Chapitre 20 - ALLEN

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Je ressors de la salle de scann l'angoisse au ventre. Evidemment, Willer nous avait indiqué en détail le déroulement du protocole, et je savais donc à quoi m'attendre, mais la peur d'être surpris, puis emmené dans une autre de ces prisons secrètes pour me faire interroger, est la plus forte encore maintenant. Dans cette mission à risque, tout peut basculer d'un moment à un autre. Je ne sais même pas comment nous avons pu parvenir jusque là sans nous faire démasquer, mais j'imagine qu'avoir un ancien capitaine de la DFAO de son côté peut aider, parfois...

Jonas, mon coéquipier, passe sa propre porte quelques secondes après moi, et me rassure d'un signe de tête : tout s'est bien déroulé pour lui aussi. Discrètement, je me rapproche de lui en regardant le flot de soldats en uniforme commencer à se déverser dans les couloirs. Une autre vague ne va pas tarder à arriver, il faut donc que nous nous dépéchions, et surtout, que nous évitions de nous faire reconnaître. Et si les deux hommes dont nous avons pris l'apparence ne travaillaient pas du tout à l'étage des prisonniers ? Un peu ironique, étant donné que nous nous trouvons dans une prison, mais un complexe est toujours composé de plusieurs parties, quelle que soit sa fonction. Par où devons-nous partir ? Les recherches doivent être menées le plus rapidement possible!

Je constate avec soulagement que les communications avec l'Organisation sont toujours établies, et je me demande si Willer a un rapport avec cette heureuse coïncidence. Cependant, je ne suis pas là pour réfléchir au travail de l'équipe informatique : ma seule préoccupation doit être ma propre mission.

Je frôle Jonas de l'épaule et lui indique la direction que prennent la plupart des hommes. Plus nous nous fondrons dans la masse, moins de chances nous aurons de nous faire remarquer. Soudain, une pensée me frappe, et je m'arrête net dans mon élan, aggripant le plus discrètement possible la manche de Jonas. Brusquement tiré en arrière, il dérape avant de s'immobiliser et me fixe d'un regard à la fois paniqué et intrigué. Au milieu du brouhaha, je n'ai aucun mal à lui exposer mon idée sans me faire surprendre :

- Attends, réfléchis un peu, notre... cible est très particulière! D'abord - je jette quelques regards suspicieux autour de nous -, c'est une femme, et ensuite, elle a dépassé la limite d'âge, ce qui signifie qu'elle devrait être morte depuis longtemps. Et pour couronner le tout, elle est la mère d'Astrid.

Je ne précise pas qu'elle est également la mienne : cette information ne rentre pas en ligne de compte, tout simplement parce que seule ma soeur représente un véritable danger aux yeux du Gouvernement. Moi, je ne suis qu'un dommage collatérale, qui n'a encore jamais fait son apparition, et qui ne leur a jamais donné aucune raison de s'inquiéter.

- Alors, tu penses qu'on devrait aller dans les endroits les moins fréquentés ? me murmure-t-il en réponse.

- Non, je te dis qu'on doit se diriger vers leur centre de contrôle. De là, on pourra sûrement repérer une caméra qui donne sur sa cellule. C'est le moyen le plus rapide de la localiser!

Mon partenaire frémit à cette pensée, et je manque d'avoir la même réaction, mais je me force à avoir l'air sûr de moi, pour nous deux. Cette idée est sûrement une des plus dangereuses que j'aie jamais eue : et si nous nous faisions prendre là-bas ? Après tout, il y a aura peut-être d'autres contrôles auxquels nous n'échapperons pas, cette fois. Il peut arriver tant de choses, comme le simple fait que nos alibis ne soient pas censés être là! En même temps, Diane a l'air d'être d'une importance capitale pour Marshall, même si je ne sais pas moi-même pourquoi. De mon point de vue, elle est juste ma mère, et ça justifie tous les risques possibles pour la tirer de là. Mais peut-être représente-t-elle en vérité quelque chose de bien plus grand... nous nous devons de faire tout le nécessaire.

- Allez, le pressé-je anxieusement. On commence à faire tâche ici, il faut se décider rapidement!

Je vois l'incertitude de ses yeux verts cerclés de marron. Je décide de lui laisser encore quelques secondes avant de prendre les devants, mais je n'ai même pas besoin de prendre cette peine. Avec une moue déterminée, où toute trace d'hésitation a disparu, il déclare :

- Si tu penses que c'est le mieux, alors je te suis...

Je pousse un soupir de soulagement et aggripe son poignet pour l'entraîner de nouveau dans la foule, qui commence d'ailleurs à se disperser petit à petit. Nous continuons à marcher tout en attendant les instructions de l'équipe informatique, qui tardent cependant à venir. Je commence à m'impatienter devant leur silence. Ils ont entendu notre conversation à travers les micros dont on nous a pourvus, avant le départ, et les communications toujours ouvertes m'indiquent qu'ils pourraient très bien nous parler. Alors, qu'attendent-ils ? Peut-être sont-ils toujours en train de demander à Willer où se trouve exactement leur centre de contrôle. Peut-être le traître pose-t-il des problèmes, nous jettant dans la gueule du loup au dernier moment. Où peut-être un autre problème est apparu, dont nous, sur le terrain, n'avons pas encore connaissance.

J'ai soudain une pensée pour ma soeur, qui se trouve là, dans cette même prison, avec peut-être les mêmes doutes et les mêmes espoirs. Va-t-elle bien ? Lui est-il déjà arrivé quelque chose ? Je sais que Mehdi la protégera au péril de sa vie, mais ça n'atténue pas mon inquiétude pour autant. C'est alors qu'un grésillement familier interrompt mes pensées, me ramenant à la réalité :

- Continuez de marcher tout droit. À la prochaine intersection, prenez le petit couloir de droite. Sa porte n'est pas verrouillée, mais la suivante si. D'après Willer, n'importe quel badge fait encore l'affaire.

Le silence se fait de nouveau.

Mon regard croise brièvement celui de Jonas, puis nous suivons les instructions d'un même pas, calqués l'un sur l'autre grâce à des années d'expérience et d'entraînement commun.

*

Je plisse les paupières pour me remettre en mémoire tout ce que j'ai appris, durant mes séances d'informatique au QG de l'Organisation. Mon mentor changeait presque tous les jours, et je me souviens parfaitement de l'ambiance vibrante qui régnait dans la pièce en permanence. Je me souviens également qu'Astrid n'était presque jamais présente.

Nous n'avons rencontré presque personne dans les couloirs menant au bloc informatique, et les quelques soldats croisés ne nous ont même pas accordé un regard. De même, nous avons pu pénétrer dans la pièce sans le moindre problème grâce à nos badges. Soit nous sommes tombés sur des hommes influents, qui ont des accès un peu partout dans le complexe, soit leurs contrôles à l'entrée les poussent à relâcher ensuite la vigilance à l'intérieur. Quoi qu'il en soit, nous sommes à présent installés sur deux ordinateurs voisins. Jonas essaye d'effectuer quelques manipulations pour ne pas se faire démasquer, complètement paniqué : il n'a sûrement jamais touché à un ordinateur de sa vie. Aujourd'hui, je remercie le programme d'entraînement auquel on nous a soumis, Astrid et moi. Heureusement que je dispose de quelques bases, sinon ce plan serait tombé à l'eau depuis le début, et nous errerions peut-être encore dans les couloirs en ce moment.

J'effectue une dernière manipulation, et j'ai à peine le temps de supplier que déjà, la fenêtre des caméras apparaît. Des dizaines et des dizaines de petites vidéos de surveillance se disposent sur l'écran. Je manque de pousser un cri triomphal, qui meurt sur mes lèvres dès que je me rends compte de l'erreur que je m'apprêtais à faire.

Passer inaperçu, voilà la première règle de cette mission, et il ne s'agirait pas de la briser maintenant que nous sommes si proches du but.

Jonas pivote la tête dans ma direction d'un quart de millimètre et, le plus discrètement possible, je cligne des yeux trois fois de suite, lui signalant ainsi que j'ai réussi. Il ne reste plus qu'à trouver la cellule de Diane parmi toutes les autres, tout en espérant que ses caméras ne seront pas protégées par un accès particulier que nous n'aurons pas.

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