Les négociations 7/

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Au fil du temps, le monde prit une teinte orangée, l'air devint plus froid. Des éclaireurs partirent s'assurer que l'abri désigné pour la nuit était bien accessible et disponible. De la fumée blanche s'éleva dans le crépuscule une heure plus tard, et c'est à la lueur des torches qu'ils rejoignirent les abris à demi enterrés.

Ombre aida à libérer les chevaux de leurs selles et de leurs brides avant de les mener à leur enclos, avant d'être convoquée par la famille comtale. Le choc thermique passé entre l'extérieur glacial et l'intérieur bien isolé par la neige et le bois la surprit.

Les nobles s'étaient retranchés dans la pièce centrale de l'abri, construit en pente légère et divisé en cinq salles dotées de poêles. Les hommes s'agluttinaient autour armés de bols de bouillon et de viande salée.

La dragonienne rejoignit les côtés de son seigneur avec joie, et savoura sa présence à sa juste valeur. Elle tendit sa pelisse à un serviteur qui la mit à sécher avec les autres, tandis qu'elle s'emparait du bol que Gérald lui avait réservé.

La famille discuta des termes du contrat marital, et elle se garda bien de leur partager les informations qu'elle détenait. Ils espéraient que certains points ne seraient pas remis en question, et tentaient de s'accorder sur les termes sur lesquels ils pouvaient se permettre de céder, pour mieux en imposer d'autres. L'écailleuse contint plusieurs baillements. Le sujet durerait aisément les deux semaines de trajet.

Ombre parvint à demander discrètement à Gérald si, exceptionnellement elle pouvait passer la nuit loin de lui. Il accepta, et n'insista pas pour connaître ses raisons. Sa servante contint ses ronronnements. Si aucune loi n'interdisait qu'elle émette ces sons animaux, cela n'en restait pas moins mal vu, aussi s'abstenait-elle quand des humains se trouvaient dans les environs.

Dès que les règles de savoir-vivre lui permirent de s'éclipser, elle prit son manteau de rechange et ressortit. Les deux gardes devant la porte lui montrèrent le poste d'Obtèr pour la nuit, et elle le rejoignit, un bol de bouillon fumant en mains et une gourde de vin chaud en bandoulière.

Son père veillait sur les chevaux, contre l'écurie où les animaux s'étaient rassemblés, bien protégés par trois murs épais et un toit en légère pente. Ils se partagèrent le bouillon, puis frissonnèrent un temps en silence.

  • Tu semblais soucieux ce matin, père.
  • Sssseh, tu sais, c'est... mon devoir de père. Tu es jeune, je dois veiller sur toi. Je veillerais toujours sur toi. Et tu sais, entre ta réputation...
  • Fausse.
  • Ouais... et ton changement sans raison connue...

Il se tut, et gagna du temps en sirotant son bouillon déjà froid. Encore quelque minutes et tout serait gelé. Quelque chose attira son attention plus loin dans la plaine, avant qu'il ne détaille sa fille. Elle lui sourit.

  • Donc pour toi, j'ai pas à m'inquiéter ?
  • Non.
  • Ça va te changer quoi ?
  • Peu de choses. Les étrangers ne peuvent plus m'acheter. C'est tout.
  • Sssseh, il leur aura fallu quatre ans pour comprendre que t'es invendable !

Leur conversation dériva, ils renouèrent avec le plaisir simple d'échanger sur des sujets légers. La fatigue eut raison d'Ombre bien avant le lever du soleil, le vin chaud n'était pas étranger à son abdication. Elle prit le temps de se sécher, avant de rejoindre les bras de son seigneur. Ce dernier sourit dans son sommeil dès qu'il la sentit contre lui.

Ils reprirent la route le lendemain à l'aube, et la lente procession reprit. Ils passèrent les nuits tantôt dans des abris creusés dans le sol, tantôt dans des auberges. Ombre parvint à esquiver les ordres de maître Xavier, et parvint à prolonger sa rétention d'informations.

Au bout de dix jours, le temps s'était adouci, des brins d'herbe dépassaient de la neige pour le plus grand plaisir des chevaux. La délégation atteignait la limite des terres de Xévastre. Un fortin faisait office de borne, de péage et de relais pour chevaux.

Les nobles pénétrèrent en grande pompe dans le village ceinturant le lieu-dit de Borne-Hiver, et rejoignirent l'entrepôt où leurs gens entretenaient leur carosse d'apparat. La procession s'offrit une journée de repos, où chacun prit le temps de se délasser avant la suite du voyage, plus douce.

Le carosse était une oeuvre d'art. Composé de sapin jaune et d'ébène, sublimé de métaux précieux et de pierres discrètes. Le blason de la famille se manifestait sur chaque porte, des fourrures de lynx sublimaient l'ensemble. Huit chevaux tiraient l'ensemble, alternant chevaux de Xévastre et, marque de richesse supplémentaire, mais aussi incarnations d'alliances séculaires, et fins chevaux isabelle de l'Ouest. Plusieurs attelages de rechange allaient partir avec eux, amenant plus de gens encore avec la foule déjà présente.

Ainsi, aux gardes et serviteurs s'ajoutaient palefreniers, maréchaux ferrants, en sus de quelques ouvriers toujours utiles en cas d'incident. Un défilé de denrées emboîta le pas du cortège. Les tenues s'allégèrent, au grand soulagement général.

Deux jours plus tard, la neige disparut, remplacée par la plaine verdoyante. Une débauche de senteurs sonna les dragoniens durant une bonne journée, débordés par la diversité des plantes environnantes.

Les voyageurs savouraient le bonheur du soleil en mesure de les réchauffer, si rare en leurs terres.

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