10.    Trahison - Partie 2

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Firiel n’eut pas le temps de ruminer ses sombres pensées, les informations des éclaireurs elfiques faisaient état d’une progression très rapide des troupes démoniaques. Une légion de plus de cent mille combattants fut en quelques jours aux portes de la cité. Ce fut donc le cœur battant ; à la fois redoutant et impatiente d’en découdre, que la jeune femme, juchée sur un cheval blanc, s’avança vers la horde hostile.

  • Je suis Firiel, Général des Armées de Sa Majesté, la Reine Galadrielle. Nous vous sommons de quitter ces Terres. Faute de quoi, nous riposterons à cette ingérence.

Le silence qui régnait dans les rangs d’en face la fit douter. Personne ne bougeait, personne ne s’avançait. Soudain, le ciel s’obscurcit. Firiel vit ses soldats lever les yeux en proie à une douce panique. Un monstre de forme saurienne était apparu de nulle part. Quelqu’un le chevauchait, sans doute le capitaine de cette armée des enfers. Quand la créature toucha le sol et que Firiel put contempler le visage de son cavalier, elle se sentit défaillir. Elle le dévisagea minutieusement, sa stature imposante, ses longs cheveux ébène descendant en cascade sur ses épaules et surtout son regard glacial. La gorge de l’elfe se noua, ce n’était pas possible, ça ne se pouvait pas. Ses yeux la trompaient, ça ne pouvait pas être Dorian sur ce dragon. Il ne ferait jamais ça, il n’oserait pas les trahir. Un horrible sentiment de déception la saisit quand elle vit le jeune homme lui envoyer un baiser, ordonner à l’armée démoniaque d’attaquer tout en menant son hideuse monture derrière les lignes ennemies afin d’éviter qu’un projectile magique ne le touche. Il fallut que Firiel encaisse un coup avant de reprendre ses esprits. Elminster venait de lui prouver qu’il avait toujours eu raison. On ne pouvait se fier au Mage Noir. Elle sentit des larmes lui couler sur les joues alors qu’elle se battait avec tout le désespoir qui l’animait à cet instant.

***

C’est avec un épouvantable mal de crâne que Dorian ouvrit les yeux. Ses assaillants avaient frappé assez fort, il sentait son cou et ses épaules poisseuses de sang. Il mit de longues minutes à reprendre ses esprits avant de détailler l’endroit où il se trouvait. Une cellule, il était de nouveau enfermé dans une cellule. Il refit le point sur ses souvenirs, son réveil après le combat contre Valérian. Ce duel l’avait usé comme jamais et il n’était pas parvenu à apparaître directement sur les terres elfiques. Au lieu de ça, il s’était déplacé vers un emplacement à mi-chemin. Une erreur ; une armée campait là. Il fut, facilement, mis hors d’état de nuire. Une lueur l’éblouit soudain alors que la porte de la prison s’ouvrait sur un étrange personnage. C’était un homme entièrement habillé en noir. Il avait une stature pleine de prestance mais son visage était angoissant. Ce n’était pas le crâne entièrement rasé et couvert de tatouages qui intimidait mais le masque de mort qui dissimulait le haut de son faciès, ne laissant apparaître qu’une bouche aux dents taillées en pointes.

  • Enfin de retour parmi nous, déclara le squelette d’une voix d’outre-tombe.
  • J’ai été si gentiment invité, ironisa le jeune mage.
  • Je suis Drake, Empereur des Terres du Nord, se présenta l’inconnu. Sais-tu pourquoi tu es ici, Dorian ?
  • Du tout, mais je crois que vous allez me le dire.
  • Je voulais te parler, te faire une proposition.
  • C’est non, rétorqua Dorian, j’ai pour habitude de ne pas pactiser avec des gens qui m’assomment.
  • Mes hommes ne s’attendaient pas à ce que ça soit toi. Le grand Dorian, celui grâce à qui j’ai pu obtenir ce royaume. J’ai besoin de toi.
  • C’est non, répéta le jeune mage, la flatterie n’a aucune emprise sur moi.
  • Et la menace, demanda mielleusement le squelette ?

Dorian lui lança un regard à demi-amusé :

  • Encore moins.

Drake eut un rire maléfique et continua :

  • Je veux que Valérian rejoigne mes rangs.
  • Il faudrait lui demander alors, répondit Dorian en haussant les épaules.
  • Livre-le-moi, reprit Drake, amène-le ici et je les épargnerai.

Drake eut un geste vers le mur et l’image floue d’un combat se matérialisa. Dorian n’eut aucun mal à reconnaître le lieu ni les deux parties qui s’affrontaient. Les elfes de Galadrielle étaient aux prises avec une armée démoniaque qui avait visiblement le dessus. Il vit Calion se frayer un chemin pour accéder au centre de la bataille, c’est alors qu’il découvrit le corps de Firiel blessé, recroquevillé au milieu des troupes ennemies. Dorian s’efforça d’afficher un masque impénétrable, comme si le spectacle ne l’impressionnait guère.

  • Il était certain que les armées elfiques ne gagneraient pas, déclara-t-il avec détachement.

Drake eut un nouveau rire pernicieux.

  • C’est peut-être notre général qui a influencé l’issue.

Le sort se modifia et là, Dorian n’eut pas la force de masquer son étonnement. C’était sa propre image, chevauchant un dragon qui hurlait des ordres aux troupes démoniaques. Le mage ferma les yeux pour retrouver son aplomb.

  • La rédemption n’est pas de ce monde, minauda Drake. Du moins, pas après une traîtrise pareille.

Quand le jeune mage rouvrit les yeux, il braqua un regard de braise sur le squelette.

  • Jamais, jamais je ne vous livrerai Valérian.
  • Alors, déclara Drake, je te laisse, profites bien du spectacle.

Il eut un rire malsain et quitta la prison. Dorian resta les yeux rivés sur le mur redoutant le nouveau stratège que cet ennemi allait mettre en place.

***

Juché sur son dragon, le Doppelganger observait la bataille avec délectation. L’elfe s’était battue comme une lionne pour l’atteindre mais ses hommes étaient plus nombreux. Elle était à présent blessée, gisant au sol, un de ses lieutenants s’échinait à la rejoindre mais il n’avait aucune chance. La marée démoniaque était trop intense, trop compacte à cet endroit. En réalité, il n’y avait que le côté est et le vieux mage qui semblait tenir l’assaut. Il allait demander à ses troupes de renforcer leurs flancs quand il reçut un message de son maître.

  • Il est temps de passer à la seconde partie du plan.
  • Bien Maître, répondit-il à demi-mot.

Il talonna soudain son horrible monture et se lança dans la bataille mais étonnamment, ce ne furent pas les elfes qu’il attaqua mais les démons. Comme si Dorian ne savait pas, une nouvelle fois, dans quel camp se ranger. Le plan était des plus simples, l’armée qu’il avait à ses ordres n’était qu’une façade, des pions qu’il pouvait aisément sacrifier. Le but de Drake était plus pernicieux, il devait détruire ses hommes, prouver à ses ennemis qu’il était de leur côté. Faire ce que Dorian avait fait s’il n’était pas prisonnier à Sorgat. Les troupes démoniaques avaient beau être nombreuses et bien rangées, le fait de voir leur général se retourner contre eux les désorganisa. Il ne fallut que quelques dizaines de minutes pour que les soldats sonnent la retraite et quittent le champ de bataille. Le double sauta de son horrible monture qui disparut d’un seul coup et se rua vers le corps de Firiel. Calion était déjà présent.

  • Comment va-t-elle ? s’enquit le double.

L’elfe noir fusilla le doppelganger du regard.

  • J’ai presque eu une raison de te traquer et de te tuer, souffla-t-il entre ses dents.

Calion ne le laissa pas approcher Firiel, il la prit délicatement dans ses bras et l’amena au palais sans un autre mot.

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