Retour à Vorn 6/7

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Tenant toujours du bout du poignard l’humain, elle l’amena jusqu’au charnier.

Malgré la présence des innombrables plantes odoriférantes alentours, rien ne pouvait écraser le parfum capiteux de la décomposition. L’homme marchait à reculons, les mains en l’air. Par deux fois il avait tenté de s’échapper, par deux fois il sentit la morsure du fer sur son cou. Sans savoir précisément ce qui se trouvait derrière lui, il se doutait du sort qui l’attendait. Considérant le silence conservé par la dragonienne comme une permission de parler, il balbutia :

- Que… Que me voulez-vous ?

- Je vous retourne la question.

- Je… trouvais mes… collègues silencieux…

Ombre plissa les yeux.

- Comptiez-vous vous joindre à la partie ?

- Non !

Cette dénégation venait du cœur. Toutefois, la garde savait que même cette intonation, cette vitesse de réponse pouvaient être illusoires. Elle se concentra sur son ouïe, au point d’entendre chaque respiration, chaque battement cardiaque, chaque frôlement de vêtements.

- Dis-moi un mensonge, somma-t-elle.

- Je… j’aime le bleu.

L’intonation différait. Il lui avait dit la vérité. Cet homme de bien en savait trop. Le mieux qu’elle puisse faire était de lui offrir une mort rapide et sans douleur.

- Retourne-toi.

Il obéit, et malgré la vue des corps à divers degrés de décomposition n’hésita pas un instant à se jeter dans la fosse, soulevant des nuages de mouches. La prédatrice ne l’y rejoignit pas, et se rua du côté opposé, suivant les rebords qui lui épargnaient le contact de cette fange fluides corporels et de déjections. Maudite robe.

L’humain comprit ce qu’elle faisait, et changea de direction. Il hurla un appel à l’aide, assourdi par la luxuriante végétation. Comprenant que tant qu’il resterait en ces lieux immondes, il ne pourrait compter sur aucune assistance, le mercenaire jeta un bref coup d’œil pour localiser l'écailleuse, s’en éloigner autant que possible et bondir hors de la fosse. Son pied arracha un tronçon intestinal, sur lequel il glissa. Un mouvement félin l’amena auprès de lui. Ombre jaillit pour le rattraper, et du pommeau de son poignard lui frappa le crâne. La tête de l’homme rebondit contre le sol lorsqu’il chut, et cessa tout mouvement. Par acquis de conscience, elle lui fit subir de même sort qu’à ses acolytes, et l’étendit à leurs côtés.

Elle avait perdu assez de temps. L’écailleuse s’assura dans le miroir de la fontaine que sa mise demeurait impeccable, et rejoignit le garde Clément, évitant soigneusement les nombreux serviteurs présents.

Ce dernier ne lui posa aucune question, lorsqu’elle lui demanda avec moult battements de cils de l’accompagner. Ce n’est qu’une fois sous le couvert des arbres que l'espionne l’informa de la présence des trois mercenaires étendus plus loin.

- Bon sang, on vient à peine d’arriver ! pesta le garde.

Ombre répondit par une moue. Ils se trouvaient à Vorn. Lorsqu’elle amena l’homme auprès des mercenaires, elle lui demanda d’épargner toute souffrance au troisième. Clément y répondit en égorgeant d’un geste vif le mercenaire, dont l’agonie fut de courte durée. Sonna l’heure de l’interrogatoire pour les deux autres.

La dragonienne partit chercher un seau à remplir à la fontaine, et aspergea les deux violeurs. À peine éveillés, leurs douleurs les abrutirent. Leur effroi face à leur incapacité à mouvoir leurs membres la laissa de marbre, tandis que l’épouvantail s’étranglait de peur. Elle retourna remplir son seau, tandis que Clément leur posait ses premières questions.

Ils ne purent répondre aux attentes des gens de Xévastre. Par conséquent, Ombre saisit l’épouvantail par le col, et lui plongea la tête dans le seau. Elle attendit un moment après qu’il aie cessé de se débattre pour l’en sortir et le ranimer. Témoin de cette méthode, le second mercenaire s’empressa de leur répondre.

- Elle a engagé plusieurs troupes, d’un peu partout ! Elle tenait à ce qu’on surveille tous le sieur Gérald et sa garde rapprochée, et de lui rapporter chaque soir ce que nous avions vu de leur relation !

- Ce n’est pas tout, rétorqua Ombre.

Clément attendit. Sentant que ce petit jeu pouvait s’éterniser, il sortit lentement son stylet.

- On n’en sait pas plus… crachota l’épouvantail.

- Mensonge, prévint la dragonienne.

Les mercenaires blêmirent. Clément leur sourit comme un dragonien.

- Nous vous écoutons, messieurs.

- Le… notre contrat… stipule que la duchesse Isa peut nous demander à tout moment… de… de…

- De prendre en chasse Gérald et sa traînée, puis de les noyer dans la mer, acheva avec fatalisme le géant.

Clément chercha à obtenir d’autres informations. Les deux mercenaires estimaient qu’une douzaine de groupes, et au moins huit solitaires résidaient au château, et pour le moment jouaient le rôle de serviteurs divers. Clément les estima à soixante-dix au bas mot. Les gens de Xévastre n’étaient pas assez nombreux. Bon sang ! Les Ancêtres des lieux devaient tous les haïr !

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