5 - Abattre les mots morphines

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Dans notre réunion, l’un de ces mots morphines, ces poisons pour l'esprit, est constamment utilisé : c’est celui des « structures socio-économiques ». Il se proclame rassembleur du problème qui lie à la fois la gouvernance des associations et leurs méthodes de financement. Un mot hautement séducteur, relayé par des comités d’experts de Paris, dont on se laisse doucement bercer.

Structures socio-économiques ! Il y a là l’aura d’une science nouvelle !

Structures socio-économiques ! Enfin un outil de compréhension global de nos problèmes !

Structures socio-économiques ! De quoi écrire de beaux livres et guider de grandes études !

Présenté à la fois comme problème, traitement et solution, ce mot morphine prend place au centre de gravité de notre pensée. Alors on le prend avidement et on le retourne dans tous les sens : on parle, on creuse, on développe.

Mais rien ne vient. Aucune solution ne semble sortir de ce concept pourtant magique. Pourquoi ? Parce que les « structures socio-économiques » imposent la direction de notre regard et prend un immense parti prit : le problème du financement des associations est lié à sa capacité de rentabilité ou à sa gouvernance, et non au contexte économique.

Sous-entendu : ll faut adapter sa structure au capitalisme et ses humeurs.

Avec les structures socio-économiques, on remet en cause le tarif de nos actions, notre habilité à chasser les subventions, à prendre des décisions. Bref, en un mot : on désigne le coupable, l'association, et la marche à suivre, celle de la flexibilité. Le monde associatif devient la variable d’ajustement, le sous-traitant d'une volonté bien plus haute qui le dépasse – et dont il est prié de ne pas se mêler.

En un mot, on à néo-libéralisé l'association.

Par conséquent, alors même que chacun dans la salle a une critique radicale du système économique et de son rôle dans le financement associatif, rien ne sort. La docilité devient naturelle. On parle sans rien dire, sans jamais avoir de véritable réponse, à répéter des équations insolubles puisqu’incapables de cerner la cause du problème, de saisir l’enjeu de la situation. En un mot, nous ne sommes plus des acteurs de la vie en société, nous sommes relégués à des patrons de PME.

Pourtant la réalité est criante : il existe aujourd’hui une contradiction massive entre l’existence d’association d’éducation populaire et le financement par un état corrompu. Une contradiction plongée dans un capitalisme-requin, prêt à tout pour détruire l’esprit critique, pour la marchandisation et la concurrence générale. La situation a évoluée : le coup d’état néo-libéral s’impose maintenant partout.

Dans ce système là, il n'y a pas de bonne gestion possible. De cette contradiction naissent nos difficultés – la véritable source de notre incapacité à être rentable. Privés de cette analyse, on ne peut rien résoudre.

Alors soyons honnêtes : les « structures socio-économiques », c’est un concept bidon. Que les comités d’experts fouillent autant qu’ils le veulent, ils ne trouveront rien. Il faut être un fou de bureaucrate pour croire qu’on peut parler d’éducation populaire sans parler d'économie et de capitalisme. Tout est politique. Rejeter ainsi la faute sur l’associatif, ce n’est pas une erreur, ni un quiproquo. Cela vient juste remplir un vide précieux dans le raisonnement de la classe dominante.

Délivrons-nous d’un poids, oublions les « structures socio-économiques ». Allons, pourquoi les associations meurent ?

À cause du capitalisme totalitaire, devenu à la fois gouvernant de l’état, de l’initiative, de la production, de la culture et des affects.

Aucune solution tant qu'on garde dans notre vocabulaire les mots pères de la domination oligarchique. Parler de « structures socio-économiques », c’est se priver d’une grande arme en notre possession, celle qui à un véritable sens, la sortie vers le haut de l’éducation populaire entière.

Nous avons une telle arme ? Oui ! Celle qui veut remplacer le sang de l’argent roi de nos corps, par celui de la justice et de l’avenir désirable. Celle conquérante, prête à accepter la puissance que nous sommes et à désigner sans peur l’ennemi. Celle du grand oui, du plongeon dans la réalité noire du monde, celle qu’une petite flamme serait si heureuse de voir. L’avons nous oubliée ? Non, aucun de nous !

La revendication ! L'organisation !

Pourquoi ses mots ont ils disparus de nos bouches ?

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