Chapitre 4

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      Si on lui avait dit qu'un jour elle suivrait un inconnu chez lui, elle aurait bien rit. Et pourtant voilà qu'elle était avec sa fille, chez cet homme qu'elle venait à peine de rencontrer. Pourtant il y avait quelque chose chez lui qui lui était familier et qui la poussait à lui faire confiance. Sa maison était un ravissement pour les sens. Cette odeur de pain chaud qui flottait dans toute la demeure rajoutait un côté cosy à une décoration soignée. Tout semblait choisi avec goût et chaque chose était à sa place, tout était...

     " Parfait ! " c'est la première chose qui lui vint à l'esprit lorsqu'elle contempla la chambre. Petite mais lumineuse, la pièce était aussi harmonieuse qu'une maison de poupée. Les meubles blancs s'unissaient parfaitement au ton pastel des murs qui était habillés de quelques reproduction issues de contes pour enfant. Près de la fenêtre se trouvait un petit bureau sur lequel trônait en bonne place un paquet cadeau avec un noeud rose et vert sur le dessus. Elle vit les yeux de sa fille briller d'émerveillement en entrant dans la chambre.

     — C'est une petite fille très chanceuse que vous avez, dit–elle.

     Il approuva en souriant. Visiblement cela ne le gênait pas qu'une autre enfant touche aux affaires de sa fille et quand elle rappelait gentiment à l'ordre la sienne, il levait la main, lui affirmant qu'il n'y avait pas de soucis à ce qu'elle découvre l'endroit quand la petite ouvrit le placard.

     — Et où est votre fille ?

     Elle se trouvait indiscrète mais la question lui brûlait les lèvres.

     — Avec sa mère, répondit–il simplement.

     Il lui indiqua d'un geste de la main l'escalier et l'invita à rejoindre la cuisine pour le thé. Elle tourna brièvement la tête, cherchant sa fille du regard. Elle contemplait les robes suspendues dans le placard, sa petite main à demi-tendue vers l'une d'elles comme si elle avait peur de la toucher et qu'elle ne disparaisse. En chemin vers la cuisine, elle remarqua quelque chose d'assez insolite. Il n'y avait aucune photos. Les murs étaient ornés de quelques peintures et affiches encadrées mais il n'y avaient aucune photo ni de famille, ni d'amis ou même d'animaux de compagnie. Chez elle, il y avait des photos de ses filles, de sa compagne, de toute la petite famille, des photos de vacances, des cartes postales envoyées par des amis d'une autre vie, il y avait tout un pan de leur histoire commune exposé aux yeux des visiteurs potentiels, mais ici, dans cette maison parfaite, il n'y avait rien.

***

     Il entendait le bruit des pas étouffés par la moquette à l'étage tandis qu'il servait le thé et disposait des petits biscuits sur un plateau. Il installa le tout sur la table de la cuisine et s'assied en face de la mère quand il remarqua qu'elle semblait tendue. Elle regardait autour d'elle comme un oiseau pris au piège. Il réalisa qu'il devait agir vite, et bien. Il la servit en lui demandant si elle prenait du sucre ou du lait. Il tenta de faire diversion ce qui fonctionna pendant un temps, quand, du but en blanc, elle lui demanda pourquoi il n'y avait pas de photos chez lui. Pris au dépourvu, il resta silencieux un moment et puis le plus sérieusement du monde lui avoua qu'il était un piètre photographe et que sa mère avant lui n'avait jamais était une grande amatrice de photos. Ce qui n'était pas entièrement faux. Sa mère haïssait les photos qui, pour elle, ne reflétaient pas la réalité car les gens posaient de manière arrogante. Elle ne l'avait jamais pris en photo et n'en possédait aucune de sa famille à elle. Si lui n'avait pris aucune photo de sa première fille, c'était pour des raisons tout à fait différentes.

     Un bruit de chute leur parvient, ce qui fit sursauter la mère. Immédiatement elle poussa la chaise et se couru vers l'escalier. Il déposa sa tasse sur sa soucoupe et se leva tranquillement. À l'étage la mère se tenait sur le pas de la porte, les bras le long du corps, immobile. Il s'avança et constata que des affaires étaient tombées du haut du placard. L'enfant qui portait à présent une robe verte, avait dû vouloir attraper quelque chose beaucoup trop haut pour elle. Il y avait également plusieurs robes étalées sur la moquette et il soupçonnait fortement l'enfant de les avoir toutes essayé, ce qui le fit sourire.

     Mais le sourire se dissipa immédiatement quand il vit que la petite tenait entre ses mains une peluche. Une peluche d'un chien tout bleu excepté pour la patte avant gauche qui elle, était verte. L'enfant la tripotait entre ses petites mains comme si elle doutait de l'existence de l'objet. Il se tourna vers la mère, et vit une larme rouler le long de sa joue. Ses yeux faisaient des aller-retours frénétiques entre la mère et l'enfant, s'arrêtant occasionnellement sur la peluche.

***

     Le placard regorgeait de magnifiques robes de princesses ou de poupées. Elle n'avait qu'une envie c'était de les essayer toutes. Elle oublia très vite que les robes n'étaient pas à elle, qu'elle n'était même pas chez une amie et s'empressa d'en essayer une jaune. Elle lui allait parfaitement et le jupon se soulevait quand elle tournait sur elle-même. Elle en essaya une bleue, puis une blanche qui faisait robe de communion avant d'en repérer une autre, vert émeraude qu'elle enfila en gloussant. On aurait dit une princesse des Indes. Elle dansa à la façon des films bollywoodiens qu'elle regardait parfois avec Tata, quand quelque chose attira son regard en haut du placard.

     Une oreille de peluche dépassait légèrement. Elle ressemblait à celle de Iory. Sa peluche à elle était posée au pied du miroir, seul témoin du spectacle auquel s'adonnait l'enfant.

     — Ça te dirait d'avoir un nouvel ami ? demanda–t–elle à Iory qui restait immobile.

     Elle attrapa la chaise du bureau et la tira de toutes ses forces vers le placard. Elle grimpa dessus, faisant attention de ne pas perdre l'équilibre. Elle pouvait la toucher du bout des doigts mais elle était encore trop petite. Elle se hissa sur la pointe des pieds et s'avança comme une danseuse étoile. La chaise bascula en avant, elle saisit la peluche qui était coincée sous un carton et tira dessus pour l'en extirper. La chaise tomba, emportant l'enfant et la peluche avec elle.

     Malgré son triomphe, elle savait que le vacarme allait attirer sa mère et qu'elle allait se faire gronder. Adieu la chambre et les robes de princesses. Adieu l'amie potentielle qu'elle n'aurait jamais connu. Elle contempla la peluche, sachant pertinemment qu'elle lui serait retirée à la seconde où sa mère ouvrirait la bouche. Elle avait fait une bêtise et allait être punie alors autant en profiter un peu. La peluche était la copie conforme de Iory mais en plus abimée et avec une patte avant verte au lieu d'être bleue. Elle leva les yeux vers son Iory qui était tombé sur le côté.

     Sa mère déboula dans la chambre mais au lieu de piquer une crise, s'arrêta net devant l'entrée. Elle regarda la peluche, puis sa maman. Elle tripota cet autre Iory, dont l'aspect et même l'odeur lui étaient familiers. Elle eu comme un flash, et revit sa soeur et elle se disputant autour d'une peluche. Elle revit sa mère recoudre une nouvelle patte à la peluche de sa grande soeur, une patte verte. Le monsieur était là aussi, juste derrière sa maman qui lui tendait la main en pleurant quand soudain elle s'effondra à terre. Du sang s'échappa du crâne de Maman et s'écoula jusque sur la moquette blanche.

     Le monsieur s'avança, enjamba le corps de sa maman et se campa en face d'elle. Il se mit à sa hauteur, s'appuyant sur une batte ensanglantée.

     — Leçon numéro une. Ne jamais fouiner.

FIN.

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