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Un des jeunes clercs, un copain d’Hector, celui qui l’avait mis au courant des menaces, s’était frotté à des études d’histoire, avant de rejoindre le clergé pour vivre sereinement sa vie, lança la réflexion sur la vieille symbolique de cet organe.

Il partageait ses avancées avec Tancrède et Hector qui l’invitèrent au comité de prospection, afin d’y exposer sa vision.

Depuis les temps immémoriaux, le phallus est un symbole de fécondité. Hurlements dans l’assemblée : fécondité égale gamins, ils allaient se faire interdire partout ! Effectivement, c’était à peu près la seule règle respectée au niveau mondial, sauf au royaume de Corée du Nord-Nord, où, de toute façon, tout le monde mourrait. Les autres pays déclenchaient simplement une guerre quand ils avaient dépassé leur quota.

Arthur, le jeune religieux, développa sa thèse : il s’agissait de la fécondité de la Terre ! Et elle en avait bien besoin ! Ravagée par les éléments et les guerres, elle avait besoin de douceur. L’Ange apportait cette douceur.

Tous ceux qui avaient eu la chance d’être soumis à cette douceur firent la grimace : la grosseur de la douceur en atténuait les bienfaits divins.

Faire de cet objet mythique un nouveau symbole de leur chère religion ne pouvait que favoriser son expansion, qui était sa seule valeur éternelle. D’autant que morbide

L’idée, jugée intéressante, fut débattue abondamment.

On fit appel au plus grand cabinet mondial de design, Moije N Moije.

D’emblée, Karl Lolorent, le légendaire créateur tous azimuts et leader charismatique de Moije N Moije, rigola. L’appeler pour un symbole minable était ridicule. Ces coincés du cerveau avaient une occasion mirifique devant eux. Karl Lolorent commençait toujours par injurier ses nouveaux clients. C’était adorable !

Ces coincés du (ici, il employa un autre mot, ignorant toucher le point sensible de la majorité de son auditoire) avaient devant eux une occasion en or qu’ils ne voyaient pas : celle, enfin, de finaliser cette réunion des deux branches, mais également des deux genres, tout en mettant un terme à la fracture sur l’essence divine de l’Ange.

Le comptable du SAS dit discrètement à son voisin qu’il comprenait, et approuvait, les émoluments de Karl. Quelle puissance !

Il ne pouvait en résulter qu’une activité et une piété démultiplées, de quoi faire la nique a ces demeurés de Mahométans Réformés et de leur mettre une bonne longueur dans la vue. On voit que les milieux religieux ne sont pas plus tendres que ceux des affaires ! Les enjeux étaient à la mesure du contrat, avec une clause d’intéressement aux résultats. C’est là qu’on voit la différence des grands professionnels.

Moije N Moije revint dans le mois et proposa un nouveau logo. Pendant deux heures, il saoula ses clients avec des mots ronflants, dont certains empruntés au sino-américain, sans prendre la peine de les expliquer. Toute personne se devant de comprendre ce jargon ! Il s’étendit longuement sur la participation des étudiants des Beaux-arts au travers d’un concours. Les participants étaient trop sonnés pour comprendre que Karl et ses émoluments n’avaient apporté que le baratin.

En deux mots, le symbole s’inscrivait dans la continuité du précédent, pour s’ancrer dans ce prestigieux passé, tout en se positionnant en rupture pour s’inscrire dans la modernité et l’actualité de l’Ange, en reprenant son principal attribut.

Après ces heures interminables, enfin, le nouveau logo fut dévoilé.

La proposition avait un certain panache. L’ancien symbole, la croix, demeurait, mais inversée, la plus grande barre vers le haut. Les dignitaires chargés de la validation, totalement ignares de leur histoire, oublièrent d’y voir antéchrist et satanisme. La branche horizontale avait été élargie pour abriter deux cercles. La branche verticale était ornementée à son trois-quarts d’un demi-cercle. On pouvait ainsi facilement y voir un phallus inscrit sur la croix. Cette nouvelle interprétation enthousiasma le SAS, du bureau à l’assemblée générale plénière réunie en extraordinaire.

C’est Tancrède, encore si ingénu dans sa jeunesse, la tête encore pleine de principes et non de pratiques, qui souligna innocemment qu’ils étaient peut-être en train de dépasser leur mandat. Le SAS se consacrait à l’exploitation de l’Ange, faire floquer tous les uniformes avec ce symbole si fort, d’accord, mais pour l’étendre à la NEC entière, il fallait peut être prendre l’avis des autres.

Comme c’était un sous-pape qui parlait, son propos fut pris au sérieux. Cela obligeait à réunir un concile, mais comme on n’avait pas fait la fête depuis longtemps, raison de plus. Rappelons, pour ceux peu au fait du fait religieux, que deux grandes lignes clivaient la NEC. La première résultait du ratage de la fusion. La seconde, plus profonde, perpendiculaire, était la répartition entre les deux genres, même s’il y avait dix-sept genres répertoriés, dont quatorze reconnus et neuf autorisés. Autrement dit, la NEC ressemblait plus à un puzzle qu’à autre chose. Cela permettait à tous de trouver chaussure à son pied et, d’un commun accord, on évitait les sujets qui fâchent.

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