Un réveil difficile

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Entouré par la garrigue Edward dormait paisiblement. Un vent frais caressa son torse et il s'agita pour se réchauffer. Le jeune homme fut dérangé par des voix et des piétinements. Émergeant de son sommeil, il s'étira brièvement. Courbatures, et muscles endoloris, c'était ses premières sensations. Il grimaça et ouvrit doucement les yeux pour s'habituer à la luminosité ambiante. Dans l'incompréhension face à ce qui l'entourait, Edward s'interrogeait : que faisait-il ici ?

Après un effort de concentration, il se rappela du spectacle et de cette envie irrésistible de se téléporter. N'ayant pas pu lutter, il s'était abandonné. Tout s'expliquait ! Ses souffrances étaient logiques, son corps se remettait des convulsions. Ed voulait prendre la pierre dans sa poche, mais il était nu comme un ver. Il ne faisait pas chaud, et en regardant son bras, il constata qu'il avait la chair de poule.

Il avait vécu une situation similaire durant son enfance. Il s'était retrouvé nu dans les couloirs de son école. Honteux, il avait essayé de se cacher, sans succès... Il était tombé nez à nez sur ses copains de classe. Après avoir subit les moqueries de ses camarades, il s'était réveillé en sursaut comprenant que ce n'était qu'un cauchemar.

Mais aujourd'hui tout était réel ! Il avait la bistouquette à l'air et s'il avait le malheur de croiser un gamin, il serait considéré comme un pervers on l'arrêterait dans le meilleur des cas pour exhibition.

Où était-il ? La végétation était composée d'arbustes, de broussailles et de buissons. Le terrain semblait plutôt aride, en observant bien, Ed distingua de la lavande, du romarin, il devait être dans le sud de la France. Caché par des buis et des genévriers, il était à l'abri des regards indiscrets. Son seul espoir de retour, c'était la pierre, il devait la retrouver coûte que coûte. Les piétinements recommencèrent. Ed venait de comprendre, il était en contrebas d'un sentier fréquenté.

Tel un animal craintif, il progressa furtivement le long de la pente. Arrivé en haut, ses sens étaient en alerte. Il se redressa doucement et distingua un groupe de coureurs s'éloigner. Ed balaya le sentier du regard à la recherche de la pierre. Comment la retrouver parmi tant d'autres ? Ses yeux s'arrêtèrent sur un caillou. Cet aspect, cette forme, il l'avait retrouvée. Le jeune homme était sur le point de s'élancer pour récupérer son bien lorsqu'il fut coupé dans son élan par des exclamations d'enfants. Accroupi derrière un buisson, il épiait.

Deux gamins faisaient la course. Le premier s'arrêta pour se vanter :

— J'ai gagné.

L'autre rétorqua :

— Normal, tu es parti avant ! Tricheur !

— Même pas vrai ! C'est toi qui es jaloux.

La querelle de la victoire fut écourtée par l'arrivée d'un troisième bambin. Bien fatigué, il tirait la langue et son souffle était court.

Avec difficulté, il articula :

— Pff ! Je suis toujours le dernier !

Le deux premiers gamins répondirent affectueusement :

— Normal, tu es le plus petit !

L'aîné entonna :

— On continue ?

Le second riposta :

— Non, on doit attendre les parents !

À l'écart, assis sur le sentier, le cadet s'exclama :

— Hey, regardez ce que j'ai trouvé ! Une jolie pierre !

— Quentin, laisse ce caillou par terre.

— Non, je le garde !

Impuissant et le cœur serré Edward assistait à la scène. En oubliant la brise fraîche, il commençait à gamberger : « Bordel, ce n'est pas ce morveux qui va me la piquer ! ».

Perdu dans son imaginaire Ed essayait de trouver une solution pour récupérer son bien, mais il fut tiré de sa rêverie par l'arrivée des parents.

Quentin s'exclama :

— Regarde Papa j'ai trouvé une pierre !

Le père s'agenouilla et s'empara du caillou pour l'observer :

— Whaaou, elle est chouette !

Il rendit la pierre à son fils en déclarant :

— Tu pourras la rajouter dans ta collection.

Pour Ed, c'en était de trop. Nu et sans réfléchir, il s'élança. Avec frénésie, il bouscula plusieurs personnes avant de fondre sur l'enfant. Sauvagement, il lui arracha la pierre des mains et continua sa route en courant comme un dératé dans la garrigue. Tout c'était déroulé très vite. Choquée, la famille peinait à comprendre ce qu'il venait de se passer. Quentin pleurait à chaudes larmes, l'homme venait de lui piquer sa découverte.

Seul le père donnait de la voix :

— Espèce de sale pervers voleur ! Casse-toi vite ! Et si je te recroise, je t'étripe.

À grandes enjambées, Ed prenait la poudre d'escampette. Le sol aride lui blessait les pieds, mais malgré la douleur il continuait son effort pour ne plus entendre le père de famille en furie. Cette colère, il la comprenait, car il avait merdé, c'était certain. Qu'est-ce qui lui avait pris de faire ça ? Surgir nu face à des enfants, c'était malsain. Mais laisser la pierre entre leurs mains, c'était impossible ! Il ne voulait pas renoncer : « plus de pierre, plus de pouvoir » et cette dernière issue n'était pas envisageable.

À bout de souffle, il s'arrêta derrière un genévrier et rempli d'espoir, il serra la pierre au creux de sa main. Concentré, il faisait le vide dans son esprit, puis en fermant les yeux, il songea à une destination. Il imagina le lieu avec précision et il bascula dans le néant. En ouvrant ses paupières, il constata qu'il était arrivé dans son appartement. Rassuré, il fila dans sa chambre pour s'habiller en vitesse.

Éreinté par les événements Ed se laissa tomber sur son lit et songeur, il fixa le plafond. Apaisé, il profitait pleinement de cet instant, mais sa rêverie fut stoppée par la sonnerie d'un téléphone. Après l'avoir cherché quelques secondes, il se jeta sur son portable pour décrocher. C'était un appel du travail !?

— Allô !

— Ed, c'est Nico ! J'aimerais savoir pourquoi tu n'es pas venu travailler aujourd'hui. C'était le bordel pour nous !

Le jeune homme resta coi ! Il marmonna quelques mots :

— On est pas samedi ?

— Non Ed, c'est lundi aujourd'hui. Toi, t'as pris une cuite ?

— Non...

Le responsable de l'atelier ricana puis continua :

— Aaah, la jeunesse perdue ! Allez repose-toi bien ! On t'attend demain !

Hébété, Ed raccrocha et se frotta le front. Il nageait en plein délire. Il vérifia la date sur son téléphone, pas de mauvaise blague, c'était bien lundi. Le jeune homme versait doucement dans un tourbillon d'inquiétude et une vague de panique le submergea quand il découvrit les appels en absence de Marianne ! Sans le vouloir, il lui avait posé un lapin. Comment rattraper le coup ? C'était une nana géniale, compréhensive mais émotive et très rancunière. Même en trouvant les mots justes, il faudra ramer pour se faire pardonner.

Qu'avait-il fait de son week-end ? Aucun souvenir ! Il n'avait pas dormi deux jours et demi dans la garrigue ? En se téléportant, il s'était accommodé des décalages entre le départ et l'arrivée. Ça pouvait varier entre vingt secondes et plusieurs minutes. Mais là c'était démentiel, deux jours et demi d'absence !

Désabusé, il se laissa choir sur le canapé puis pour se changer les idées, il alluma la télé. Ne tombant que sur des spots publicitaires avilissants, il zappait de chaîne en chaîne, et las, il somnolait devant un feuilleton abrutissant. Saoulé par cette intrigue sans queue ni tête, il dégaina la télécommande pour trouver mieux. Après quelques essais infructueux, il tomba sur une chaîne d'information locale. Il écarquilla les yeux en découvrant les nouvelles :

Durant trois nuits, Place Louis Pradel, des sans-abris ont rendu un dernier hommage à leur magicien avec une œuvre éphémère.

Ed faisait face aux conséquences de sa disparition, et il se laissa happé par ce reportage. Toutes ses bougies qui formaient : « Sadjo Bel », c'était grandiose... En reconnaissant Victor, Sam, Aldo et Riton, il fut ému jusqu'aux larmes.

Maintenant nous retrouvons Didier Rayto notre envoyé spécial à Lyon.

Bonsoir ! À quelques mètres de là, le célèbre enquêteur Lameliche Gurval vient de faire plusieurs déclarations importantes. Suite aux meurtres de ce week-end, Michel, le suspect principal dans l'affaire de l'homme à la hache est libéré ! Il nous a également confié que Marianne la seule survivante du tueur sera placée sous protection rapprochée.

Ed se questionna ? Est-ce que Marianne était sa Marianne ?

Il attrapa son téléphone pour l'appeler, elle décrocha et il demanda :

— Est-ce que tu vas bien ?

— Tu m'as posé un lapin et j'ai failli me faire découper en morceaux... Et tu me demandes si je vais bien ? Non ça ne va pas et j'ai pas envie de te parler !

Avant qu'il puisse placer un seul mot, elle raccrocha.

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