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Matou, tout à ses occupations avec Jason, suivait les actualités de loin, sauf les financières qui faisait tourner un petit compteur élaboré par le jeune prodige, compteur qui tournait autrement vite et longtemps que ceux de Totor.

L’effondrement boursier et l’annonce des catastrophes programmées lassaient déjà, remplacé par une nouvelle autrement importante : l’Ange avait disparu ! Ses engagements n’ayant pas été honorés, on pouvait craindre le pire, comme son rappel à Dieu, signe confirmant la fin prochaine des temps, et l’annonce de catastrophes (correction demandée/ doublement possible des catastrophes.

Matou poussa un juron qui amusa beaucoup Jason. Elle appela les apprentis de la Nouvelle Église Convergence. Ils avaient simplement oublié l’échéance du contrat. Le message avait été programmé à la signature, puis oublié. Aucun rappel n’avait été mis en place, comme pour vos rendez-vous.

Jason riait tant et plus. De toute façon, sa fortune était faite pour les sept générations suivantes. Il ne put s’empêcher de conclure : « On ne peut pas dire d’eux, la NEC plus ultra ! ». Matou ne releva pas, un peu inquiète pour les gamins, qui se gavaient de sucreries devant les écrans plats de télé, mais elle l’ignorait.

Les nouveaux contractants étaient des débutants. Du moins dans la gestion des anges, car, pour la religion, ils avaient une expérience plus que millénaires. Ils avaient aussi un grand savoir-faire dans la construction, la banque, la diplomatie, l’organisation des communautés et la direction des foules, mais rien sur la gestion d’un individu immature, potentiellement de marque Divine™. Ils avaient tenu à garder un anonymat absolu, leur gestion du secret s’étant fortement développée le siècle précédent quand ils avaient dû enfouir de vilaines choses sous les immenses tapis de leurs lieux de culte.

De plus, l’organisation n’était toujours pas stabilisée depuis le rachat de la vieille Église du Vatican par les Évangélistes. L’accord avait été formidable, le nom de NEC trouvé immédiatement. La vieille Église espérait retrouver un dynamisme propice à cacher ses turpitudes des derniers siècles et les Évangélistes à profiter des moyens matériels et financiers de la vieille structure. Des décennies plus tard, les dissensions étaient toujours là et les divergences restaient nombreuses au sein de la Nouvelle Église Convergente. Sur le coup de l’Ange, un miracle, encore un, s’était produit, car c’est d’un commun accord qu’ils avaient négocié. Puisque ce dernier n’avait encore rien dit, autant mettre la main dessus, avant que la concurrence ne le fasse. Ils pensaient bien sûr aux Mahométans Réformés, qui convertissaient tout à tour de bras. Ils étaient simplement plus mal organisés, chacun pensant que l’autre allait se coltiner le côté pratique de l’affaire, lui laissant le côté spirituel.

Résultat : ils avaient perdu l’Envoyé et oublié de négocier avec l’ancien tenancier la passation des dossiers en cours.

Le temps qu’ils comprennent que leur responsabilité prenait effet immédiat dans une localité retirée du Perche, car Matou leur avait glissé l’information, l’oiseau s’était envolé. Ils parèrent au plus urgent : un recours en justice contre leurs prédécesseurs. Puis ils déclenchèrent une chasse à l’Ange mobilisant tous leurs fidèles, peu nombreux et souvent perclus de rhumatismes, ou, les plus nombreux, la tête dans leurs chants. Malgré la discrétion demandée, c’est tout le pays qui se lança dans cette quête, uni enfin sur une cause commune. La nouvelle firme étant mondiale, des renforts furent dépêchés dans la région et, bientôt, chaque fourré, chaque ruelle accueillait des détectives amateurs. Une fois encore, l’Ange saturait les réseaux et les canaux d’informations. La police proposa son aide, mais elle fut déclinée avec fermeté : l’objectif était de le retrouver vivant et entier.

Les parents d’Hector, qui agissaient loin du Monde, dans les hautes sphères financières, restaient insensibles et indifférents à ces tapages, se rattrapant sur les possibilités de spéculation sur les produits dérivés de cette affaire.

C’est bien sûr le petit personnel qui gâcha tout ! La bonne était pétrie de religion, ce qui l’aidait à ne pas se poser de question. Elle parlait mal le français, mais le comprenait mieux, rapport aux engueulades quand elle faisait de travers ou que ses employeurs avaient raté un coup foireux, mais prometteur. Elle parla à la dame de l’église, qui en parla au prêtre, qui en refera à l’évêque, après s’être réconforté au café. Le lendemain, le village débordait de journalistes, de curieux, faisant le siège du 3, rue de Bouzincourt, devant la maison des parents d’Hector. Alertés et dérangés par le bruit, ils finirent par se souvenir qu’effectivement, ils hébergeaient un copain de leur fils. Ils avaient autre chose à faire que répondre à des inconnus, quand une immense voiture vint se garer devant leur villa. Deux hommes habillés de noir en sortirent, le visage couvert par des lunettes noires, avancèrent d’un pas décidé vers le portail et commencèrent des pourparlers dans l’interphone. Un grand silence se fit dans le village et les alentours, chacun cherchant à entendre des bribes de cette conversation. Un déclic libéra le vantail. L’attente parut longue, très longue. Puis le portail s’ouvrit entièrement pour laisser passer le véhicule qui ressortit peu après. Ses vitres teintées masquaient, sans doute, celui que tous espéraient voir. Après avoir roulé doucement, pour fendre la foule, la voiture accéléra, laissant la place aux conversations interrogatives dans son nuage de poussière.

Une fois encore, les parents avaient cédé Hector, refusant de se battre avec lui et très satisfaits du montant du dédommagement, proportionnel à leur affection. Dans la voiture, les deux amis s’amusaient à l’idée de nouvelles aventures.

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