Les pères d'Ombre 2/

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Ceci prêt, elle descendit se récompenser d'une tartine. Les gardes en patrouille murmuraient gaiement, heureux du départ des étrangers et de leur défaite. L'estomac remplit, Ombre traversa le château jusqu'au bureau de maître Xavier, après avoir subi une nouvelle fouille.

Au retour, un garde humain la prit en filature. Bien consciente qu'il ne s'agissait pas d'un jeu, l'espionne ne put s'empêcher de s'amuser à égarer l'homme. Elle enchaîna les détours, suivit un tracé illogique en esquivant toujours les patrouilles, s'isola dans des pièces dénuées d'éclairage, se fiant à sa mémoire pour connaître l'emplacement des meubles et des portes. En vingt minutes à peine, son suiveur l'avait perdue. Bien que connaissant les lieux lui aussi, il ne pouvait se souvenir comme elle des portes et lattes de plancher grinçants, de la taille exacte des tapis ou du parcours et des horaires des patrouilles, quand nul voyageur ne dormait entre ces murs. Il perdit beaucoup de temps à tâtonner en quête de poignées, et à guetter ses collègues.

Satisfaite de sa supériorité, la petite rousse éprouva l'envie de lire sur l'épais tapis de la bibliothèque. Assurément, celle du château rassemblait l'une des plus vastes collections de livres anciens, d'avant le culte des Ancêtres. Et déjà, deux entités en lien avec cette religion appartenaient aux classiques. La biche aux sabots de feu, grands guides amenant quelques élus sur des lieux où leur légende débutait, et les ours parlants, dangereux messagers d'un autre monde.

Une fois devant les lourdes portes de sa pièce nocturne favorite, Ombre tendit l'oreille. Nul couple en pleine action en ces lieux doux et moelleux pour cette nuit. Parfait. La bibliothèque occupait un large espace au sommet du corps principal du château de Gué-des-Âtres, éclairé par les puits de soleil assez élaborés pour capter aussi la lumière de la Lune et des étoiles. Elle ouvrit la porte, et se dirigea aussitôt vers le premier livre lu seule. Des contes poétiques vieux de neuf siècles, en rimes épiques.

Plongée dans ces pages rassurantes, dont elle connaissait l'origine de chaque pliure, l'histoire de chaque écrivain, son esprit divagua. Elle prit conscience d'un malaise insidieux qui la rongeait, depuis qu'elle savait que sous deux jours, elle partirait pour Vorn. Son besoin de fuite s'associa à ses divers souvenirs des châteaux ducaux, et à quelques espérances malgré tout.

Car à Vorn résidait son troisième père. Soif. Plus le temps passait, plus elle se rendait compte qu'il lui permettait de comprendre... tant de choses. Rarement de manière nette et précise, mais il lui donnait les moyens de saisir bien des subtilités.

Balloté entre la crainte de retourner à Vorn et le plaisir de le revoir, le passé et le futur proche, son esprit se replongea à l'époque où il l'avait prise sous son aile. Après avoir été vendue.

Elle se souvenait de ce soir, durant sa douzième année d'existence, où un serviteur lui avait transmi l'ordre d'aller à l'un des nombreux petits salons du château. Des deux hommes qui lui avaient tourné autour, l'observant sous toutes les coutures sans qu'elle ne saisisse leurs intentions, lui avaient vérifié les crocs et les gencives, en quête d'une imperfection. De la mine sombre du Comte Thomas et de la Comtesse Utiale, de leur chambellan derrière l'écritoire de la pièce, la plume en suspend. Puis après une inspection pour le moins intrusive, son attente en sous-vêtements dans ce château froid, en plein hiver tandis que les deux inconnus à l'accent du comté échangeaient entre eux, lui lançant de nombreux regards de rapaces. Et enfin, la sentence.

  • Nous la prenons.

À l'époque elle n'avait pas compris. Qui étaient ces étrangers, pourquoi la mandait-on pour l'observer sous toutes les coutures, pourquoi cet air sinistre pour les parents de son seigneur...

Le premier, de taille moyenne et musculeux l'avait rhabillée, puis le second, plus petit et replet lui avait mis un collier de fer, des menottes aux poignets puis une laisse, et l'avait emmenée après avoir signé l'acte d'achat. Le premier la posa sur Astuce, et les trois partirent sans piper mot, dans la nuit glaciale.

Silencieuse jusqu'au bivouac, confuse, Ombre demanda enfin :

  • Pourquoi suis-je avec vous ?
  • Tes nouveaux propriétaires, c'est nous.
  • On va au marché d'Uval. T'as une grande valeur.

Ombre se souvenait avoir seulement frémi sur le moment. Le plus grand marché aux esclaves du royaume, où tout se vendait aux enchères. Oui, avec son âge, son éducation, son sexe et sa nature silencieuse... Sans compter son incapacité à sortir les griffes ou même à cracher du feu. Tout ceci la rendait pour ainsi dire hors de prix. Le sentiment de trahison et de déchirement à l'idée d'être ainsi éloignée de son seigneur la paralysèrent trois jours. Au moins put-elle compter sur sa jument. Sa loyale et fidèle Astuce prit soin d'égayer ses journées, de la rejoindre la nuit pour dormir ensemble, sans que les deux humains n'y voient d'inconvénient. La belle pie bai fouillait dans les poches, partait avec son larcin la queue en panache, avant de faire mine de le rendre pour au final le lâcher dans des buissons ou des creux. Ses frasques permirent à Ombre de garder sa couverture d'imbécile silencieuse, au lieu de se replier sur elle-même et de céder au désespoir. Et au septième soir, profitant de leur confiance en sa stupidité, elle déroba les clefs de ses fers et s'évada.

Par manque de chance, la cavalière et sa monture s'égarèrent, et finirent piégées dans une plaine striée de crevasses rendant toute progression atrocement lente. Profitant du chemin déneigé par la petite jument, les deux hommes purent capturer Ombre, et ils ne relâchèrent plus leur vigilance.

Au fil des semaines, le climat s'adoucit, la neige éternelle céda la place aux toundras, puis à des terres toujours plus verdoyantes. En trois mois, ils atteignirent la ville tentaculaire d'Uval et sa puanteur désespérée. Là-bas, Ombre découvrit l'odeur de la misère, de l'animalité humaine et de la terreur. Celles qui prenaient aux tripes et empêchaient de vivre.

À l'époque elle savait trois choses. Elle désirait retourner auprès de son seigneur, son véritable propriétaire, ne jamais retourner à Uval, et le vol d'esclave était sévèrement puni. Sans acte d'achat, le premier humain venu pourrait devenir un allié aisé à quitter. Après tout, pourquoi une jeune fille quitterait son bienfaiteur ?

Aussi, dès la première nuit en ville Ombre explora le passé, en quête d'un humain à appeler à l'aide. Celui-ci trouvé, elle profita du sommeil de ses acquéreurs pour brûler l'acte d'achat, avant de le convaincre en peu de mots de la rappatrier à Gue-des-Âtres, contre récompense.

Fausser compagnie à cet homme, puis passer ses nuits à l'observer la poursuivre pour savoir quelles traces effacer lui apprit beaucoup, tandis qu'elle traversait les deux tiers du continent du sud au nord pour rentrer chez elle.

Vint un moment où elle dut faire un choix. Contourner le château où résidait la Demoiselle Isa en cette période de l'année, ou effectuer des semaines de détours. Les difficultés à se nourrir, boire et conserver un semblant d'hygiène l'emportèrent.

Sa décision prise, Ombre relâcha sa jument, lui faisant confiance pour retrouver l'écurie, et profita de l'heure entre chien et loup pour traverser la plaine la séparant du château. L'immense construction de pierres claires l'impressionnait depuis toujours. Les drapeaux et fanions aux couleurs du duché, or et gris, étincelaient et clamaient la richesse de Vorn. La hauteur vertigineuse des murs encadraient un jardin intérieur dont quelques arbres rares dépassaient à peine.

La dragonienne se glissa jusqu'à la pente descendante des douves, et repéra aussitôt la porte dérobée de l'autre côté. La petite prit son élan, et bondit assez loin pour se prendre le mur dans le nez. Elle ne connaissait pas ses capacités, à force de se restreindre en vivant parmi les humains, et savourait ces surprises.

Tout en se frottant le nez, elle leva le regard vers les machicoulis haut au-dessus d'elle, impressionnée. Les pierres même du château la dépassaient en hauteur. Les murs étaient épais comme quatre chevaux côte à côte, offrant une défense aussi bien contre les catapultes que d'éventuels dragoniens sous leur forme reptilienne.

La trappe en bois couverte de terre s'avéra bien plus lourde que ce à quoi s'attendait Ombre. Une fois dans le noir, elle se guida aux souvenirs de la création de ce passage secret. Une première pente raide où glisser amenait à s'empaler plus bas, rendue dangereuse par l'humidité inévitable des souterrains cernés de pierre et de boue. Sans même s'aider des murs, l'esclave prit divers tournants, enjamba quelques chausses-trappes avant de s'emparer d'une main sûre du premier échelon devant la ramener à la lumière du jour. Ou plutôt de la nuit.

Une fois une dalle encroûtée de lierre soulevée, l'odeur du charnier à ciel ouvert manqua de la faire choir vingt mètres plus bas. En apnée pour finir de s'extirper, Ombre replaça le carré de marbre fin à sa place, puis se retourna, nauséeuse.

Devant elle, le charnier où finissaient les esclaves de Vorn. Tous de moins de quatre siècles, jeunes, brisés, démembrés, rongés par les vers, les rats, les oiseaux nécrophages et les fossoyeurs. Autour de ce cauchemar bien réel et bourdonnant s'imposait la vue d'un jardin d'une magnificience rare. Encore autour surgissaient les bâtiments de marbres de la famille de Vorn, dépourvus de propriétés défensives. Tout était purement esthétique, sublime et coûteux. Dans ces chefs d'oeuvres pourrissaient les siens, réifiés depuis des millénaires par les vorniens.

Et à l'opposé du monticule de cadavres, de l'autre côté de la fosse, urinait Soif. Ayant entendu un bruit inattendu, il s'était interrompu et rhabillé. Ombre soupira de soulagement en le voyant. Elle se souvenait juste, il allait toujours faire ses besoins devant la fosse à cadavres à la même heure.

Surpris de la voir, il la laissa venir lui enlacer la jambe. Elle lui arrivait tout juste à mi-cuisse.

Comme un père, il s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur, et la flaira avec attention. Ombre réprima un ronronnement. Comme la première fois qu'ils s'étaient rencontrés, elle savoura le souffle chaud du dragonien dans son cou, la main posée avec douceur sur sa tête puis glissant jusqu'à son ventre. Le grognement appréciateur tandis qu'il la détaillait avec attention.

Enfin, il fixa ses lèvres, puis lui demanda de sa voix profonde :

  • Soif ?
  • Oui, croassa la petite.

Il attrapa le verre à pied toujours à sa ceinture ou dans sa main, et le lui tendit. À peine s'en saisit-elle, que de l'eau y apparut. Soif était un mage très puissant, dont l'unique raison d'exister en ce château consistait à servir de l'eau.

Ombre but tout son saoul, le verre se remplissant avec constance. Passées plusieurs minutes, Soif se lassa et se leva, avant de récupérer son verre. La petite sur les talons, il réintégra son domaine souterrain, là où vivaient les esclaves de Vorn. Ils se glissèrent dans les passages savamment agencés entre deux tours, qui les amenèrent à ramper pour atteindre les quartiers des esclaves. Après moults détours, ils débouchèrent enfin sur la salle centrale des souterrains. La grande cour à l'air poisseux contenait sans peine les quelques trois cents esclaves dragoniens, et leur laissait l'espace nécessaire à former divers petits groupes. D'un côté, un large escalier montant amenait les asservis à leur poste. En face, une sorte d'estrade improvisée sur des gravats soudés par la mousse et le calcaire soutenait un trône d'os. Ceux qui ne respectaient pas l'autorité intemporelle de Soif.

Ce dernier y prit place, et contempla les murs couverts de symboles dessinés à la craie qui permettait aux siens de communiquer. La présence d'Ombre à sa droite attira tous les regards, ce qui n'indisposait pas le grand dominant. Sans se retourner, il se tordit le bras et le passa à travers les os de son trône, pour en sortir un lambeau de chair qu'il mâchonna, pensif.

Tandis que son père de Vorn se tenait au courant des derniers évènements, Ombre tenta une fois de plus de comprendre les us et coutumes de ces frères dénués de parole. Les adultes n'échangeaient que par gestes, mimiques et dessins vite effacés, tandis que les plus jeunes se pourchassaient en bandes, luttant parfois jusqu'à la mort. Les blessés, les estropiés longeaient les murs, et se joignaient aux curées prendre leur part de chair... ou perdre de la leur.

Cette nuit-là, nul ne mourut. Plusieurs dragoniennes tentèrent d'accaparer l'attention du siégant, plus concentré sur les jeux des petits, englobant dans des boules d'eau les plus belliqueux pour les éloigner de leurs proies.

Tour à tour, deux groupes de jeunes vinrent la défier, sans oser trop s'approcher de Soif. Elle leur accorda à peine un regard hautain et daigna retrousser les babines, sans un bruit. Les jeunes se lassèrent, et filèrent attaquer un petit d'une dizaine d'année à la marche encore incertaine. Une proie facile.

Le second groupe était adolescent, les douze devaient environner le premier siècle. Eux tentèrent de l'attirer, de faire oublier leur soif de sang dans des invitations de jeux. Quand le plus fol de tous posa le pied sur l'estrade de Soif, un violent geyser le fracassa dans les escaliers en face, ce qui disperça enfin la bande.

Une heure plus tard, Ombre suivit son père de Vorn jusqu'à la chambre de ce dernier, et ils partagèrent la couche. Elle se souvenait avoir eu faim, et ne pas oser s'en plaindre. Soif ne tolérait pas les interruptions dans son sommeil, et son pouvoir lui permettait aussi bien de noyer que de broyer des corps par la seule force de la volonté.

La dragonienne demeura dix jours dans ces souterrains, à passer ses journées dans la chambre de Soif, seule, terrorisée par les jeunes dragoniens désireux de la défier de l'autre côté de la porte. Sans griffes, elle doutait de ses chances de survie. De même, elle connaissait l'importante différence de réflexes et de force entre elle, issue de Gué-des-Âtres et eux. Elle refusait de courir le risque de perdre des lambeaux de chair avant de retourner voir son seigneur.

Les nuits virent rapidement des habitudes s'installer. Soif la libérait du besoin de défi des jeunes de Vorn par sa seule arrivée, lui permettait de boire avant de régurgiter plus de nourriture qu'elle n'en aurait trouvé seule. Les gardes de Vorn ne suivaient pas de rondes régulières, les risques de finir à la merci des gardes, humains comme dragoniens comportaient bien trop de risques qu'elle ne souhaitait pas prendre. Ceux-là détenaient le droit d'incarcérer, torturer et tuer les intrus, sans nécessairement en entretenir leurs supérieurs.

Un groupe de gardes opéra d'ailleurs une descente sur le territoire souterrain de Soif au septième soir. Les envahisseurs écailleux, armurés en intégralité, étaient descendus par les escaliers centraux, en formation. Les protégés de Soif s'étaient aussitôt massés au pied de son trône, avant de lui former une sorte de haie d'honneur. Ce dernier s'était levé, aux aguets, et était venu au-devant de la barrière de hallebardes et d'épées devant lui.

L'un des gardes au centre de la première ligne rengaina son arme, et ils échangèrent des gestes vifs, accompagnés de grognements, de sifflements et bien vite il s'accroupirent détailler leurs dires de traits de craies rageurs au sol.

Au bout de quelques minutes de cet échange curieux pour Ombre, l'un des gardes abattit sa hallebarde sur Soif. Sans s'émouvoir, le mage tendit la main vers l'insubordonné, de l'eau encercla ce dernier et le broya, pour n'en laisser qu'un amas de chairs, d'os et de métaux de qualité. Cela n'émut personne.

Au cours de ces négociations, quelques jeunes profitèrent de l'évènement pour la défier. Profitant d'un crissement de craie ignoble, un petit d'un demi-siècle, de l'apparence d'un enfant de cinq ans doté d'écailles, de griffes, de crocs et d'un regard de prédateur aguerri bondit sur la petite rousse. Aucun adulte ne réagit à cette strangulation, pendant qu'Ombre défendait sa vie comme elle le pouvait, feulant, piaulant, tandis qu'elle tentait de mordre au visage ou aux mains son agresseur, qu'elle désespérait de parvenir à lui cracher sa bile dans les yeux. Contrairement à lui, à tous ceux de Vorn, elle ne savait pas faire. Et la peur de mourir ne l'aida pas.

Sa meilleure défense consista en de vifs coups de poing guidés par le hasard. Comme les siens, l'étranglement prenait du temps à l'affaiblir. Sentir un liquide poisseux jaillir de son cou ne fit que renforcer ses coups, jusqu'à parvenir à dégager son assaillant. La suite ne fut qu'un chaos de griffes, de coups, de crachats et d'assaillants multiples.

Soif et les gardes la sauvèrent. De l'eau chassa les plus agressifs, et les gardes se saisirent des petits entre vingt et trente ans pour les emmener à la surface. Des parents voulurent s'interposer, tandis qu'Ombre se sentait partir dans l'inconscience. La mort assurée en ces lieux. Pourtant, elle se réveilla dans la chambre de Soif. Tout le temps de son évanouissement, Ombre avait pu suivre les évènements, en s'efforçant de réintégrer son corps en plusieurs occasions, toujours refoulée au passé proche.

Du côté des gardes, elle avait éprouvé leur besoin viscéral, brutal d'obéir à un ordre. Amener les enfants à des éducateurs, pour en faire de parfaits esclaves, selon des méthodes qui fonctionnaient sur tous depuis des siècles. Leurs pensées, déformées par l'absence de langage parlé l'empêchaient de les comprendre. Tout ce qu'ils vivaient était brut, violent et impérieux. Il en allait de même pour toute la population dragonienne locale. Soif lui, avait voulu qu'ils en laissent un ou deux leur échapper, puis préféré couper court pour la sauver. Lui aussi expérimentait sur les enfants. Mais pour cela, il avait besoin de les garder sous sa coupe sans interruption. Et Ombre passait avant son désir de trouver d'autres voies pour les siens.

Elle ne comprenait pas quelles attentes il nourrissait la concernant. Oh, elle savait qu'il avait des projets pour elle, nécessitant sa bonne santé. Mais leurs pensées différaient trop pour qu'elle saisisse la moindre subtilité. Là aussi, tout était brut, changeant, et à cela s'ajoutait l'âge de Soif, dont l'ancienneté rendait la pensée extrêmement rapide, bien trop pour la petite curieuse.

Une fois réveillée, elle avait attendu le retour de son protecteur, qui prit le temps de la flairer, de la palper avant de prendre une pause, et d'attendre.

Dans le doute, Ombre l'imita. Avec autorité, il améliora son positionnement, avant de lui montrer quelques coups, qu'elle répéta sur le ventre du dragonien sur l'insistance de ce dernier. Elle sentit qu'il était temps pour elle de partir. Il lui fallait des vivres, quelque chose pour contenir de l'eau, éventuellement une monture. Quelque chose dans le regard de son troisième père, celui qui la protégeait le mieux, un vague sentiment de déception lui donnait l'impulsion de fuir. Cet enseignement sur la manière de se battre lui servirait, mais... son instinct lui soufflait qu'attendre risquait de la retenir trop longtemps.

Suivant son instinct, elle continua de suivre Soif, en particulier durant les rondes nocturnes de ce dernier, pour se fournir en biens utiles. Puis à la dixième nuit, Ombre repartit par le passage secret à l'heure où Soif veillait sur les siens. Elle trouva un cheval dans une ferme deux jours plus tard, ainsi que de quoi écrire, et rejoignit son domaine sans être inquiétée.

Les champs dorés et lavande de Vorn laissèrent place aux bois et aux champs d'autres seigneuries, toujours plus au nord, jusqu'à enfin retrouver sa neige natale. Là, elle put rejoindre Gué-des-Âtres avec bonheur.

L'apprentie cuisinière hurla en trouvant la petite rousse enroulée dans le tapis devant l'âtre de la grande salle du château. Ainsi réveillée, puant la sueur, le manque de bains depuis quelques jours et le cheval, elle attendit que ses vendeurs et son véritable propriétaire arrivent. D'autant plus qu'elle signifia clairement son intention de rester dans cette pièce jusqu'à ce que ces trois personnes arrivent.

La réunion obtenue, Ombre se tint très droite devant eux. Elle bâilla en les regardant droit dans les yeux, et brandit une copie de son acte d'achat. Une fois sûre que tous reconnaissaient le document, imité plusieurs jours plus tôt, elle le brûla et demanda :

  • J'ai prouvé ma loyauté. Puis-je rester auprès de mon vrai seigneur et maître ?

Dans un silence de plomb, le Comte Thomas consulta sa femme du regard. Cette dernière, bouche bée, déglutit et se tourna vers son fils. Ce dernier bondit dans les bras de sa dragonienne, et jamais plus on ne tenta de les séparer.

Depuis, elle se servait encore des gestes qu'avait voulu lui inculquer Soif. Et elle savait quelle raison avait amené à sa vente. La réputation naissante de zoophilie de son seigneur avait débuté avec son adolescence. Et bien sûr, elle, simple d'esprit vivant nuit et jour avec lui, ne pouvait que céder volontier aux passions de l'adolescent pataud.

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