Chapitre 7 – L’enfer.

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Elle émergea du sommeil dans un nuage de poussière âcre. Une vive douleur lui lacérait le visage. Elle tenta d’ouvrir les yeux, mais ne rencontra que l’obscurité. Elle voulut porter sa main à son visage et constata qu’un objet métallique était greffé à la place de sa main. Elle était fiévreuse, chaque centimètre de sa peau frissonnait. Elle avait chaud, elle avait froid. Elle sentit qu’on lui posait une serviette humide sur son front. Elle essaya de prononcer une phrase, un mot, mais rien ne sortit. C’était trop douloureux.

- Reposez-vous, vous ne risquez rien, entendit-elle. Avant de reperdre connaissance.

Un bruit sourd la fit sortir de son sommeil, elle essaya de deviner où elle était. Elle n'avait pas d'autre moyen de percevoir son environnement que par le son. Elle entendit le craquement du bois sous ses pieds, le grincement du métal qui formait le toit, le souffle du vent qui s'engouffrait par les interstices. Elle sentit également des odeurs familières : celle de la sueur et du sang séché sur ses vêtements, celle du café et du pain rassis sur la table, et la chaleur d’un feu de bois qui crépitait non loin d’elle.

Elle se hissa péniblement sur ses jambes et tâtonna autour d’elle. Elle toucha le sol humide et poussiéreux sous ses pieds nus, et frissonna en sentant le vent glacial lui caresser le visage.

Elle ne savait pas qui elle était ni comment elle était arrivée là. Elle avait seulement quelques images floues : des lumières vives ; des blouses blanches, un hall d’hôpital. Rien d’autre. Absolument rien d’autre, ni nom, ni souvenir. Elle se sentait comme une étrangère dans son propre corps.

Elle découvrit avec horreur qu’on lui avait arraché son bras droit et sa main gauche. À la place, il y avait une sorte de pince métallique.

Elle entendit des pas se rapprocher de la cabane. Elle se figea, prise de panique. Qui venait la voir ? Était-ce un ami ou un ennemi ? Celui qui l’avait soigné ou alors le responsable de son état ?

— Tenez, buvez ça, ça va vous réchauffer. Dis la voix rauque. Elle avait des milliers de questions qui avaient dans son esprit, mais le seul mot qu’elle arriva à prononcer était un « merci ». Elle balaya l’espace devant elle dans l’espoir d’attraper la tasse.

— Laissez-moi vous aider. J’ai versé votre antibiotique dans la tasse, cela va vous faire dormir.

Elle sentit une main se refermer sur son avant-bras pour accompagner sa pince jusqu’à la hanse de la tasse.

Elle goûta le café amer et tiède qui lui brûlait la gorge, et sentit une vague de somnolence l’envahir.

Elle n’eut pas le temps de poser d’autres questions, le sommeil la rattrapa et l’emporta dans un tourbillon de rêves, et l’emporta dans un tourbillon de rêves. Elle se revit dans le hall de l’hôpital, entourée de médecins et d’infirmières qui s’affairaient autour d’elle. Elle entendit une voix lui dire : « Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, quel est votre nom ? vous savez en quelle année sommes-nous. » Elle sentit une piqûre dans son bras, puis plus rien.

Elle se réveilla en sursaut, trempée de sueur. Elle se demanda si ce rêve était un souvenir ou une illusion. Elle avait du mal à croire qu’elle avait eu des yeux un jour. Elle se demanda aussi pourquoi ce qui s’était passé. Elle se demanda surtout qui elle était.

Elle entendit la porte de la chambre s’ouvrir et se refermer. Elle reconnut la voix rauque qui lui avait parlé la veille. Elle sentit une odeur de désinfectant et de sueur qui imprégnait la chambre. Elle devina qu’on avait dû la nettoyer et la soigner pendant qu’elle dormait.

— Bonjour, vous allez mieux aujourd’hui ?

Elle hésita à répondre. Elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à cet homme. Il semblait gentil et attentionné, mais il pouvait aussi lui mentir ou lui cacher des choses.

Elle décida de jouer la carte de la prudence et de la curiosité.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle d’une voix faible.

— Je m’appelle Léo. Et vous, comment vous appelez-vous ?

Elle secoua la tête.

— Je ne sais pas. Je ne me souviens de rien.

Léo parut surpris.

— Vraiment ? Vous avez perdu la mémoire ?

Elle acquiesça.

— Oui. Je ne sais pas qui je ne suis, ni comment je suis arrivée ici.

— Tenez, mangez un peu. Ça vous fera du bien.

Elle prit l’assiette avec sa pince et commença à manger avec appétit. Elle n’avait pas réalisé à quel point elle avait faim.

— Je vais vous raconter ce que je sais. Peut-être que ça vous aidera à retrouver la mémoire.

Elle leva les yeux vers lui, attentive.

— Comment m’avez-vous trouvée ? demanda-t-elle.

— Il y a trois jours, entre deux poubelles. Vous étiez à moitié morte, couverte de sang et de brûlures.

Elle frissonna en entendant ces mots. Qui avait pu lui faire ça et pourquoi ?

— Je vous ai amenée à l’hôpital où ils vous ont soignée, mais ils manquaient de place. Ils m’ont demandé de vous ramener chez moi et de surveiller vos blessures.

— Merci. Dit-elle sincèrement.

Léo lui sourit.

— De rien, choomba. C’est normal entre gens du bidonville. On est tous dans la même galère.

Il marqua une pause, puis reprit :

— Vous avez eu de la chance que je tombe sur vous avant que vous ne vous vidiez de votre sang.

Il changea de sujet :

— Comment voulez-vous qu’on vous appelle ? Avez-vous une préférence ?

Elle haussa des épaules, désespérée.

— Ton implant neural est impressionnant. C’est un modèle de pointe, avec une puce quantique. Il devrait te permet d’accéder au cyberespace, de contrôler des appareils à distance, de modifier tes perceptions sensorielles. Je n’en ai jamais vu des comme ça. Il fonctionne ?

Elle se concentra et sentit une vibration dans sa nuque. Une interface holographique s’afficha devant ses yeux bandés. Elle vit des icônes bleutées qui représentaient des fichiers, des applications, des contacts. Mais tout était vide, sauf un dossier verrouillé qui portait le nom « Ada ».

Elle essaya de l’ouvrir, mais un message d’erreur s’afficha : « Accès refusé. Mot de passe requis. »

Elle abandonna et répondit à Léo :

– Il n’y a que des dossiers vides, sauf un qui s’appelle « Ada » mais impossible à l’ouvrir.

— Votre prénom peut-être ?

— Peut-être bien.

— Alors parfait, madame Ada. On va essayer une nouvelle chose. Normalement ton implant te permet de prendre le contrôle d’appareil à distance. Essaye de te connecter sur la caméra de la porte d’entrée. Le mot de passe est V2PaSP@S. — s’enquit Léo

Elle acquiesça, curieuse. Elle se concentra et chercha l’icône de la caméra dans son interface. Elle la trouva et cliqua dessus. Elle vit une fenêtre s’ouvrir, qui lui demandait un mot de passe. Elle pensa V2PaSP@S.

Elle vit la rue devant la cabane de Léo. Une rue étroite et sinueuse, bordée de baraques de tôle et de plastique, où s’entassaient des gens misérables et désespérés. Des câbles électriques pendaient au-dessus des têtes, reliés à des générateurs bricolés. Des voitures volantes survolaient la zone, ignorant les habitants du bidonville. Des affiches publicitaires clignotaient en plusieurs langues, vantant des produits inaccessibles pour la plupart des gens. Elle pouvait zoomer, changer d’angle, activer le son. Elle pouvait contrôler la caméra avec ses pensées, comme si elle était la caméra. Elle put enfin mettre une image sur l’endroit où elle se situe depuis ces trois jours.

— Ça marche ? Tu vois quelque chose ? — interrogea Léo

— Oui, je vois la rue. C’est incroyable. — s’émerveilla-t-elle.

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