Comment les super-héros apparurent

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Albert regarda une nouvelle fois le dossier que lui avait transmis son supérieur. La nuit devait être noire dehors. Il n’en avait aucune idée : il se trouvait dans un bureau en sous-sol uniquement éclairé de lumières artificielles. Cela ne le dérangeait pas outre mesure et cela lui permettait d’être mieux payé. C’était amusant que le manque de lumière naturelle était considéré par la loi comme une condition de pénibilité alors qu’il n’avait aucun dédommagement pour les nuits blanches, les repas sautés, les planques dans le froid ou la chaleur ou le fait de risquer sa vie. Bon, d’accord, cela faisait partie du métier d’agent secret mais quand même, cela valait plus que les 6,36 euros qu’il gagnait chaque fin d’année en tant que prime de risque. Il but une gorgée de son café, termina l’apprentissage de ce dossier et rentra chez lui.

Le lendemain matin signifia le début de sa mission en allant voir le professeur Margout. Il avait signalé un vol de ses recherches et cela avait paru suffisamment important pour que la hiérarchie le mette sur le dossier. Un homme plutôt jeune mais aux traits tirés et inquiet lui ouvrit la porte du laboratoire.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Bonjour, monsieur Margout, dit-il en présentant une carte de fonctionnaire. Je m’appelle Albert Troipie. Je suis là pour le vol. Puis-je entrer ?

— Ah ! Enfin, je vous attendais, le commissaire m’a dit qu’il déléguait l’affaire. Installez-vous. Dites-moi ce que je peux faire pour qu’on retrouve mes recherches ! Cinq ans que je travaille dessus ! Huit si on compte mon doctorat et mon post-doctorat ! Café ?

— S’il vous plait. Entrons dans le vif du sujet. J’ai eu quelques éléments mais je n’ai rien compris. Sur quoi travaillez-vous exactement ?

— Sur les thérapies génétiques. Comment modifier le génome d’un malade pour supprimer ou remplacer une séquence voulue par une autre et comment faire pour ce génome s’exprime alors que l’organisme est déjà développé. Cela permettrait de traiter un nombre considérable de maladies, rendez-vous compte ! Plus d’Alzheimer, plus de myopathie, plus de progéria ! La vie de millions voire de milliards de personnes transformée !

— Et un beau prix Nobel à la clé, ironisa Albert.

— C’est peut-être ce que m’aurait dit mon frère trisomique s’il avait pu parler, rétorqua froidement le chercheur.

Albert avala une gorgée de café pour passer la fusillade visuelle et demanda :

— Une idée sur qui pourrait être intéressé par vos recherches ?

— À part les malades, vous voulez dire ? Toutes les équipes en recherche médicale dans le même secteur particulièrement le docteur Takashi Yashimoto. Oh, à propos, regardez. La femme de ménage a trouvé ça ce matin.

L’homme lui tendit une petite boite de la taille d’un morceau de sucre. Albert le prit entre ses doigts et la contempla. Une ride d’inquiétude barra son front. C’était plus que du sabotage entre équipes médicales : il s’agissait d’un émetteur militaire.

***

Six heures plus tard, il était en compagnie d’un spécialiste de ce type de matériel. Celui-ci regardait à nouveau le modèle sous un microscope.

— Tu as le cul bordé de nouilles, mon pote ! Des modèles comme ça, il n’y a qu’une usine qui en fabrique, en Russie. Et le numéro de lot n’a pas été effacé avant utilisation.

— Ce sont les russes qui ont fait le coup ?

— Aucune chance, ils ne sont pas assez stupides pour laisser un numéro de série comme ça. Par contre, il y a une rumeur dans le milieu. Ils se seraient fait voler une cargaison par des terroristes. Ton histoire de vol, ça me semblerait plutôt confirmer les bruits.

— Et les bruits auraient-ils glissés un nom ?

— Le front de libération populaire islamique, termina le technicien avec un clin d’œil.

***

Quatre jours et deux avions cargos plus tard, Albert se trouvait au pied de la base secrète des fous religieux. En avançant jusqu’au premier poste de garde, il songea que leur cause politique aurait pu être suivie s’ils ne teintaient pas tout d’un islamisme crade. L’entrée fut plus simple qu’il l’avait espéré. La base semblait se cantonner à une demi-douzaine de couloirs taillés grossièrement dans le roc. Il avait choisi l’heure de la prière afin de trouver l’endroit quasiment désert, à l’exception évidemment d’une salle bondée de monde. Un coup d’œil rapide lui apprit qu’il n’aurait aucune chance face à une telle multitude si celle-ci se répandait dans leur quartier général. Heureusement, il avait sur lui du matériel un peu moins silencieux que les gadgets habituellement fournis aux espions. Et un peu plus efficace aussi.

Après quelques instants, les quatre grenades détonnèrent dans la salle de prières. Il s’éloigna sans un regard en arrière ni un remord en constatant seulement que les chances de succès de sa mission s’étaient d’un coup grandement améliorées.

Une demi-heure plus tard, il n’avait toujours rien trouvé. C’était inquiétant. Il songea que finalement le seul endroit qu’il n’avait pas scrutée à la loupe ni sondée au stéthoscope était la seule qui était remplie de viande. Ça n’allait pas être très réjouissant pour le personnel du pressing. Il pataugea donc allégrement dans les restes humains plus ou moins calcinés jusqu’à trouver un bouton ouvrant une porte dérobée.

À peine eut-il fait deux pas dans cette partie de la base qu’il comprit avoir débusqué une grosse proie. Il était venu pour un lièvre, il lui semblait tomber dans un nid de crocodiles. Les couloirs étaient recouverts de métal lumineux donnant au tout l’impression de déambuler dans une soucoupe volante aseptisée. Quel contraste avec la caverne taillée à la pioche ! Il passait du Néandertal à la civilisation du quatrième millénaire. Il avait fallu d’énormes moyens pour mettre en place de telles installations. C’était ce qu’il pensait à chaque fois qu’il passait de nouveaux couloirs, qu’il découvrait de nouvelles salles bardées du matériel scientifique dernier cri.

Finalement, il entra dans une pièce où travaillait un homme d’origine asiatique. L’homme sursauta à son arrivée.

— Vous ! Vous n’êtes pas avec eux ! Vous êtes venus me sauver ?

— Euh… Qui êtes-vous ? Qui sont ces eux ? Le front de libération populaire islamique ?

— Vous croyez encore à cette couverture ? Ces crétins de bas étage sont manipulés par les russes.

— Les russes ? Et qui êtes-vous ?

— Takashi Yashimoto. Mais ne traînons pas. Partons hors d’ici.

Le nom fit sursauter Albert. Ainsi le professeur ennemi était emprisonné ?

— Je vais vous aider. Mais je dois récupérer les données du professeur Margout.

— Margout ? Je me disais bien que ces soldats ne pouvaient pas avoir sorti ces données de leurs cervelles de vers parasites mais je n’avais pas reconnu ses travaux. Il avait fait des avancées considérables depuis le dernier congrès.

— Nous discuterons biologie plus tard. Allons-y.

— Non ! J’allais oublier. Avant ça, je dois prendre quelques papiers. Les recherches sont presque abouties. Nous allons changer le monde et l’humanité.

— Et voilà que ça recommence, soupira Albert.

— Regardez cette fiole ! J’ai fabriqué un virus mutagène ! Il est capable d’améliorer les humains infectés !

— Améliorer ? demanda Albert en prenant la seringue pleine entre ses doigts.

— Oui ! Jusqu’au maximum de ses capacités ! Fini les maladies !

À ce moment-là, des cris surgirent de toute part. Albert se précipita vers la porte mais deux escouades de soldats armés jusqu’aux dents déboulèrent dans la pièce. Ils étaient cernés. Déjà le professeur psalmodiait une prière à ses ancêtres. Quelques minutes encore et il connaîtrait les geôles russes. À moins que…

Albert se planta l’aiguille dans le bras et poussa le piston. Une douleur atroce s’empara de lui. Il tomba à genoux, le souffle coupé par le mal. Mais cette sensation ne dura qu’une dizaine de secondes. Maintenant, il avait l’esprit clair et les muscles vibrants de force. Il se releva et le monde lui parut plus clair, plus vif. Des dents plus blanches illuminèrent son sourire. Un instant plus tard, il assomma un ennemi d’une pichenette, souffla sur trois autres qui furent propulsés contre le plafond et termina les autres en leur lançant une paillasse de laboratoire.

— Et maintenant professeur, courons hors d’ici !

Une grenade récupérée sur les ennemis permis de nettoyer la pièce. Une semaine plus tard, les deux chercheurs travaillaient main dans la main tandis que le monde connaissait son premier surhomme. Le virus ne put jamais être recréé. Il semblait qu’Albert Troipie serait le seul superhéros du monde. C’était compter sans une propriété insoupçonnée du virus : celui-ci était sexuellement transmissible et Albert était déjà renommé pour être un chaud lapin. Sa nouvelle constitution exacerbait sa libido. Un an plus tard, on dénombrait déjà une cinquantaine de nourrissons aux pouvoirs divers. Les adultes n’étaient pas épargnés : outre les cinquante-huit mères, on dénombrait le double d’amants divers et variés. Tous étaient désormais forts comme des bœufs, en pleine santé et une bonne moitié d’entre eux développaient des capacités qu’on ne trouvait que dans les comics.

Ce virus annonçait une épidémie nouvelle et impossible à stopper. D’ailleurs, qui le voulait vraiment ?

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