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Il bondit.

La masse de ses poings s’abattit au creux du cou de sa cible, qui s’effondra dans l’eau glauque. Sans attendre, Ssdvenna’êk répéta ce qu’il avait vu en diverses occasions, au détail qu’il n’y mit aucune douceur, seulement sa rage.

Le temps qu’il donne de premiers coups de reins rageurs, Îk’vass avait repris ses esprits et se débattait. Son agresseur se savait plus petit, plus faible, plus léger. Mais il la tenait par la nuque. D’un geste instinctif, il enroula les cheveux de la dragonienne et lui plongea la tête dans l’eau. Elle les éclaboussa et les couvrit de lentilles d’eau, tandis qu’elle donnait tout ce qu’elle pouvait pour se débarrasser de ce futur cadavre. Du moins le pensait-elle.

Las de devoir lutter pour rendre justice, bien conscient qu’elle le tuerait à la première occasion, le jeune brun n’attendit pas qu’elle se noie. Comme tous les leurs, cela prendrait trop de temps. Alors il lui inclina la nuque en plusieurs à-coups.

Curieuse, Ombre releva qu’il n’éprouvait aucun plaisir. Ssdvenna’êk poursuivait sa besogne uniquement parce qu’il ne savait pas comment se sortir de cette situation. Sa vengeance ne lui apportait rien, ses oreilles sifflaient, ses entrailles se liquéfiaient, seul le souvenir de sa salissure de la veille lui permettait de continuer. Son esprit confus ne lui permettait de percevoir que de vagues informations. La puanteur de l’eau du marais. Les éclaboussures. Le regard assassin de sa… la sensation de s’avilir qu’il n’avait pas prévue, et le prenait au dépourvu. La chaleur inconnue qu’il éprouvait et signifiait qu’il appartenait désormais au monde des adultes. La frénésie de sa gestuelle et la terreur qu’elle laissait percevoir. L’esprit qui s’engourdissait…

Curieusement, il eut une absence. Lorsqu’il se reprit, il se retira du cadavre. Il se rhabilla correctement avant de la retourner. Morte. De nouveau dans un état second, il supposa qu’il se devait de transmettre la nouvelle. Et de laisser la carcasse au soin des charognards. Aussi Ssdvenna’êk déplaça-t-il la carcasse près d’une caverne d’ours, avant de tituber jusque chez lui, l’esprit en lambeaux.

Une fois dans l’enceinte du campement, une vigie descendit et l’arrêta, sourcils froncés, les crocs à demi découverts. Et cru comprendre. Sans attendre, il rugit sa condamnation, et courut à travers tout le village afin que chacun contribue à exécution du salopard qui avait tué leur future cheffe.

Les badauds humèrent à leur tour Ssdvenna’êk, qui se laissait faire, confus. Pourquoi tout le monde s’intéressait à lui ? Pourquoi ces murmures ? Aucun souvenir de sa journée ne lui revenait. Il puait seulement le marais, avait froid… De nouveau, ses oreilles sifflaient. Des taches sombres dansèrent dans son champ de vision. Engourdi, il se dirigea vers sa masure. Ses frères sauraient bien lui dire ce qui se passait.

Mais les adultes lui barraient le chemin, ramassaient des pierres. On allait lapider un traître ?

- Ssdvenna !

Son aîné !

- Fuis !

Quoi ?

- Lâchez-moi tas de schiarks ! Cours ! Maintenant ! Loin !

On frappait son aîné, le second prit le relais et, à travers la foule, parvint à croiser le regard du jeune perdu. Ses yeux, son expression se gravèrent à l’instant dans la mémoire du jeune assassin.

- Deviens Aniogar !

Le voisin sur lequel il s’était appuyé pour dépasser de la foule le fracassa au sol, tandis que Ssdvenna’êk s’enfuyait, pleurant sa honte de devoir rejoindre ce clan. Il ne comprit pas pourquoi, plusieurs jours lui furent nécessaires pour saisir tout ce qui s’était passé. L’odeur de la peur de sa violeuse, sa démarche boiteuse, ses vêtements déchirés l’avaient trahi comme violeur. Et sa victime, plus haut, bien plus haut dans la hiérarchie allait faire réclamer vengeance à leur chef de clan. Ce dernier, le connaissant, aurait brûlé plusieurs maisons, écartelé lui-même plusieurs personnes pour assouvir sa colère et sa peine. Chasser un seul fautif, de manière collective coûtait bien moins cher.

Ombre suivit toutes ces réflexions, guidées par une manière de vivre, une façon de penser qui lui étaient étrangères. Son accompagnateur, de son côté, ruminait ces évènements qu’il voyait pour la première fois clairement. Pour lui, ces instants étaient aussi confus que terribles. Et il éprouva le besoin de savoir plusieurs choses.

- Qu’est-il arrivé à mes frères ? Ils ont survécu à mon départ ?

Sa guide devint floue, tandis qu’elle cherchait la réponse. Lui-même se sentit… plus brumeux. Léger et vaporeux.

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