Chapitre 3 : Le département de correction

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Je n’ai qu’une chose à dire pour tout le trajet en cours : heureusement que je suis toujours menottée.

Parce qu’entre ceux qui jouent aux caïds qui vont en faire voir des vertes et des pas mures aux mâtons, plus ceux qui me fixent comme des poissons avec la bouche grande ouverte et ceux qui ne font que de pleurnicher qu’ils veulent leurs mamans, je n’en peux plus !

- Tu vas voir, les gardiens, je vais en faire qu’une bouchée dit l’un.

- Et moi, il va pleurer sa mère annonce l’autre dans un rire.

Je pousse un soupir en balançant ma tête vers l’arrière, le regard rivé au plafond. Qui est-ce qui m’a mis des imbéciles pareils ? Je ne sais pas où nous irons, mais je sais ce que centre de redressement veut dire. Ils ne vont pas y aller de mains mortes avec nous, peu importe ce que l’on a fait.

Nous arrivons dans ce qui semble, être une prison, une structure en brique, des grillages avec du fils barbelés au-dessus, six personnes en uniformes qui nous attends de pieds fermes. Serait-ce le comité d’accueil ?

Le bus se gare juste devant deux d’entre eux, à peine le moteur à l’arrêt, les portes s’ouvrent et une des personnes se met à hurler.

- Sortez et plus vite que ça ! Je vous veux les uns à côté des autres sur la ligne blanche !!

Je vois mes camarades sortir d’un pas pressé et suivre les instructions de cette inconnue. Alors que le bus est enfin vide, le conducteur se lève pour me faire descendre, étant la dernière présente dans ce bus.

Une fois sur la terre ferme, je lève mon regard vers ce qu’il se passe, les personnes en uniformes, sûrement le personnel du centre, cris à tout va sur les nouveaux pensionnaires, hurlant des ordres totalement contradictoires puis les font boire un litre d’eau en une fois alors qu’ils viennent de courir vingt minutes sans interruption.

Je reste plantée là, juste à côté des portes du bus, attendant que quelqu’un daigne me libérer. Je repère rapidement les deux guignols qui jouaient aux plus grands dans le bus, là, en ce moment même, ils sont en larmes en train de faire des pompes.

D’autres adolescents eux, commence déjà à vomir dans les poubelles misent à disposition. Pour avoir vues des documentaires sur ce sujet, je sais ce qu’ils sont en train de faire : Ils essaient de nous briser psychologiquement. Je reporte mon attention devant moi alors qu’une femme en uniforme arrive, un air mauvais sur le visage.

- Je peux savoir pourquoi tu ne fais pas la même chose que les autres ! Hurle-t-elle, le visage à quelques centimètres du mien.

Je ne prononce aucun mot, si c’est pour me faire engueuler en plus parce que je n’utilise pas le bon grade ce n’est pas la peine. Je ne fais qu’une chose pour attirer son regard : je secoue mes poignets ce qui fait cliqueter les chaînes qui tiennent les menottes.

Son teint vire du rouge au blanc lorsqu’elle remarque que je suis menottée. Après avoir appelé un de ses collègues, ils me prennent tout deux par un bras avant de me faire avancer vers un homme d’une cinquantaine d’année.

Pour avoir eu un père militaire, je reconnais les grades sans problèmes, ayant appris jeunes à les différencier et connaître quels sont les plus hauts placés dans la hiérarchie de l’armée.

Le plus souvent, ce sont des lieutenants qui s’occupent des jeunes, mais devant moi, ce trouve le commandant. Pas le plus haut placé dans les officiers mais un homme respectable dans son travail.

Après des nouveaux cris, tous se regroupent à mes côtés pour savoir ce qu’ils nous veulent. Dans le regard de mes camarades, beaucoup pour ne pas dire tous, sont soulagés que le cauchemar soit terminé.

- Si vous êtes là, c’est parce que vos familles en ont marre de vous ! Hurle le commandant en nous regardant tous les uns après les autres. Certains sont là pour le comportement, d’autres parce qu’ils ont fait des conneries qu’ils doivent assumés ! Pour moi, ça ne fait aucune différence ! Ce que vous avez vécues ce matin à votre arrivé, ce n’est que le début !

Je laisse mon regard trainer sur les nouveaux pensionnaires qui sont arrivés en même temps que moi. Je repère rapidement les deux caïds, le teint cadavérique, les jambes tremblotantes, je sais d’avance qu’ils risquent de se casser la gueule à tout moment, n’ayant pas supportés le cadeau de bienvenue.

- Nous allons vous emmener pour vous faire une fouille complète, tout et je dis bien tout ! Vous seras confisqués ! Je ne veux aucun bijou, aucune photo ! Rien du tout ! Vous n’êtes rien d’autres qu’une bande d’insolents qui pensent être déjà des adultes !

Juste après ses quelques mots bien sympathiques, nous nous faisons escorter, toujours sous les cris, dans une immense salle. Des sortes de boxes sont délimités par des rideaux vert foncé. Je suis emmenée dans un des boxes par un soldat, brun, coupe militaire, la trentaine bien sonnée, ce qui ne m’inspire pas du tout confiance est son regard un peu trop appuyé sur ma personne, il me détache les menottes lentement, non sans laisser trainer ses mains autour de mes hanches.

- Déshabille-toi ordonne-t-il.

N’étant pas, de base, une forte tête, je me mets dos à lui pour me dévêtir, je tente de faire cela le plus rapidement possible. Avec les cris de toutes les autres personnes qui nous entoure, s’il m’arrive quelque chose, je sais très bien que personne ne m’entendra.

- Accroupis, les jambes et les fesses écartées, puis tousse fort trois fois.

Mes poings se serres, je ne supporte pas le ton qu’il emploie, je suis sûre en plus, que son regard n’est pas du tout professionnel. Ça aurait dû être une femme qui fasse ce genre de chose, mais bon, pour se coups-ci, je peux laisser passer.

Le froid de la chaîne de mon père, ainsi que la chevalière de Travis me procurent des frissons. Après avoir fait ce qu’il m’ordonne, je me relève, toujours dos à lui, je ne lui ferais pas le plaisir de lui faire montrer mon anatomie le plus intime.

- Retourne-toi dit-il d’une voix rauque.

- Donner moi mon uniforme, je ne me retournerais pas face à vous entièrement nue.

J’entends ses pas lourds se rapprocher de moi, son souffle chaud s’échouer contre mon cou. Je me prépare au pire, surtout dans cette situation. Il finit par me donner des sous-vêtements blancs sans armatures, un débardeur de la même couleur et un pantalon bleu foncé. Je m’habille rapidement alors qu’il n’a toujours pas bouger de place, bien que je ne le voie pas, il ne doit pas être très loin, dix centimètres à peine.

- C’est dommage… une si belle vue cachée… donne-moi tes bijoux, ils sont confisqués.

- Vous pouvez toujours courir, mon père était militaire, je sais très bien tout comme vous, que je peux le garder.

- Si tu veux les garder, il va falloir te montrer très, très sage avec moi.

A ses mots il prend une mèche de mes cheveux avant de l’entortiller entre ses doigts, rapprochant inexorablement son corps du mien, lorsqu’il est suffisamment près, il me murmure d’une voix éraillée.

- Une nuit, ce soir, avec moi, et tout ce que tu voudras, tu l’auras sans aucun souci une fois que j’aurais ce que j’attends de toi.

Alors là, je vois rouge, je ne me suis pas battue pendant toutes ses années pour offrir une nuit au premier venu, il croit rêver éveiller. Je me retourne d’un coup en prenant sa nuque dans ma main, il se met à sourire, croyant probablement qu’il peut avoir ce qu’il souhaite. Jusqu’à ce que mon genou rencontre ses bijoux de famille, suivit d’un coup de poing en pleine mâchoire.

- La prochaine fois que tu me fais ce genre de demande, je m’assurerais que tu ne puisses plus te reproduire et tu pisseras à l’aide d’une paille !

Sans un mot de plus, je sors de cette cabine, mes bijoux cachés dans une de mes poches et rejoins la file de pensionnaires déjà prêt. Nous finissons par partir alors que le soldat n’est toujours pas sorti du box où nous avons eu une altercation.

Nous passons l’heure qui suit à nous installer dans un immense dortoir où nous sommes tous ensemble, aucune démarcation, il s’agit uniquement d’un lit et d’une malle pour ranger les changes et nos produits de toilettes donnés par les gardiens. Ils profitent en même temps pour nous faire visiter les locaux, nous avons donc deux sanitaires pour tout le monde, d’un côté les garçons de l’autre les filles. Une cantine pour tout le monde ainsi que des salles de classes en fonction des niveaux de chacun.

Nos horaires sont : levés dès trois heures trente du matin, extinction des feux prévues dès vingt et une heures. On commence avec un entrainement digne des Neavy Seals avant de commencer les cours comme des adolescents normaux. Et je dois vivre ça jusqu’à mon procès alors que, pour les autres, c’est durant deux mois, tout au plus.

C’est peu avant midi que nous partons tous dans le réfectoire, j’ai entraperçu des groupes d’élèves encore en cours qui devraient nous rejoindre d’ici quelques minutes. Je suis tranquillement la file d’attente et prend un plateau déjà prêt, au menu : carotte râpé, une sorte de bouilli et un steak avec une orange pour terminer. Etrangement, ma faim est partie en courant à la vue du plat principal.

Alors que je mange sur une table en solitaire, deux plateaux se posent brutalement devant moi. Pensant sûrement vouloir me dominer, me surprendre. Je ne lève même pas les yeux, mais lorsque ces personnes cherchent à s’asseoir, je fais un coup dans les chaises. J’aurais pu les faire tomber si leurs réflexes n’étaient pas aussi rapides. C’est lorsqu’ils finissent par s’installer que je les regarde.

- Toi tu ne te laisses pas faire, j’adore ! Lance un roux aux yeux verts. Je m’appelle Casey et lui c’est Jacob, il fait le bonhomme comme ça mais il ne mord pas

Sur ses mots, le fameux Casey se prend un coup de poing dans l’épaule par Jacob, un brun aux yeux verts. Je continue de manger ce qui est un tant soit peu comestible, ne faisant pas attention aux garçons.

- Je suis là en attente de mon jugement, reprend Casey, j’ai été chopé en plein cambriolage, la bouche d’aération dans laquelle j’ai voulu m’enfuir à lâché, je me suis retrouvé avec un atèle pendant trois semaines, ça grattait, une horreur.

Ayant terminée de manger, je repousse mon plateau avant de croiser les bras en les regardant tour à tour. Casey à une corpulence assez chétif, mais étant donné qu’il est allé jusqu’à entrer dans une bouche d’aération, tout semble me faire comprendre que c’est quelqu’un d’assez souple et agile.

Jacob lui, a une carrure imposante, des mains larges et abimées, je ne le connais pas, mais à la vue de son regard sombre, je devine qu’il doit être assez violent.

- Pourquoi tu es là toi ? Demande Jacob en me fixant droit dans les yeux.

- Et toi ? Dis-je sans lâcher son regard.

- Combat clandestin dit-il dans un souffle.

- Meurtre lâché-je en soupirant.

Etrangement, mon aveu ne semble pas les avoir surpris plus que ça, Casey se met à m’expliquer que nous sommes les trois à attendre d’être jugés pour nos délits, les autres, ne sont là uniquement à cause de leurs comportements envers la société ; violence, vol mineur, agressions physiques. C’est une sorte d’avertissement avant une condamnation.

Les cris du commandant nous interrompent, il ordonne à tous les résidents de retourner en cours, pour ceux qui n’ont pas été affectés, tels que moi, nous devons partir dans la cour pour une nouvelle session de sport intense, ce coup-ci, je compte bien participer.

Nous avons à peine le temps de nous mettre en rang que des lieutenants commencent à nous hurler dessus.

- A terre et faites-moi des pompes !

Je me mets à obéir, ne voulant pas être sous leurs foudres, je repère le soldat qui m’a fouillée, le dos courbé, la mâchoire légèrement bleuie. Ça va lui laisser des marques pendant quelques jours.

Je ne sais pas combien de temps est passé pendant notre séance de sport intensif, nous avons alternés entre les pompes, les abdominaux, la course à pied ainsi que bien d’autres choses dont je ne me souviens plus le nom, j’ignore même si je les ais sus un jour.

La plupart d’entre nous espères une douche salvatrice et un repos bien mérité. Avec tout ça, les premiers à vomir ont été les caïds, vite rejoins par d’autres garçons d’une quinzaine d’année. Les poubelles qui trainaient dans la cour étaient toutes pleines, limite sur le point de déborder. C’est vraiment dégueulasse.

Le soleil est sur le point de se coucher lorsque nous partons en direction des sanitaires, sur toutes les filles, je suis la seule à avoir eu l’estomac bien accroché, toutes les autres ont vomis et pleurées, parfois même, fait les deux en même temps mais le plus surprenant pour moi, c’est pleurer au point d’en vomir.

Alors que je suis sur le point d’entrer dans une des douches, un groupe de filles qui vient d’arriver dans la pièce d’eau se met à bousculer toutes celles sur leurs passages. Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit que je me retrouve à terre alors que l’une d’elles a pris ma place.

J’étais sur le point de me rebeller, prête à entrer dans cette douche pour la faire sortir, mais ses cris m’ont tout de suite stoppé. Nous avons le droit à une douche oui, mais c’est vrai que personne ne l’a précisée : l’eau est froide.

Je n’ai probablement, jamais pris une douche aussi vite. Une fois lavée et changée, je me dirige vers la cantine pour un repas même si la faim n’y est pas du tout.

Plateau en mains, je me dirige vers deux têtes que j’ai rencontré ce midi même, Jacob et Casey. Je n’ai même pas le temps de m’asseoir qu’ils me posent déjà des questions.

- Alors cette journée ? Demande Casey en buvant son verre d’eau.

- J’ai connu pire soupirer-je, là je ne veux juste que me coucher.

- Tu n’as pas vomi ? Ou même pleurer ? Demande Jacob en haussant un sourcil.

- J’aurais dû ?

Nous avons continué à parler un petit moment avant que la fatigue ne s’empare de mon corps, je finis par aller dans mon dortoir,escortée par un soldat. Et je m’endors, bercée par les cris et les pleurs des autres pensionnaires.

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