Dorian lévitait à quelques pas du monstre et s’apprêtait à projeter un nouveau sortilège quand il aperçut une forme humaine suspendue sur le dos de la créature. Raven était monté jusque-là et à présent, une main dans le vide, il tentait de reprendre position afin de continuer son ascension. Dorian envoya un puissant coup qui fit se plier le démon en deux. Il ne prit pas soin de voir comment son ennemi encaissait le choc, il venait de se matérialiser à l’endroit même où se tenait Raven et le saisissant par le poignet, lui évita d’aller s’écraser au sol.

  • J’arrive au bon moment, plaisanta-t-il.

Le chasseur eut un sourire amusé et expliqua :

  • Je veux atteindre sa tête, elle a l’air d’être vulnérable.

Dorian fit un clin d’œil et ils se retrouvèrent tous les deux juchés sur les épaules du démon. Raven enfonça son épée jusqu’à la garde dans le cou sans protection du monstre tandis que Dorian faisait de même de l’autre côté. Il usa de son pouvoir pour ajouter une décharge d’éther dans son arme. La créature hurla de douleur et mit un genou à terre. Dorian s’époumona à prévenir la Reine qu’il fallait agir maintenant. Une gigantesque gangue bleutée les entoura alors et quand elle disparut, les deux guerriers entamèrent une longue chute. Le mage ne s’était pas attendu à ce que leur ennemi s’évanouisse ainsi. Il envoya un sort en direction de Raven pour qu’il ne subisse aucun dommage mais il était trop tard pour lui. La douleur irradia son dos que ce dernier entra en contact avec le sol. Dorian usa de l’ultime once de psyché qu’il pouvait lui rester pour diagnostiquer les dégâts et partiellement les réparer. Autour de lui les hommes hurlaient leur victoire. Le mage se sentait partir vers les limbes quand son cerveau s’accrocha à une voix. Celle de Firiel, elle s’époumonait. Au prix d’un effort colossal, il ouvrit les yeux. Il était entouré de soldats elfiques plus hostiles les uns que les autres. Firiel joua des coudes pour arriver à sa hauteur.

  • Non, rugit-elle, il est libre. Je lui ai promis que je le libèrerais s’il acceptait de nous aider.

La Reine Galadrielle apparut à ses côtés. Elle semblait diminuée par le sort qu’elle venait de lancer mais était indemne :

  • Une promesse est une promesse, appuya-t-elle pour convaincre ses hommes de baisser leurs armes.
  • Il avait choisi la mort, majesté, intervint Raven.

Galadrielle tourna alors un regard étrangement froid vers le chasseur :

  • Oui, et si la sentence avait été exécutée ce matin comme il était prévu et que ce démon était arrivé par la suite, nous aurions tous été tués.

Elle tendit la main vers le mage pour l’aider à se relever. La seule information que le cerveau de Dorian émettait était de reste allongée dans cette position plus ou moins confortable. Il hésita mais consentit à répondre à la demande de l'elfe. Une décharge glacée répara instantanément le corps endolori du jeune homme et il se redressa.

  • Merci, répéta une nouvelle fois la Reine.

Elle se pencha vers le jeune homme et ajouta dans un souffle :

  • J’espère juste que ce qui t’a été promis ne blessera personne.

Dorian se sentit mal à l’aise, ce n’était pas la première fois qu’il avait l’impression que la Reine lisait dans ses pensées et connaissait chaque recoin de son esprit.

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