Chapitre 5 :

8 minutes de lecture

Une fois arrivée à la fac, je me dirige directement vers le dépôt. La clef étant déjà dans mes mains, je l’enfonce dans la serrure pour déverrouiller la porte. J'avance en trainant les pieds et là, j'aperçois Matt recroquevillé sur lui-même. Il dort toujours. Je m'approche de lui, le secoue un peu et vois qu'il commence à s'éveiller. Je décide donc de m'éloigner craignant un peu sa réaction. Quant à lui, il se lève, me regarde avec fureur puis me lance :

- T’es vraiment folle ! Qu'est ce qui t'a pris de me faire ça ? C'est un rituel de bienvenu, c'est ça ?

Un rictus se dessine sur mon visage avant de lui répondre :

- Y’a pas de rituel ici donc ...

- Non mais j'y crois pas ! Tu t'es prise pour qui ? Et puis… c'était quoi cette phrase que tu m'as chuchoté avant de partir ?

- Tu ne me connais vraiment pas ? Ton père ne t'a jamais parlé de moi ?

- Non, il ne m'a pas parlé de toi et de toute façon pourquoi devrait-il le faire ? Il te connais même pas !

- Mon pauvre ! Je te plains tu sais... Il y a tellement de choses que tu ignores !

- Bah explique moi alors !

- C’est pas à moi de faire ça ! Tu n'as plus qu'à demander des explications à ton père...

- Ne t'inquiète pas pour ça ! Mais je te garantis que ce que tu m'as fait ne restera pas sans réponse ! Attend toi au pire ma belle !

- Hmm... Et tu crois peut-être que tu me fais peur ? Etre un fils à papa c'est simple mais je suis sûre que tu ne pourra jamais te débrouiller tout seul !

- On verra ça !

Matt prend ses affaires et commence à s'éloigner... Après avoir refermé la porte, je me dirige vers mon amphi pour suivre le cours. Célia me rejoint et on papote un peu jusqu’à ce que notre enseignant arrive.

A midi, après avoir dégusté mon repas, je me rends au vestiaire pour une petite préparation avant ma séance de sport. J'enfile un short rose, avec un tee-shirt noir hyper ample. Je chausse ensuite mes baskets et me dirige vers ma salle.

Depuis peu, j'adore me défouler avec le sport. Je pratique différentes activités comme la danse, la boxe ou encore la musculation. C’est une sorte de libération pour moi. Pour oublier ou du moins pour ne pas penser à tout ce qui m’arrive, juste pendant quelques heures.

Aujourd'hui, j'opte pour une heure de modern jazz. Mes bras et mes jambes ne sont plus sous mon emprise et bougent au rythme de la musique. Mon cœur s’apaise et mon corps se détend.

Une fois mon entraînement terminé, je me précipite à la douche pour me laver. L'eau chaude coule sur moi et une sensation de bonheur m’envahit. Les minutes se suivent mais je ne les vois pas passer. Au bout d’un certain temps, je décide finalement de sortir. Ma main droite se faufile à travers le rideau et tapote à l’endroit où j’ai posé ma serviette tout à l’heure. Je m’enroule avec et sors pour laisser la place. Le contact du sol froid sous mes pieds, me provoque un frisson qui se propage tout le long de mon corps. Je me résous donc à me rhabiller pour éviter de tomber malade. Mais, lorsque mes yeux se pose sur le banc où j’avais déposé mon sac, il n’y a rien. Je ne retrouve aucune de mes affaires. Quelqu'un a pris mon sac... La sensation de bonheur qui me hantait tout à l’heure disparait et laisse place à de l’angoisse. Je regarde partout, cherche dans tous les coins du vestiaire... Rien. Puis, je me remémore la discussion que j'ai eu avec Matt ce matin ... je vais te tuer pensais-je tout bas.

Comme je n'ai aucun moyen de me procurer des vêtements et que mon téléphone est dans mon sac, je dois sortir des vestiaires en serviette. Je sais très bien que Matt n'est pas très loin, donc je me promène un peu dehors à sa recherche. J'ai horriblement honte et malgré le froid de canard, des perles de sueurs dégoulinent sur mon front. Les gens me regardent comme si j'étais une bête de foire et certains se permettent même de rigoler.

D'un coup, un cris s’échappe de ma bouche et il apparaît devant moi, comme par magie, avec mon sac à la main et un grand sourire au visage. Le rouge me monte aux joues et mes jambes se dirigent automatiquement vers lui. Je lui arrache mon sac des mains et lui, toujours avec un grand sourire, il me lance :

- Alors ? Il se venge comment le fils à papa ? Je t'avais bien dit que tu aurais ta réponse !

- T’es qu'un sale batard ! Mais si tu veux vraiment jouer on va jouer et je te préviens, je ne serais pas aussi gentille que la première fois ! Attend toi à morfler !

- Non mais je rêve ! Je te rappelle que c'est toi qui a commencé ! Mais si tu veux continuer, je te suis ! De toute façon c’est trop tard pour faire marche arrière !

- Oui, c'est moi qui a commencé mais moi j'avais une raison valable bordel ! Tu t'es vraiment pas demandé pourquoi je t'ai fait ça hier ?

- Ohhh mais bien sûr que je me le suis demandé. J'ai même directement appelé mon père pour lui soutirer plus d'informations sur une certaine Sheila Salerno... Il m'a juste dit que je ne devais pas m'approcher de toi et que je ne devais surtout pas te côtoyer ! Mais j'aime tellement l'action et le danger que je ne l'ai pas écouté. J'en suis bien fière d'ailleurs, car, à ce que je vois il n'en faut pas beaucoup pour te pousser à bout !

- Tu vas regretter ce que tu viens de me faire Matt Dupuis ! Je t'assure que m'a vengeance ne sera pas légère ! Et vu que tu aimes autant l'action que moi, tu vas être servis mon cher !

- Mais je n'attends qu'à voir ! Montre-moi que tu as de l'imagination !

Mon poing se serre tellement que mes jointures en deviennent blanche. J’ai du mal à me retenir pour ne pas lui foutre mon pin en plein milieu du visage. Le remarquant, il décide de s'éloigner. Tout en avançant, il laisse échapper des petits rires qui ont le don de me mettre hors de moi !

Je reste planté sur place un instant puis mon image en serviette apparaît devant mes yeux et ma honte s’amplifie. Je prends donc mes jambes à mon cou et me réfugie dans les vestiaires. Je m'habille, me coiffe puis je me roule une petite clope pour me détendre...

Après m'être calmée un minimum, je me rends à la bibliothèque pour réviser un peu avant de rentrer. Lorsque je trouve une place dans le chaos crée par les élèves, je m’installe, souffle un bon coup et sors mon cours préféré, l’anatomie. Les pages défilent et je tombe enfin sur ce que je cherchais. L'appareil circulatoire, c'est à dire le chapitre qui traite du cœur. Ce cours, me fascine beaucoup plus que les autres. Je me penche donc sur les différents schémas qui ornent mes feuilles et essaies de déchiffrer et de retenir tout le nouveau vocabulaire. Mais, malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à me concentrer. Je repense à notre petite discussion avec Matt et son regard me hante l’esprit. Même si je sais qu'il était totalement hors de lui, je n'ai aperçu aucune haine dans ses yeux. Cela me fait réfléchir...
Le geste brusque de mon voisin me ramène à la réalité. Mes yeux se dirigent naturellement vers ma montre et je vois qu'il est déjà seize heures trente. C’est le temps de rentrer.

Tout en marchant vers mon arrêt de métro, je repense à tout ce que j'ai vécu ces derniers jours et mon cœur se serre. La rencontre avec Gill et Matt m’a bouleversé et j’ai fait des choix. Des choix que vais surement regretter dans le futur. Je n’aurais jamais dû me lancer dans ce jeu avec Matt… Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris… Mais, je sais qu’il est trop tard pour faire marche arrière. De toute façon, je ne pourrais pas avaler une défaite, j’ai une trop grosse fierté.

Sur un coup de tête, je décide de ne pas me rendre chez moi et change brusquement de direction. Comme chaque fois, lorsque je me sens seule, je me rends au même endroit. Le lieu où je me sens le plus proche de ma mère...

– Salut maman ... Oui je sais, ça fait un petit moment que je n'ai pas pu venir... Mais si tu savais tout ce que j'ai vécu ces derniers jours... Comme j'aurais voulu que tu sois là et que tu me prennes dans tes bras... Si tu savais .... Je donnerais n'importe quoi pour entendre une dernière fois ta voix, pour sentir une dernière fois ton odeur, pour ressentir une dernière fois ta main caresser mes cheveux ....

Une larme s'échappe de mon œil et je l'essuie du revers de ma manche. Il ne faut pas que ma mère me voit pleurer. Il faut que je sois forte. Au moins devant elle. Mais c'est tellement dur de ne pouvoir parler qu'à une pierre qui porte désormais son prénom. Sa tombe... le seul endroit où je me sens le plus proche d'elle. Lorsque j’entre dans ce cimetière, j’ai l’impression qu’elle est là et qu’elle m’entoure de ses bras pour me réconforter. J'ai si mal, j'aimerais tellement qu'elle soit là.

Soudain, une branche craque non loin de moi. Je me retourne et observe un petit instant les alentours à la recherche d'une silhouette. Ne voyant rien, je me lève et décide d'aller voir de plus près... J'avance petit à petit. Plus j'avance et plus mon cœur bat la chamade. J'ai l'impression que les battements retentissent tout le long de mon corps. Mais, ne distinguant personne, je laisse échapper un soupir de soulagement et retourne me coucher au pied de la pierre tombale de ma mère. Au moment où je pose mon genoux à terre, un autre bruit se fait entendre juste derrière moi. Alors, je fais volte-face d'un coup sec et aperçois une apparence familière juste en face de moi ... Je ne sais pas vraiment quel sentiment est le plus fort en ce moment. La surprise, la haine, le dégoût ou le regret...

– Mais qu'est-ce que tu fou là ?

Aucune réponse ne se fait entendre ...

– Alors ?

– Je... Je...

– Oui tu ?

Un long moment s'écoule et il n'arrive même pas à me regarder dans les yeux. Cela me met encore plus hors de moi ...

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