Retour à Vorn 5/7

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Elle sourit timidement aux cinq mercenaires, qui interrompirent leur partie de poker. Celui aux cheveux teints venait tout juste de s’installer comme spectateur, et l’observait de biais. Il chuchota à ses compères sans la quitter des yeux :

- C’est elle.

- Je croyais que les dragoniens n’avaient pas le droit de porter d’armes, grogna un second mercenaire.

- Je suis garde personnelle, annonça Ombre d’une petite voix intimidée.

Elle rentra la tête dans les épaules.

- Je me suis trompée de chemin.

Les cinq hommes plissaient les yeux. Le plus massif des joueurs échangea un hochement de tête entendu avec un grand maigre, et les deux lui sourirent. La dragonienne soupira intérieurement. Encore ? Ces lieux devaient être maudits.

- Nous aimerions t’apprendre un jeu, annonça le troisième mercenaire.

Avec la même annonce. Les Ancêtres des lieux devaient la haïr. Elle répéta naïvement :

- Un jeu ?

- Oui, un jeu. Viens, on va te montrer ça au jardin.

L’épouvantail déplia sa carcasse, et demanda à son compère :

- Pourquoi là-bas ?

- Non seulement c’est calme, mais en plus personne n'y passe.

Ils s’échangèrent le même sourire concupiscent. Ombre simula une parfaite curiosité, tandis qu’elle les suivait jusqu’au jardin au fond du quel se trouvait le charnier. Les nombreuses plantes odorantes allaient dissimuler les humains au flair des potentiels enquêteurs dragoniens, et les lieux atténuaient les sons. Parfait. Elle allait montrer à ces pourceaux ce qu’il en coûtait de profiter des faiblesses d’autrui.

Ils lui rappelaient un palefrenier du duché qu’elle avait châtré. Le même regard, la même intonation, la même dénomination pour désigner leur perversité. À croire que tous les porcs se donnaient le mot. Ombre exécrait ces personnes.

Elle les suivit sans mot dire jusqu’à l’arrière d’une haie d’arbustes, parfaitement isolé et atténuant les sons à souhait. Ombre s’extasia sincèrement sur la beauté des lieux. Leur quiétude. Personne ne s’était aventuré dans les lieux depuis un moment. Assez pour qu’elle ne flaire aucune odeur humaine ou dragonienne. Même les animaux ne s’aventuraient pas en cet endroit maudit.

Le mercenaire le plus musculeux l’incita à s’approcher du mur de pierre, et s’appuya contre la roche, très près d’elle. La dragonienne lui dédia un simple battement de cils curieux, avec de faire face au second, qui la déshabillait du regard. Il s’humecta les lèvres, les deux hommes se préparaient à user de la force. Une fulgurance pétrifia Ombre. De nouveau isolée, proche de la pierre, entourée de deux mâles malintentionnés et au service d'Isa. Elle caressa le pommeau de son épée. Cette fois, elle dominait la situation. Le contact avec l'objet chassa toute crainte, et les réminscences si handicapantes s'évanouirent. De plus, cette fois, aucune entrave ne la retenait. L’épouvantail annonça :

- Tu vas voir, ce jeu va beaucoup te plaire… et il est très simple : laisse-toi faire. Rappelle-toi que tu n’as pas le droit de nous frapper.

- Pourquoi je vous frapperais ? s’enquit Ombre avec innocence.

- Tu pourrais avoir peur, c’est un jeu très spécial. Tu dois juste être une gentille fille…

Ombre le soupçonna d’attendre simplement de ne plus avoir une demi-molle, et le laissa se mettre à portée. Elle l’accueillit d’un coup de talon dans le cartilage thyroïde. Restant allongé, surpris et suffoquant, il porta les mains à la gorge. Sans perdre un instant, la dragonienne replia sa jambe en arrière, prête à se retourner pour accueillir dignement la gorge du second mercenaire. Sa virilité écrasée, il se pliait en deux, vert de douleur, prêt à rendre son dernier repas quand elle le frappa du tranchant de la main au même endroit que son compère.

Ombre bondit à pieds joints sur le thorax du musclé, lui vidant les poumons de tout air. Dans le même mouvement, elle s’accroupit, et lui frappa le menton, jusqu’à ce qu’il ne réagisse plus.

En un clin d’œil, elle soulevait déjà sa deuxième victime par le col, alors qu’il retrouvait à peine son souffle. L’homme porta la main à l’une de ses dagues. Il n’eut pas le temps d’agir plus. Avec une coordination parfaite, Ombre le frappa au diaphragme, puis le cueillit au menton.

Les deux étaient sonnés pour un bon quart-d’heure. Par mesure de précaution, l’un après l’autre elle les saisit par la main. Les positionna dans son dos. Puis leur fit réaliser un cercle complet au niveau de l’épaule, désaxant l’humérus dans le mouvement. En plus de leur déboîter les épaules, elle leur sectionna les tendons calcanéens. Pour finir, elle déchira leur chemise et les bâillonna.

Leur retourner les genoux la tenta. Mais elle ne devait pas perdre de temps. Il lui fallait désormais trouver l’un des deux gardes de Xavier, afin qu’ils agissent au mieux. D’ici peu, deux mercenaires allaient périr. Et peut-être les gens de Xévastre en sauraient-ils plus sur les planifications d’Isa.

Elle dissimula les futurs cadavres, et se permit un sourire satisfait tant que nul ne risquait de la surprendre. La garde put se laver les mains dans la fontaine du jardin, les débarrassant des quelques taches de sang survenues lorsqu’elle avait sectionné les tendons. Curieuse, elle goûta le liquide vital. Délicieux. Dommage que cela lui soit interdit.

Un cœur battait derrière l’entrée des jardins. Un troisième mercenaire l’attendait, et sursauta lorsqu’il la vit apparaître.

- Où sont ceux qui t’ont amenée ici ? siffla-t-il.

- Au fond du jardin, lui répondit Ombre avec sa véritable voix.

Celle réservée à ses seigneurs. L’humain entendit la nette différence, et voulut hurler. Le temps qu’il prenne une inspiration, l’écailleuse le menaçait déjà d’un poignard.

- Tu vas venir au jardin ; ordonna Ombre.

Il réfléchit à une parade, l’air horrifié. Son cœur trahissait sa peur, de même que son odeur. La dragonienne trouva que le goût du sang sur sa langue sublimait l’instant.

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