Rencontre nocturne 2/

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Guère en état de se débattre, la dragonienne se laissa traîner quelques minutes, le temps de rassembler ses forces. Le mage la portait sur son épaule, laissant ses bras pendre et se balancer librement. Une dague à portée.

Dès qu’elle se sentit prête, Ombre profita du mouvement de balancier pour s’emparer de l’arme, et ouvrit d’un geste le flanc de l’espion. Surpris par le froid de l’acier dans sa chair, il bondit pour se retourner. Son fardeau, d’une torsion, le déséquilibra, et profita de sa faiblesse pour se défaire de son emprise.

Désireuse de rester stable pour la suite, la dragonienne lança un uppercut au mage. Ce dernier parvint à lui saisir le poignet. Il inspira un grand coup. L’odeur du sang lui monta à la tête. Il montra les crocs. De sa main libre, Ombre lui perfora l’épaule et tourna l’arme dans la plaie. Pas encore affaibli, l’écailleux se servit de nouveau de ses pouvoirs.

Ombre ne sentit plus le froid de la pierre sous ses pieds. Désormais maître de ses déplacements, le mage la projeta de nouveau contre un mur. Cette fois préparée, sa comparse parvint à atténuer le choc, et simula tout de même un malaise. Le prédateur face à elle se contorsionna pour lécher la profonde blessure à son épaule, avide. Il ne savait pas réfréner ses instincts comme elle. Et nulle patrouille ne semblait approcher. La garde rapprochée sut comment se débarrasser de cette engeance.

Jouant sur l’instinct de prédation de son confrère, elle courut. Plus petite, plus faible, entourée de la flaveur du sang frais, le dragonien ne put résister. Il atteignit une belle vitesse en se pourléchant les babines, et la suivit à travers le château, ralentissant parfois pour s’essayer à la magie, et certainement échouer, car plus une seule fois la dragonienne ne quitta le sol contre sa volonté.

Cette fuite les amena jusqu’aux souterrains de Soif. À cette heure, ils ne croisèrent la route d’aucun esclave. Parvenue au bas des escaliers, Ombre attendit son poursuivant, le fit trébucher et lui fracassa plusieurs fois le crâne contre les murs, les marches et le sol. Il voulait savoir ce qu’elle avait vécu aux mains de la duchesse. Fort bien.

Certaine qu’il ne soit plus en état de la surprendre pendant qu’elle l’emmènerait où elle le souhaitait, Ombre le traîna le long des corridors humides. Elle trouva sans peine la porte dérobée, et s’invita dans les lieux réservés à la duchesse.

Deux nouveaux esclaves, toujours nus, attendaient, et furent très surpris de ne pas voir leur maîtresse. Ils suivirent Ombre sans un mot, perplexes. Elle ne leur adressa pas la parole, et suivit volontairement le même chemin qu’une décennie plus tôt, dans un état second.

À son tour, elle referma des fers sur des poignets. À son tour, elle fit dévêtir sa proie. Et cette fois, lui fit lancer un seau d’eau glaciale. Le froid s’imposait au corps de l’espion, qui rugit de surprise et de douleur.

- Silence, demanda Ombre de sa voix atone.

Les deux esclaves hésitèrent. Un simple regard mauvais suffit à convaincre l’un d’entre eux de bâillonner de sa main le mage. La dragonienne pencha la tête, mal à l’aise. L’espion possédait deux morceaux de plus que les esclaves, la situation et toute cette nudité lui parasitaient l’esprit. Elle parvint à poursuivre malgré le surréalisme du moment.

- Pour qui travailles-tu ?

- C’est toi qui doit répondre à mes questions, nous sommes du même bord ! râla l’inconnu de sa voix étrange.

- Nos rôles viennent de s’inverser. Pour qui travailles-tu ?

Il refusa de répondre, se contentant de garder le silence. Bien qu’elle eût préféré, Ombre ne pouvait se permettre d’attendre qu’il s’impatiente. D’un simple regard, elle fit comprendre au second esclave qu’elle souhaitait qu’il sale le flanc du concurrent. Ce dernier gémit, tressauta, et le tout reçut quelques minutes plus tard un seau d’eau glaciale. Transi, il demanda :

- Comment sais-tu te faire obéir d’eux ?

Ainsi, il connaissait l’existence de ces châtrés. Grelottant, il ne put soutenir le regard froid de sa consœur.

- À ton avis ?

Tremblant, il répondit :

- Tu es passée entre leurs mains, n’est-ce pas ?

Elle se contenta de croiser les bras. Il poursuivit avec gravité.

- Tu lui appartiens.

Ombre se hérissa. S’agissait-il d’un fanatique ? La Demoiselle… la duchesse Isa avait-elle demandé à certains mages de se faire passer pour des personnes visant sa propre destitution ?

- Tu portes son nom, gravé dans ta chair. Tu lui appartiens. Pourquoi crains-tu de lui appartenir ?

La peur rattrapait Ombre. Les souvenirs revenaient. Elle sentit une lame lui entailler la chair. Sa mémoire seule la trahissait-elle, ou le mage agissait-il sur son esprit ? On gravait ses os…

Qui était enchaîné ?

Ce ne pouvait être elle.

Pas cette fois.

Non, cette fois elle était venue de son plein gré, se débarrasser d’un dangereux mage. À la lisière de son esprit dansaient ses craintes et ses hantises. L’angoisse apaisée, Ombre put reprendre son interrogatoire.

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