L'espoir fait vivre

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En suffoquant, Ed se réveilla dans son appartement. Un objet devant son visage gênait sa vision et sa respiration. Il le retira et constata qu'il s'agissait du masque sordide, le reste de son corps était recouvert d'une salopette souillée par du sang séché. Un flot d'images atroces resurgissait de sa mémoire, des corps déchiquetés et des vies brisées revenaient le hanter. Un torrent de larmes dévala le long de ses joues, malgré lui, il était coupable de ses ignominies.

Décidé de mettre un terme à cette folie, il ôta ses frusques abjectes et les rassembla dans un sac en toile en compagnie du masque et des chaussures. Il fila à la douche pour se laver en forçant sur les doses de savon et de shampoing. Propre comme un sou neuf, il s'habilla puis en se dépêchant, il fouilla quelques tiroirs, et satisfait il en tira une bouteille d'essence à briquet. Après avoir enfilé sa veste, il s'apprêta à partir, mais ses yeux s'arrêtèrent sur le caméscope de Marianne. Il fallait s'en débarrasser ! Ni une ni deux, il l'empoigna pour supprimer les vidéos et le glissa dans le sac. À l'affût du moindre bruit, tendu, Ed descendit les escaliers et traversa le couloir pour déboucher sur la rue.

D'une démarche faussement tranquille, il se dirigea en bord de Saône. Stressé, il arriva au niveau de la passerelle et il continua sa route le long du chemin de halage. Le temps était grisâtre, un vent frais soufflait continuellement, mais il en fallait plus pour le décourager, emmitouflé dans son écharpe avec son bonnet sur la tête, il bravait le froid. Marchant depuis une bonne demi-heure, Ed s'arrêta près du rivage, il y avait un renfoncement, l'endroit était idéal. Il regarda autour de lui, personne à l'horizon, c'était le moment ! Tout ses sens étaient en alerte, il posa le sac de toile au sol afin d'en sortir le caméscope et les chaussures, puis il aspergea l'intérieur d'essence et craqua une allumette. L'ensemble s'enflamma brusquement et de la fumée s'éleva. Ed regardait le brasier, ses yeux fixèrent le masque sordide qui se consumait lentement. Ragaillardi par cette victoire, le jeune homme empoigna le caméscope pour le jeter dans la Saône, ensuite il recommença l'opération en envoyant valdinguer les chaussures. Tout sourire, il savoura sa liberté, plus rien ne le rattachait à cet horrible tueur.

Pris d'un soubresaut, il se figea et sa joie s'estompa ! La pierre, cet objet vicieux était à l'origine de tous ses crimes, il devait renoncer à son pouvoir pour éviter d'autres carnages. Ed hésita un instant, puis il fouilla dans sa poche pour en sortir le caillou. Il le regarda une dernière fois, cette beauté indescriptible, sa surface sinueuse et envoûtante, il fallait le conserver . Soudain, il eut une pensée pour Marianne, cette fichue pierre l'avait fracassée ! Sa main se crispa et il la lança aussi loin que possible. Elle retomba dans l'eau en provoquant de légers remous. Grâce à sa bien-aimée, Ed avait franchit le cap, même si ses blessures étaient encore béantes, il venait de gagner le combat. Ému, le jeune homme s'en alla. Sur le chemin en ressentant un grand vide, il prit la décision de rendre visite à Gisèle.

***

Ed agita le carillon pour prévenir Gisèle de son arrivée. La vieille dame ne tarda à ouvrir la porte et son regard croisa celui du jeune homme.

Heureuse, elle l'enlaça tendrement avant de déclarer :

— Tu sais pas comme ça m'fais plaisir de te retrouver ! J'me suis fais du mouron pour toi, ne m'refais plus jamais ça !

Après avoir relâchée son étreinte, Gisèle remarqua qu'Ed avait une petite mine, elle l'invita à entrer. Une fois à l'intérieur, sans aucune hésitation, elle lâcha :

— Y'a trois semaines, un homme d'la police judiciaire qui puait l'alcool est passé à la maison, il te cherchait ! Il m'a annoncé la mort de Marianne et il semblait inquiet pour toi. T'sais, il avait peur que tu suicides. Je lui ai dit que j'n'avais aucune nouvelle de toi.

Elle regarda Ed droit dans les yeux et ajouta :

— Si t'as besoin de te confier, n'hésites pas mon p'tit gars, je suis là.

Edward bredouilla quelques mots puis il sanglota. Pour lui apporter un peu de tendresse, Gisèle passa la main dans ses cheveux et d'une voix apaisante, elle entonna :

— Je comprends ta douleur... Ça fait du bien de pleurer ! Allez pour te requinquer, j'te prépare un chocolat chaud comme tu les aimes.

— Merci !

En savourant sa boisson, Ed revoyait le masque sordide brûler dans les flammes. Cette pierre lui avait volé des êtres chers ainsi qu'une partie de sa vie, mais maintenant, il fallait songer à son avenir. Arrivera-t-il à se pardonner pour le meurtre de Marianne ? Peut-être que son chagrin s'estompera au fil du temps... Pas sûr ! Puis ses pensées basculèrent sur sa vie professionnelle. Il n'avait pas donné de nouvelles à son employeur depuis un bail, ça sentait le roussi et il avait sûrement perdu son job. Après tout, c'était une opportunité pour changer de région et tout recommencer. Oui ! Il fallait aller de l'avant ! Mais retrouvera-t-il du travail avec la crise ?

Ed arrêta gamberger, puis il discuta avec Gisèle. Leur conversation passait parfois du coq à l'âne, mais ils s'en amusaient et riaient aux éclats. Ils abordèrent de multiples sujets, chacun donnait son point de vue à l'autre et ça devenait intéressant. Ed ne regrettait pas d'être venu, ces instants de partages lui procuraient une joie immense ! Mais en regardant l'heure, il se rappela que toutes les bonnes choses avaient une fin. Il ne tardera pas à s'en aller.

***

Sur le chemin du retour, à proximité de la passerelle, Ed fut interpellé par un gamin qui gambadait à côté de son vélo :

— M'sieur ma chaîne a foutu l'camp ! Vous pouvez me la remettre.

Le jeune homme s'approcha, et déclara :

— Je vais essayer !

En un clin d'œil, il replaça la chaîne sur le plateau et entonna :

— Voilà tu peux repartir.

— Vous êtes gentil m'sieur !

Le petit gone tira de sa poche un petit sac en velours, et tout content, il annonça :

— Pour vous remercier, j'vous donne un de mes plus jolis fossiles.

Heureux d'avoir rendu service, Ed accepta le présent et regarda le gamin filer à toute vitesse. Puis curieux, il inspecta la jolie petite poche. À quoi ressemblait le fossile de ce gosse ? Brûlant d'impatience, il fit glisser le contenu du sachet dans sa paume. Il écarquilla les yeux et se figea en découvrant un caillou bien familier. Cette forme et cet aspect aucun doute possible, c'était bien la pierre qu'il venait de jeter dans la Saône ! Elle était revenue... Sous le coup de l'émotion son cœur s'emballa et anéantit, il rentra chez lui.

Arrivé dans son appartement, il se laissa choir sur le canapé comme une poupée de chiffon, puis il resta prostré durant un long moment. Hagard, Ed se dirigea vers un placard et il en tira des barres chocolatées. C'était sa marque préférée, ces barres étaient bonnes et savoureuses, un plaisir pour les papilles. Mais cette fois ci en bouche, il les trouva fades. Pourtant, elles n'avaient pas changé, il avait perdu le goût, le goût de vivre. Il ne pouvait pas rester ici, se morfondre et broyer du noir. Ce soir, il devait bouger, sortir avec des potes, se divertir ! Décidé, il se leva pour s'emparer de son téléphone, mais il tiqua en apercevant un message sur son bloc note. En se rapprochant Ed constata que ce n'était pas son écriture :

« Je suis comme toi, je peux t'aider à sortir de cet enfer.

À minuit, je serais au parc de la Tête d'or, à minuit cinq je ne serais plus là ! Tu sauras me trouver et me reconnaître.

Baptiste Raoul »

Ces quelques mots lui redonnèrent espoir, ce type mystérieux avait sûrement traversé les mêmes épreuves.

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