Le grand jour

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Samedi soir, les SMS de Lucie n'avaient pas réussi à me porter secours. Enervée, j'avais alors arrêté de lui répondre.
La nuit porte conseil. Oui, enfin... pas toujours. En fait, elle n'avait rien arrangé du tout : peu de sommeil, des voix qui me disaient que j'étais un monstre, que je ne méritais pas d'être aimée...
Le matin, dans ma chambre, je répondis aux message de Lucie. Mais je continuais à me torturer l'esprit.

Devais-je avouer la vérité aujourd'hui ? Ou attendre encore ? Dans quelques jours on sera déjà en décembre... et envisager les fêtes de famille avec ce secret à essayer de cacher me semblait une épreuve insurmontable.
Et surtout, Lucie avait besoin de cette ultime preuve d'amour. Et je ne voulais surtout pas risquer de la perdre. Notre relation était jeune, c'est vrai, mais si forte et si importante pour moi.

Lucie. Hier, son apparition chez moi, devant le portail, son sourire... Et après, le café... les cuillères... sa main délicate... puis son visage animé, les discussions... Ces images me redonnaient de la chaleur, de l'énergie. De l'espoir. Tout s'était plutôt bien passé avec ma mère, après tout. Elle lui a même parlé de la boîte !

Je commençais à envisager de faire ma grande annonce. Dès cette après-midi si possible et à ma mère uniquement. Mon père le saurait par elle, c'était mieux.
Au cas où ça se passerait mal, il faudrait partir rapidement. Mes affaires seraient prêtes.
En fin d'après-midi, mon père serait occupé à regarder la F1. Parfait.

Le déjeuner, comme hier soir le dîner, se passa assez bien. Je participais mollement aux discussions pour ne pas éveiller les soupçons, mais je restais distante, je me protégeais.

En préparant mes affaires, le stress augmenta. Je n'avais rien dit à Lucie. C'était difficile, mais je voulais lui faire la surprise. Il fallait que je règle ce problème toute seule.
J'avais encore du temps. Mon père venait d'allumer la télé; les voitures ne faisaient pas encore leurs bruits stridents et répétitifs.

Je pensai à mes cours de psycho. Je n'étais pas en avance, mais ça allait. Les partiels n'étaient pas encore commencés et mon exposé avançait bien.

Comment allait réagir ma mère ? Elle essayerait de me raisonner, sans doute... mieux valait ne pas y penser. Surtout, ne pas être tentée de renoncer.

Voilà, j'avais pratiquement tout préparé. Encore une ou deux choses à chercher dans la pièce à côté...
Et ma mère passa juste au moment où j'ouvris la porte.

- Tiens, Estelle, tu as déjà tout préparé ?
- Euh, oui, m'man. Comme ça, je suis prête.
- Ça va ? Tu n'as pas de problèmes à la FAC ? Ça te plaît toujours la psycho ?
- Oui, ne t'inquiètes pas, tout va bien.
- J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui te préoccupe. Alors qu'hier, avec Lucie, tu étais toute contente !
- D'ailleurs, comment tu la trouves, elle est sympa, hein ? Tu avais l'air de bien t'entendre avec elle, non ?
- Oui, elle s'intéresse à tout ! C'était vraiment bien, hier, j'ai passé un très bon moment. Et vous vous entendez si bien, ça fait plaisir.

Et là, je n'ai pas pu lui répondre. J'aurais voulu lui dire que c'était bien ça le problème, qu'on s'entendait même trop bien et que j'avais une annonce importante à lui faire.
Mais un sanglot était monté tout d'un coup, j'avais essayé de le contenir, je ne pouvais pas, je n'y arriverais pas, j'allais tout faire rater. Je ne réussis qu'à me détourner du regard de ma mère et à m'assoir sur mon lit.

Mais elle s'approcha et en s'asseyant me prit doucement dans ses bras. C'est à ce moment-là que tout se brisa en moi. Je pleurais, les sanglots me faisaient hoqueter, je ne pouvais plus rien contrôler.

- Ma... man... maman !
- Je suis là, tu peux te laisser aller.

J'étais redevenue une enfant. J'avais besoin d'être consolée. Je n'étais pas prête à perdre mes parents.
Je ne pouvais pas choisir, je ne voulais pas choisir. Mon amour, Lucie. Mes parents.

Dans un sursaut de courage, je me retournai face à ma mère, les yeux emplis de larmes et articulai : - LU... CIE !

Ma mère, le regard inquiet, répondit aussitôt :
- Lucie, qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

- JE... L'AIME !

Le temps s'arrêta une seconde.
Je vis un sourire sur ses lèvres, et ses yeux se brouillèrent. Elle semblait soulagée. Elle avait sans doute imaginé beaucoup de choses. Le pire, surtout.

- Tu sais, je me doutais bien que tu préférais les filles.

Etait-ce vrai ? Je m'en fichais complètement. Elle m'avait acceptée telle que j'étais. Je n'avais pas besoin de plus.

Encore sous le choc mais apaisée, je lui répondis :
- Oh, maman... Merci !

Le portail fermé, je me retrouvai dans la rue. Le coeur léger, je pris mon smartphone et appelai Lucie. Je l'avais enfin faite, cette "grande annonce" !

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