En route pour Malemort

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En route pour Malemort

-Les enfants, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Commença M. Garin d’un air sombre, en s’asseyant à la table du petit déjeuner.

Louis, Marie et Fauve relevèrent la tête de leurs assiettes d’un air intrigué.

-Que se passe-t’il papa ? demanda Louis, un grand garçon athlétique de 12 ans aux cheveux châtains clairs en broussaille entourant un visage énergique au regard volontaire.

-Il est arrivé quelque chose de grave ? interrogea Marie, sa jeune sœur de 11 ans, une petite blonde aux yeux bleus, pour l’instant très inquiète.

-Ce n’est pas maman au moins ? Questionna Fauve, la plus jeune, 10 ans, cheveux blonds tirant sur le roux, toujours en bataille, en déposant son couteau sur la table, ses yeux noirs, posés, interrogateurs sur son père.

M. Garin ne savait comment répondre, mais en voyant son visage tendu les enfants comprirent d’eux-mêmes.

-C’est maman ? Mon Dieu que s’est-il passé ?

-Elle est tombée malade ?

-Elle a eu un accident ? Parle papa, je t’en prie, ne nous laisse pas languir…

Les trois enfants savaient en effet que leur mère qui passait quelques jours chez sa sœur, devait revenir à la maison ce week end, pour le début des vacances scolaires.

-Et bien, tout d’abord ne vous inquiétez pas, votre maman a été opérée cette nuit et l’opération a parfaitement réussi. Elle va aussi bien que possible étant donné les circonstances et n’en gardera aucune séquelle, explique M. Garin. Elle a effectivement eu un accident de voiture, hier en fin de journée. Elle revenait d’avoir été faire quelques courses avec votre tante. Elles se rendaient chez leur mère, votre grand-mère, lorsqu’un chauffard qui a brûlé un feu rouge les a embouti de plein fouet. Votre tante est indemne, mis à part de nombreuses contusions, mais votre maman souffre de plusieurs fractures. On l’a opérée durant la nuit, le temps de me prévenir pour que je puisse donner les autorisations nécessaires et d’effectuer les examens préliminaires.

Fauve, la benjamine, se mit à pleurer en cachant son visage dans ses mains.

-Oh pauvre maman ! Pauvre maman ! Sanglota-t-elle.

Marie également ne put empêcher ses larmes de couler.

-On peut la voir ? implora t’elle à son père tout en prenant sa petite sœur dans ses bras pour la consoler.

-Non. Répondit ce dernier. Pas immédiatement. Pour l’instant elle est en salle de réveil, mais je n’ai pas encore su lui parler au téléphone car elle est très affaiblie et fatiguée par son opération. Elle a besoin de beaucoup de calme et de repos pour se remettre. Et dans quelques semaines, si tout se passe bien, elle pourra quitter l’hôpital pour effectuer sa convalescence et ses séances de rééducation.

-Mais nous pourrons la voir quand même ? Elle pourra recevoir des visites lorsqu’elle sera moins fatiguée ? S’inquiéta Louis.

-Bien sûr mon garçon, ne t’en fait pas tout est déjà prévu. Car j’ai encore quelque chose à vous expliquer. Etant donné que l’accident a eu lieu dans la région de Carpentras où réside votre tante, c’est à l’hôpital de cette ville que votre mère se trouve. Donc, comme nous habitons Paris, ce qui n’est pas commode pour les visites, et que nous sommes en période de vacances scolaires, j’ai contacté ma sœur qui habite également dans la région de Carpentras. Elle accepte de vous héberger tous les trois pendant toute la durée des vacances d’été. Ainsi vous pourrez aller visiter votre mère chaque fois que ce sera possible.

-Ah ça me semble une bonne idée papa. Mais toi, où iras-tu ? Logeras-tu aussi chez ta sœur afin de pouvoir rendre visite à maman ?

-Non Marie. Dans un premier temps je logerai chez votre grand-mère qui habite Carpentras. Je serai ainsi plus proche de l’hôpital pour me rendre au chevet de votre mère et effectuer les démarches nécessaires à son hospitalisation et à sa convalescence. Mais je viendrai souvent vous rendre visite. Il se pourrait même que votre mère vienne effectuer sa convalescence dans la bastide que possèdent ma sœur et son mari. C’est une grande maison qui comporte une grande chambre au rez de chaussée et toutes les commodités de plain-pied. Nous pourrons engager une infirmière à demeure le temps nécessaire à la guérison de votre mère. Qu’en pensez-vous les enfants ?

-Si l’accident de maman n’était pas aussi triste nous serions heureux de passer des vacances chez ta sœur en Provence, répond tristement la petite Fauve.

-Oui, c’est tout à fait ça, renchérirent Louis et Marie.

-Au fait, reprit Marie, ta sœur c’est bien elle qui est écrivain et dont le mari possède une entreprise viticole ?

-Oui c’est bien elle, répond son père. A cause de mon métier et de nos fréquents séjours à l’étranger, nous avions un peu perdu contact. Nous nous écrivions très régulièrement bien sûr, mais ce n’était pas la même chose. Depuis que nous sommes revenus définitivement en France l’année dernière, je l’ai rencontrée à plusieurs reprises. Nous étions tellement heureux de nous revoir. Chaque fois qu’elle vient à Paris signer un contrat avec son éditeur, nous dinons ensemble au restaurant et nous évoquons le bon vieux temps de notre enfance. La dernière fois votre mère était avec et nous avons passé une merveilleuse soirée.

-A-t-elle des enfants ? interrogea Louis.

-Oui, elle a deux enfants. Des jumeaux. Des faux-jumeaux plus exactement : un garçon et une fille, ils ont 11 ans et s’appellent Florius et Cléopâtre. Ma sœur a toujours été un peu originale, sourit M. Garin en voyant l’air étonné de ses enfants à l’annonce des prénoms plutôt anachroniques de leurs cousins.

-Et son mari ? Questionna Louis.

- Son mari, votre oncle Victor Sabatier est viticulteur. Il possède une grande propriété et des hectares de vignes à perte de vue. Il est très sympathique. Il aime beaucoup les enfants mais travaille énormément. Vous risquez de ne pas le rencontrer souvent, si ce n’est aux heures de repas. C’est un homme très courageux qui ne se contente pas d’être le patron, mais qui met la main à la pâte chaque fois que c’est nécessaire. Et dans une exploitation de cette taille, c’est souvent nécessaire !

-Tu l’as déjà vu ? interrogea Fauve.

-Oui bien sûr. Et vous aussi, mais vous étiez tellement petits que vous ne vous en rappelez sans doute pas. Avant de partir à l’étranger peu après ta naissance ma petite Fauve, nous habitions Carpentras et faisions de nombreux repas de famille au mas des Cigales. Vous jouiez avec vos petits cousins, mais tout cela est tellement loin. Louis avait à peine plus de 3 ans lorsque j’ai été nommé en poste pour la première fois à l’étranger.

M. Garin était chercheur. Il effectuait de nombreux séjours dans des universités et des hôpitaux étrangers. Cette année il était revenu au pays car on lui avait offert un poste intéressant dans un grand hôpital parisien. La petite famille habitait maintenant dans un grand appartement à Paris.

-Et ta sœur ? Continua Louis. Elle est écrivain, cela veut-il dire qu’elle a besoin de beaucoup de calme et que nous ne risquons pas de la voir souvent elle non plus ?

-Ma sœur Antoinette, que je vous recommande d’appeler Tonie car elle trouve le prénom Antoinette un peu démodé…

-Pas plus démodé que Cléopâtre et Florius tout de même ! S’esclaffa Fauve.

- Oui mais comme je l’ai dit, ma sœur est quelque peu originale. Continua M. Garin. Le prénom Antoinette lui vient de notre grand-mère qu’elle aimait beaucoup, mais elle le trouve un peu vieux et trop long. Bref, ma sœur écrit beaucoup, mais la maison est très grande. Elle a un bureau et lorsqu’il ne fait pas trop chaud elle écrit sur la terrasse. Mais elle n’a pas l’inspiration tous les jours. Il lui arrive d’écrire sans discontinuer tout comme il lui arrive de ne pas écrire une ligne pendant plusieurs jours. Mais ne vous tracassez pas, ma sœur aime aussi beaucoup les enfants et elle a beaucoup de patience.

-Et nos cousins, tu les connais ? Penses-tu qu’ils seront heureux de nous voir venir ? S’inquiéta Marie.

-Je ne les ai pas revus. Leur mère m’a parlé d’eux bien sûr. Mais je pense qu’ils seront heureux de vous voir venir et d’avoir des camarades de jeu pour l’été. Florius est un garçon espiègle, il a la bougeotte et adore les promenades à vélo. Cléo, elle, est plutôt secrète. Elle aime beaucoup écrire, comme sa maman. Elle aime beaucoup être seule et se balader à pieds, à vélo, mais aussi à cheval…

-Elle a un cheval ? S’exclama Fauve.

- Oui. Je pense même qu’il y en a plusieurs au mas des Cigales. Mais assez discuté les enfants ! Il est temps de ranger l’appartement et de préparer vos valises car nous partons dans moins d’une demi-heure. Le temps de préparer mes cartes et d’aller faire le plein de la voiture.

Les trois enfants s’affairèrent à ranger la cuisine. Louis, le plus grand des trois, grimpa au grenier pour récupérer trois grandes valises dans lesquelles chacun entassa ses affaires. Puis, les trois enfants descendirent les bagages dans le coffre du break Peugeot 304, tandis que M. Garin ferma l’appartement après un dernier tour d’horizon.

Louis s’assit à côté de son père, les cartes sur les genoux, prêt à le seconder lorsqu’il aurait besoin de lui. Les deux filles s’installèrent à l’arrière. Marie avait préparé une pile de livres à lire pendant le voyage qui risquait d’être long. Papa les avait en effet prévenus qu’il faudrait peut-être s’arrêter à l’hôtel à la moitié du trajet.

La voiture démarra. Les trois enfants Garin étaient à la fois triste pour leur maman et heureux de faire bientôt la connaissance de leur oncle, tante et cousins. Ils étaient également très impatients de découvrir la Provence et le mas des Cigales dont leur père disait tant de merveilles.

Il faisait très chaud en ce début de mois de juillet. Malgré toutes les fenêtres ouvertes il faisait mourant dans la voiture. Il fallait souvent s’arrêter pour se désaltérer et pour que M. Garin ne s’endorme pas à cause de la chaleur et de la longueur du trajet.

Peu avant Lyon, M. Garin décida de s’arrêter à l’hôtel. La radio annonçait de nombreux embouteillages dans le tunnel de Lyon et sur le périphérique suite aux départs en vacances. Tout le monde était épuisé par le trajet. Les enfants avaient envie que leur père téléphone à l’hôpital pour demander des nouvelles de leur mère. Et puis, tout le monde avait faim, soif et chaud. En fin d’après-midi, M. Garin arrêta la voiture sur le parking d’un bel hôtel en bord de route. Heureusement il y restait encore des chambres libres malgré les nombreux touristes ayant eu la même idée.

Pendant que les enfants s’installèrent pour la nuit, M. Garin téléphona à l’hôpital de Carpentras pour prendre des nouvelles de son épouse. Cette fois elle était éveillée et put lui parler. Tout allait aussi bien que possible. Elle était impatiente de revoir ses enfants et son mari et les embrassait tous en leur souhaitant bonne route pour la dernière partie du voyage.

M. Garin transmit les souhaits de son épouse. Les enfants furent heureux d’apprendre que leur mère se portait mieux.

Après une bonne douche et un dîner léger au restaurant de l’hôtel, les enfants allèrent se coucher. Leurs yeux se fermaient d’eux-mêmes à cause du voyage et de la chaleur.

Le lendemain, après un copieux petit déjeuner, la petite famille reprit la route pour la dernière partie du trajet.

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