7.    Sans Rédemption Possible - Partie 2

9 minutes de lecture

Dorian mit cependant un très long moment avant de se décider à partir pour Perlé. Il avait troqué ce chapeau qui à présent le caractérisait pour une capuche lui cachant une bonne partie du visage. Perlé, un port qui rayonnait d’une franche joie de vivre. On y sentait une claire influence elfique tant dans la magnifiscence de la cité que dans le mélange de races qui l'habitait. En effet, la reine du Sud ne se trouvait pas loin de cette cité et les sujets de cette dame se mélangeaient aux humains. Dorian avait craint d’être rapidement repéré mais il constata vite que sa tenue ne jurait pas au milieu de certains matelots sans doute aussi recherchés que lui. Il dénicha une petite auberge à l’Est de la ville. Le bar était suffisamment enchevêtré dans une myriade de ruelles pour lui donner la possibilité de fuir en cas de souci. Quand il poussa la porte de l’établissement, tous les regards se tournèrent vers lui. Il entra lentement, prêt à agir si on venait à l’attaquer. Il s’apprêtait à rebrousser chemin mais la tenancière, une énorme matrone à la poigne de fer, le prit par le bras pour l’entrainer à une table.

  • Détends-toi, mon lapin, déclara-t-elle. Ils ne vont pas te manger. Qu’est-ce que je te sers ?
  • J’ai une faim de loup, souffla Dorian.

La matrone hurla sur son cuisiner ; l’intimant de préparer un plat du jour et pas une portion de fille. Elle disparut vers les cuisines alors qu’un type s’approchait de la table du jeune mage.

  • Tu as froid que tu gardes ta capuche, commença-t-il.

Dorian baissa les yeux pour éviter son regard.

  • Eh, mon gars, continua l’homme, tu viens d’où ?
  • Sorgat, lâcha Dorian dans un souffle en fuyant le visage de l’homme.

S’il avait levé les yeux, il aurait vu le type se décomposer sur place. Il héla la tenancière, lui demandant d’ajouter au plat une bière et de la compter sur sa note. Il ne fallut qu’une fraction de seconde pour la faire apparaître. L’homme s’assit en face de Dorian qui le remercia d’un murmure.

  • C’est le moins que je puisse faire pour un frère de l’Ouest, répondit simplement l’habitué, alors dit-moi, c’est comme on raconte là-bas ?
  • Et qu’est-ce qu’on raconte ? demanda Dorian piqué par la curiosité.

Il leva les yeux vers l’homme pour le détailler, c’était un type quelconque, au vu de ses habits et de la paille dans ses cheveux poil de carotte, Dorian en conclut qu’il venait d’une ferme et comme les agriculteurs ne vont pas au bistro, il devait être fils de métayer. Le visage de rouquin s’assombrit quand il commença à énumérer ce qu’il savait : les deux mages qui avaient détruit la Tour Blanche, puis la Cité de Sorgat. On raconte qu’ils ont enlevé, séquestré et tué la princesse, entrainant le roi dans une peine qui eut également raison de lui. Depuis, une ombre flotte sur cette partie du monde, il semblerait qu’un homme ait pris le pouvoir : une brute inquisitrice. Dorian l’écoutait attentivement, effaré de voir ses traits aussi grossièrement accentués. Il n’eut alors plus aucun doute, la rédemption ne serait pas pour cette vie. D’autres habitués des lieux se joignirent au rouquin pour étayer ses histoires. Ils en vinrent à parler des elfes et de leur Impératrice. Elle semblait aimée et respectée dans cette cité, bien loin de ce que l’on pouvait raconter à l’Ouest sur la « sorcière elfique ». L’alcool et la chaleur humaine aidant, l’atmosphère s’apaisa. Dorian était parvenu à se détendre quand soudain, son sang se glaça dans ses veines. Un homme venait d’entrer dans l’auberge, et pas n’importe quel homme : un mage, celui qui fut l’ami de son père, Elminster. Il semblait être connu dans l’établissement car les habitués le hélèrent afin de lui présenter l’étranger. Celui qui avait fui le même endroit que lui. Le mage rouge ne laissa rien paraître, il salua Dorian avec une jovialité étrange mais, se penchant sur lui, il murmura :

  • Ne fais pas d’esclandre, sors avec moi.

Dorian comprit qu’il n’avait aucune issue, l’enchanteur parlait et plaisantait avec les habitués mais il gardait une poigne de fer sur le bras du jeune homme, augmentant progressivement la pression.

  • Mon frère, trancha soudain le vieux mage, tu ne vas quand même pas loger à l'auberge alors que je t'ai toujours dit que ma porte était ouverte. Je peux t’héberger pour la nuit !

Dorian sentit qu’il perdait pied, il essaya de trouver au plus vite une parade à cette invitation déguisée. Le jeune mage se leva et s’avança vers le comptoir.

  • Il faut d’abord que je paie mon repas, déclara-t-il.

Un brouhaha éclata alors, tous voulaient offrir le repas à l’étranger de Sorgat. La situation dégénérait à présent, peut-être une diversion parfaite pour tromper le vieux mage et disparaître. Dorian allait tenter quelque chose quand la tenancière trancha d’une voix de stentor :

  • Non, c’est moi qui l’invite.

Elle lança un regard de braise au jeune homme et rajouta :

  • Mais seulement si tu reviens, mon mignon.

Elle accompagna sa remarque par un clin d’œil qui signifiait beaucoup de choses. Dorian recula d’un pas et Elminster en profita pour asseoir son emprise. Il saisit le jeune homme par le bras et passa l’autre main sur ses épaules. Il le força à se retourner vers la sortie de l’auberge. Il ne fallait pas compter sur une quelconque échappatoire, aussi finit-il par capituler. Il se laissa docilement entrainé à l’extérieur par le vieux mage. Quand ils franchirent le pas de la porte, le cœur de Dorian remonta jusque dans sa gorge. Il y avait là une dizaine d’enchanteurs qui semblaient l’attendre de pied ferme. Impossible de fuir, le combat, perdu d’avance. Dorian ferma les yeux alors que ses ennemis s’approchaient de lui pour le mettre aux fers. Elminster déclara alors d’une voix froide :

  • Dorian, nous t’arrêtons pour magie noire, invocation de créatures démoniaques, meurtres et régicide.

Un soupir monta dans la gorge de Dorian mais ne parvint pas à sortir. La rédemption ne serait pas dans ce monde, pas dans cette vie. C’est donc un captif docile qui suivit les mages jusqu’à la grande prison de Perlé.

***

Les prisons de Perlé étaient plus conviviales que celles de Sorgat. Dorian fut enfermé dans une cellule, certes petite mais avec une fenêtre donnant sur la mer. Il ruminait ses pensées quand soudain, il entendit une porte s’ouvrir et deux personnes discuter. Dorian reconnut la voix d’Elminster mais ne parvint pas à comprendre de quoi il en retournait :

  • Je vous préviens tout de suite, je ne cautionne pas ce choix, alarmait le vieil homme.
  • Héru, répondit une voix étrange, voyez avec elle.

Des pas s’approchèrent dans le couloir tandis que la porte de fond se referma avec un immense fracas. Une paire de bottes apparut devant sa cellule de Dorian. Nul doute que la conversation entre l’étranger et le mage rouge avait porté sur lui. Le jeune homme leva les yeux vers son visiteur. Il s’était attendu à un elfe mais fut surpris de voir celui-ci. Il jurait totalement de ceux que Dorian avait pu croiser au cours de sa vie. C’était la première fois qu’il faisait face à un elfe noir et il faut dire que celui-là avait fière allure. Engoncé dans une armure rutilante qui faisait ressortir son teint bleuté. Ses cheveux argentés étaient coupés très court à l’exception d’une petite tresse qui lui tombait sur l’épaule. Son visage fermé, presque arrogant était souligné par des yeux gris qui semblaient pénétrer l’âme du mage. Un silence de glace s’installa jusqu’à ce que Dorian le brise :

  • Vous êtes venu voir le monstre, railla-t-il.
  • Je suis Calion, se présenta l’elfe, Haut Capitaine des Elfes Noirs et Commandant des Armées de Son Altesse la Reine Galadrielle.

Dorian siffla d’étonnement :

  • Impressionnant, railla-t-il, moi je suis Dorian, Mage Noir condamné à mort, encore une fois.

L’elfe détailla le mage avec morgue. On sentait un clair duel entre son aspiration personnelle qui aurait voulu quitter cette prison pour laisser ce lascar à sa mort future et sa mission. Il soupira et déclara :

  • La Reine souhaite vous voir.
  • Et si je refuse ? s’amusa le jeune mage.

Il regretta immédiatement sa phrase. L’elfe lui jeta un regard froid et passa à un langage plus proche.

  • Écoutes mon gars, tu es condamné à mort, dans quelques heures, tu seras jugé et exécuté. Tu ne veux pas de mon aide, soit. Tu parlementeras avec les corbeaux pour qu’ils attendent que tu sois bien mort avant de se repaitre de tes entrailles.

L’elfe tourna les talons et quitta la prison sans un mot de plus, donnant tout loisir à Dorian de méditer sur la chance qu’il venait de laisser filer.***Dorian ne reçut plus aucune autre visite, jusqu’à ce qu’un groupe de gardes vienne le chercher. Ils étaient accompagnés par deux mages. La sécurité de la cité était bien plus renforcée que celle de Sorgat. Le prisonnier fut conduit à l’extérieur, dans une petite cour. La surveillance des lieux était impressionnante, sans doute avaient-ils eu vent de ce qu’il s’était passé à Sorgat car il n’y avait aucun civil présent. Il fut attaché à une sorte de potence, les bras retenus vers le haut au-dessus d’une citerne. Dorian ne comprit pas vraiment ce qui l’attendait. L’individu qui l’avait entravé s’affaira autour du gibet. Dorian l’observa oisivement faire signe à son acolyte. Le mage ne put s’intéresser à l’autre protagoniste : il reçut un violent coup de bâton derrière le genou. Le prisonnier s’affaissa activant le mécanisme mis en place qui l’aspergea d’eau, jusqu’à ce qu’il se relève. Satisfaits de leur travail, ils s’éclipsèrent tandis que le bourreau arrivait dans un silence de mort. Elminster apparut alors devant le jeune enchanteur.

  • Il y a d’énormes charges qui pèsent contre toi, déclara le vieil homme solennellement. Que plaides-tu ?
  • Je détruirai cette ville comme j’ai détruit Sorgat, répondit-il en masquant ses doutes sous une couche d'arrogance.

Dorian surprit un éclat de tristesse dans le regard du vieux mage. Il se détourna et acquiesça sombrement. Le fouet claqua soudain, déchirant la chemise du prisonnier ainsi qu’un lambeau de son dos. Dorian resta impassible. Il était même quasiment indécelable de voir qu’il serrait les dents. Les coups pleuvaient sans relâche. Le condamné tenait bon mais sa mâchoire commençait à se crisper. Il ferma un instant les yeux, cherchant la paix au fond de lui. Les mages présents dans l’assemblée crurent à une attaque et un projectile d’éther frappa le jeune homme de plein fouet. Dorian encaissa en mettant un genou au sol. C’est alors que la plus violente des douleurs le saisit tandis que le liquide touchait son dos lacéré. Le prisonnier ne parvint plus à cacher sa souffrance. Il lâcha un hurlement à glacer le sang et tenta péniblement de se redresser. Il y avait quelque chose dans l’eau qui rendait tout contact avec une plaie intolérable. Dorian était à bout de souffle. Le supplice se suspendit quelques instants, lui laissant un peu de répit. Elminster s’avança une nouvelle fois comme s’il attendait une réponse de la part du mage. Ce dernier resta muet mais le fusilla du regard. Sans réponse de sa part, les coups de fouet reprirent, plus intenses que jamais. Dorian ne parvenait plus à dissimuler quoi que ce soit à présent. La souffrance était horrible et les meurtrissures de plus en plus insupportables. Dès que ses jambes lui faisaient défaut, le liquide le forçait à se relever. La torture dura de longues minutes avant que le supplicié ne capitule. Dorian se laissa tomber au sol, la tête basse, fermant les yeux pour masquer ses larmes de douleur. Il n’en pouvait plus, il ne songeait qu’à la mort. La chute d’eau stoppa soudain mais le jeune mage n’avait plus la force de se redresser, il resta prostré, les cheveux détrempés cachant son visage. La voix d’Elminster retentit de nouveau :

  • Dorian, plaides-tu coupable ?

À cet instant, aucun mot n’aurait pu sortir de sa gorge. Il refoula ses larmes et acquiesça silencieusement.

  • Bien, reprit le vieux mage, dans ce cas, nous te condamnons à mort par…
  • Objection.

La voix de stentor de Calion avait retenti comme une délivrance. Dorian gardait la tête baissée mais sentit l’elfe approcher.

  • La Reine souhaite le voir, je dois le conduire à elle.

Un silence pesant emplit alors l’air. Elminster soupira avant de déclarer :

  • Et bien, si c’est la volonté de la Reine, nous ne pouvons, nous y opposer. Cependant, sachez que je n’approuve pas et que je souhaite être présent.
  • Voyez ça avec elle, lâcha avec insolence l’elfe noir.

L’elfe utilisa alors sa langue pour donner ses ordres. Dorian subit plus qu’il ne comprit ce qu’il lui arrivait. On le ligota sur un cheval et il sombra dans l’inconscience à peine les portes de la Cité franchies.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Angy_du_Lux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0