Pas si seule 6/6

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Comme il en prenait l'habitude, Obtèr prit le temps de la rassurer. Mortifiée par sa faiblesse, Ombre se laissa bercée, la tête cachée contre le torse du garde. Ils attendirent que l'émotion passe, avant de reprendre leur activité.

À terme, ils sentirent tout de même passer les derniers jours des quatre semaines. Ils trouvaient peu à se dire, peu à s'échanger. Comme Obtèr s'y attendait, d'autres crises jetèrent Ombre au sol, ses cauchemars éveillés se rapprochaient. Pas un seul n'eut lieu de nuit, l'adolescente sentait bien que cette étrangeté travaillait son père, mais un mauvais pressentiment la retenait de tout lui révéler.

C'est avec soulagement qu'ils observèrent les préparatifs de départ, depuis leur fenêtre avec toujours l'interdiction de sortir de leur pièce. Le soir du départ, c'est avec naturel qu'ils sortirent et prirent de concert une première bouffée d'air au pied de la tour, une seconde quand on leur retira leurs colliers humiliants, une dernière une fois sortis du château.

À la chaîne, les dragoniens de Xévastre s'étiraient et se craquaient le cou avec soulagement au moment du retrait, avant de remuer leur mâchoire en tout sens entre deux massages. Leurs frères de Vorn paraissaient toujours aussi morts à l'intérieur. Un frisson de soulagement traversa la colonne des voyageurs une fois tous sortis de ces lieux hostiles.

Pour la première fois depuis quatre semaines, père et fille se perdirent de vue. Ombre se sentait prête à reprendre le cours de son existence. Mieux, elle le souhaitait ardemment. L'idée lui vint rapidement de prendre Astuce, et de se rendre seule à Gué-des-Âtres, retrouver l'air froid de son château, de son foyer, l'odeur des écuries de chez elle, les voix des serviteurs et esclaves qu'elle connaissait depuis toujours, le givre matinal, ses escapades nocturnes qui lui manquaient.

Le premier jour de marche, ils parcoururent sans peine une distance respectable pour une telle troupe. Au soir, elle put rejoindre son seigneur, pour la première fois depuis plus de trois semaines. L'air lugubre de Gérald s'illumina quand il la revit, le regard de l'humain attiré par sa dragonienne, comme guidé par un quelconque instinct.

  • Ombre, quel soulagement de te revoir enfin !

Pour toute réponse, elle lui sourit d'un air fatigué. Rayonnant, son seigneur déplia un tabouret et le plaça près de lui.

  • Comment s'est passée ta mise à l'écart ? s'enquit sieur Xavier.
  • Vous vous inquiétez du bien-être de cette malbête qui a jeté l'opprobre sur notre nom ? intervint Dame Utiale.

Xavier voulut lui rétorquer, mais avisa à temps que le discret Herbert prenait la parole. Préférant son intervention au risque de raviver ses désaccords avec sa mère, il lui céda bien volontiers son tour.

  • ... Elle a facilité certains négoces...
  • Au Sud...
  • Suffit. Ombre a déjà payé pour avoir défendu sa vertu, nous avons obtenu quelques arrangements espérés depuis les débuts de nos négoces. Ce sujet est clos, stoppa le Comte. Nos lois sont celles du Nors, ma Dame. Tâchez de vous en souvenir.

La dragonienne interrogea son seigneur du regard. Elle n'avait pas suivi les évènements, plus désireuse de suivre des artistes dans leurs cheminements de création. Il lui glissa à voix basse :

  • Nous avons obtenu, en tant que future belle-famille quelques pourcentages sur leurs vins, une part en nature, une part pécunière.

Ombre acquiesça. Voilà qui permettrait au comté de gagner bien des moyens financiers. Ne manqueraient que les pierres précieuses et l'or, et ils obtiendraient une rente fort intéressante.

  • Mais ce mariage n'est toujours pas obtenu, pesta Bastian. Nous cumulons les engagements, les promesses... mais par les Ancêtres et les Vents, rien de tangible !
  • Imagine...
  • Imaginer et rêver, Père, ne permettent aucune action concrète !
  • ... Cela permet de pouvoir agir aussitôt les promesses tenues... objecta Herbert à mi-voix.

La fratrie et les parents dissertèrent longuement à ce sujet. Pendant ce temps, Ombre put raconter son ostracisation à son seigneur, sans que quiconque ne lui prête attention.

  • Cela m'a permis de me rapprocher de Hubert, mon seigneur.
  • Cela me ravi et me soulage, Ombre... dis-moi... j'ai... ouï dire qu'il t'arrivait... ah, comment l'exprimer ?
  • De sombrer dans la démence ?
  • Certes, en quelques sortes...
  • Oui.

Gérald guetta une suite qui ne vint pas.

  • Tu... vas mieux ?
  • Oui.

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