10 - Remise en question

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Trop de contradictions rendent notre profession fragile et instable. Rien d’autre que des ébauches dans ce texte : alors essayons de trouver quelques solutions.

Si on accepte cette réalité, vers où se tourner pour rester droit et debout ? Sans hésitation, une direction est donnée par nos plus nobles instincts : vers ces nœuds douloureux et délicats à défaire. Ces contractions de notre cerveau que seule une profonde remise en question peut soulager.

De notre statut d’éducateur, nous sommes si souvent dans le besoin de comprendre. Pourquoi si peu de gens viennent vers nous ? Pourquoi des générations entières ont-elles disparu de nos associations ? On tente alors maladroitement de prendre du recul. Mais qui peut nous aider dans cette tâche ? Quels penseurs écouter ? On se rend vite compte que sans culture contestataire, nous n’arrivons simplement pas à nous radicaliser. Nous n'avons aucun recul. La bureaucratie à détruit, en nous, de très nombreuses forces rebelles - dont la reine parmis les reines : la lucidité.

On tente hâtivement un pot-au-feu de bonnes raisons, avant de s’enfermer dans une prison de convictions – et qu’est-ce qu’une conviction sinon un mensonge ? On blâme alors notre incapacité à nous adapter, on peste contre les technologies nouvelles, ou contre la folie des réseaux asociaux, la concurrence du privé, le rôle de l’éducation nationale et des parents…

Mais aucun de nous n’est capable de comprendre ce qui se passe réellement. On parle, oui, mais on ne saisit rien de la situation. Nous sommes simplement dépassés. Et, au fond, cette impuissance, ce détachement face à l’histoire, cette incapacité à désigner l’ennemi et à dresser l’orgueil pour le combattre sont des maux partagés avec d'autres.

Avec qui ? Nos contemporains plongés jusqu’à la nuque dans la décadence marchande et le nihilisme technologique.

En vérité, et il faut l’accepter, nous aussi, nous sommes devenus “modernes”. La merditude du monde a logiquement déteint sur nous même. C’est là un grand problème.

Et c’est bien parce qu’on se prêtait un rôle d’observateur reculé qu’on s’est cru vaccinés au mal. Mais celui-ci était invisible – et finalement, nous étions incapables d’y faire face. Péché d’égo, manque de vigilance : tout est aujourd’hui dévasté.

On se tortille dans les draps de l’éducation populaire, mais notre rêve est devenu un souvenir lointain. Perdus entre le réveil refoulé et l’illusion impossible, nous sommes restés inactifs. Mais l’éducation populaire est morte. Et nous, nous stagnons dans le déni depuis trop longtemps.

Alors certains veulent aller vers le compromis et faire malgré le système capitaliste : prendre les subventions et piéger les dominants en réalisant une véritable éducation populaire. Mais acceptons aussi la réalité du terrain : combien de ces projets critiques ont aboutis ?

Si peu. Si peu, pourtant tant d’efforts et d’agilité ont été donnés. Cela demande à chaque fois de puiser en nous même de grandes forces pour affronter les frustrations. À en devenir pauvres en vitalité, parce que dépités, parce que fatigués. Et si cela donne un soupçon de résultat : qui ici aura la prétention de se satisfaire de ce presque rien ?

Soyons courageux et mettons sur la table le bilan de la dépolitisation de l’éducation populaire, de la vente de notre institution à l’état et aux privé. Et cessons de croire que nous sommes assez forts et malins pour vaincre sans organisation, sans affrontement, sans rapport de force, sans même accepter la réalité. Aucun mot gentil ne fera taire les contradictions qui nous opposent au capitalisme. Si nous voulons nous accomplir, il va falloir lutter politiquement et s’organiser.

Un plan doit être dressé, des objectifs planifiés et une indépendance construite, peu à peu. Voilà le prix dangereux et incertain pour une renaissance de l’éducation populaire. Notre choix : l’inaction ou le danger – donc pas de dilemme impossible entre mort ou accomplissement : nous sommes très loin du quitte ou double...

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