Les négociations 2/

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Au soir, plutôt que de pouvoir manger en tête à tête avec son Seigneur, ils furent conviés à rejoindre le reste de la famille pour le dîner. Les serviteurs laissèrent la totalité des plats et boissons prévus, avant d'être libérés de leurs obligations. Deux paires de gardes interdisaient les intrusions aux portes de la pièce, tandis que les nobles revenaient avec entrain sur sa blague.

Xavier en particulier semblait charmé.

  • Qui aurait pu croire que tu aies de l'esprit, Ombre ! Petite dissimulatrice !

Elle reçut une violente bourrade qui la fit avaler de travers. Assujettie aux règles de bienséance, elle fit le moins de bruit possible, tandis que les commentaires fusaient joyeusement. L'entrée terminée, Bastian récapitula :

  • Tout d'abord l'ordalie qui nous ouvre de nouvelles perspectives, maintenant toi... Quelle sera notre prochaine avancée ?
  • Le mariage entre notre maison et Vorn, décréta le Comte. Cette alliance sera méritée, depuis le temps.
  • À ce propos, intervint Dame Utiale.

Le silence se fit aussitôt, tandis que la voix enrouée de la noble s'efforçait de se rendre audible :

  • Veillez à vous montrer plus affectueux, fils, à l'égard de votre promise.
  • Je vous répète que je ne l'apprécie guère. Au contraire, je la honnis ! Cette monstresse me répugne, j'accepterais n'importe qui d'autre.
  • Nul ne possède sa fortune, elle vous apprécie et se languit de vous voir, fils. Donc vous l'épouserez. Cette femme est parvenue à éconduire tous ses prétendants, sans jamais chercher à vous chasser ; siffla Dame Utiale.

De nouveaux quolibets grivois s'entendirent. La Comtesse ne s'en offusquait plus depuis des années. Puis la conversation se dirigea vers les négociations à venir. Ombre préféra ne pas s'en mêler. Leur voyage à venir serait un échec de plus, et elle s'en réjouissait. Son seigneur disait vrai, la Demoiselle Isa, bien que sublime, était une horreur, une monstruosité. Son seigneur méritait mieux. Un mieux fort aisé à trouver.

La soirée passa lentement pour eux deux. À terme, ils furent les derniers à sortir de table après avoir subi une escalade de commentaires déplacés. Ombre préféra errer un moment dans les couloirs avant d'aller dormir.

Esquivant comme de coutume les patrouilles, la nouvelle servante partit flirter avec le danger en approchant des quartiers des serviteurs dragoniens, presque à l'autre bout du château. Dès les abords des quartiers, elle joua à contourner de loin les divers groupes occupés à bavarder pour la nuit, ses confrères pouvant se passer de deux nuits de sommeil sans éprouver de fatigue. Chose qu'elle n'avait jamais expérimenté, préférant explorer le passé.

Peu à peu, rester discrète gagna en complexité. Elle devait veiller à n'être ni vue, ni entendue, ni flairée. Les premiers groupes épars lui laissaient la possibilité de se faufiler dans les couloirs, hors de vue, son coeur battant dissimulé par le léger brouhaha des conversations, l'odeur couverte par celle de la nourriture amenée. Quelques salles vides achevaient de faciliter sa promenade. Au fur et à mesure que les chambres communes approchaient, les groupes se faisaient plus discrets, plus réduits, et débordaient dans les couloirs. Pourtant, la petite rousse parvint à tous les contourner. Une zone d'ombre, un éclat de voix, une giclée de sang suite à un désaccord lui ouvraient la voie.

Au-delà des chambres des serviteurs se présentait l'entrée d'une aile du château abandonnée, car impossible à chauffer convenablement. On pénétrait alors dans la montagne, nulle lueur n'y avait lui depuis des lustres. Nulle patrouille ne s'y risquait depuis des siècles, s'épargnant l'air vicié et inerte des lieux. Pourtant, Ombre s'y sentait bien.

Par là se trouvait le domaine où les dragoniens vivaient le plus librement au sein même du château. Ils laissaient la poussière et les effondrements occuper l'espace afin de décourager les curieux, et y manigançaient leurs propres bassesses politiques. La petite rousse espérait y entendre ses parents. Peut-être aurait-elle l'occasion d'ouïr directement l'avis de sa mère concernant sa libération ? Car cela ne pouvait la laisser indifférente. Et quand cela concernait ses proches, Ombre préférait s'informer dans le présent, bien éveillée, que dans le passé.

Après trente pas dans le noir complet, le nez pris par la lourdeur de l'air, Ombre tâtonna jusqu'à trouver le mur. Son pied trouva la pédale à actionner sans hésitation, et l'un des innombrables passages secrets des lieux s'ouvrit. L'odeur de ses parents y flottait. Le couloir s'ouvrit sans un bruit.

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