Pour ce que ça change 1/

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Le lendemain se déroula comme de coutume. Ombre et son seigneur prirent leur petit-déjeuner ensemble, et la dragonienne vaqua à ses occupations. Ce jour-là, elle devait aider à entretenir l'armurerie, en distribuant meules, huiles, laines de fer mais aussi divers vinaigres selon les ordres reçus. Tout en s'activant, assignée à des tâches qu'elle connaissait par coeur, elle sintéressa aux différences de traitement entre esclaves et affranchis.

Ces deux statuts ne concernaient que les siens. Elle ne releva rien de notable. Les mêmes termes, "animal", "reptile", "écailleux", "faux humain" revenaient, indépendament de la liberté ou de l'absence de liberté des dragoniens. Les mêmes bousculements déguisés en bourrades. Toute à ses réflexions, elle-même manqua de percuter un serviteur humain.

  • Reste pas sur mon chemin, créature, bougonna ce dernier.

Pour toute réponse, elle émit un couinement interrogatif et perdu, le suivit avec étonnement du regard, avant que l'un des armuriers ne l'interpelle avec rudesse.

  • Ça vient ce vinaigre ? Tu t'es pas trompée au moins ?
  • Oui monsieur, non monsieur ! piailla-t-elle.

Elle arriva en trottinant, et lui tendit la flasque demandée avec un sourire béat. Sans lui accorder un regard, l'homme lui arracha l'objet des mains et en imprégna sa laine de fer avant de nettoyer un protège-tibia d'acier de sa rouille. L'humidité ambiante était un fléau qui rendait l'entretien des fers coûteux. Nul alliage n'y résistait.

  • Petite, apporte-moi un chiffon ! Un fin ! Tout de suite !
  • Oui monsieur !

Ombre détalla s'emparer de l'objet à l'étage supérieur, une servante crut drôle de vouloir la faire trébucher. Une collègue l'en retint, lui rappelant le rang du propriétaire de l'esclave rousse.

  • J'doute que le sieur Gérald apprécie ce type d'humour.

La petite adressa un sourire reconnaissant à sa sauveuse. Jamais leur regard ne se croisa, déjà la dragonienne n'existait plus pour les femmes. Et elle trottina apporter l'objet au demandeur. La livraison conclue d'un gloussement, on la renvoya ranger des pièces darmes et d'armures rutilantes.

La matinée passa donc, sous les ordres, les interpellations, les bousculades. Elle savait très bien comment l'humanité considérait les siens. Des entités à mi-chemin entre l'Homme et la Bête, à la fois fascinantes et dégoûtantes. Vint l'heure pour elle d'échapper à toute forme d'autorité, bénéficiant déjà, de part l'identité de son maître, d'un avantage que même les affranchis ne possédaient pas.

La carrière était cette fois occupée d'un cheval fraîchement capturé, tout juste habitué au port d'une selle et d'un cavalier. Du moins, à un cavalier humain. Du premier coup d'oeil, elle lui reconnut une solidité suffisante pour supporter le poids d'un dragonien en armure. Hubert-Obtèr se tenait au beau milieu de la carrière, tandis que le maréchal amenait la bête vers le prédateur. Le pauvre animal sentait d'instinct tout le danger que représentait Obtèr. Aussi cabrait-il, renâclait-il, hennissait-il, rendant nerveux ses congénères dans les boxs.

  • Reste, ordonna fermement Ombre à Astuce.

D'un pas déterminé, elle approcha la barrière, bien en vue de l'étalon qui menaçait de donner des coups de sabot au maréchal. Ce dernier le caressait, lui parlait avec calme, lui laissait le temps. De sa voix la plus douce et apaisante, Ombre interpela ce dernier :

  • Mestre Lundan, souhaitez-vous qu'Astuce lui montre qu'il ne risque rien à approcher ?
  • Mêle toi de tes affaires, toi, lui rétorqua ce dernier sur le même ton.

Ils connaissaient tous les deux le pouvoir de la voix sur les chevaux.

  • Va t'entraîner ailleurs.
  • Je pourrais remplacer Hubert, puisque ce sont mes deux heures de liberté.
  • Et te laisser monopoliser un second cheval ? Tu possèdes déjà cette magnifique bête sur un caprice de ton maître, jamais je ne te laisserais en avoir un second.
  • Je veux juste aider. Et libérer un soldat. Lui doit veiller à notre sécurité, non ? Pas faire peur à un cheval.

Le maréchal l'injuria, toujours sur un ton apaisant par égard pour son nouvel étalon. Comprenant qu'elle n'obtiendrait rien, Ombre renonça et se dirigea vers un paddock boueux, qu'elle choisit proche de la carrière. Autant montrer malgré tout l'exemple. Dommage que les murs brisent le vent et empêchent son odeur mêlée à celle de sa jument pour apaiser le nouveau venu. Mais au moins bénéficierait-il d'un support visuel. D'un claquement de langue, elle rappela son amie à elle, et elles purent travailler de concert.

Et durant tout ce temps, Ombre estima que son statut à venir ne modifierait rien à sa vie. Par ailleurs, elle trouvait curieux l'absence de rumeur circulant comme un feu de forêt au sujet du camouflet jeté au Duc Descombes et au Baron Wulik. Leur trahison ne faisait pas encore grand bruit ? Qu'attendaient les Xévastre ?

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