Prologue 1/3

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Il gelait à pierre fendre. Qu'importe la saison, la neige régnait dans la région de Gué-des-Âtres, dernier bastion humain avant le Grand Nord et la Faille ; principal lieu de vie des comtes de Xévastre, maîtres de la seigneurie éponyme.

Dans la sylve se mêlaient mélèzes, pins, sapins, épicéas ; et en certains endroits se battaient des ronciers géants. Le comté devait une majeure partie de ses revenus à cette forêt s'étendant sur les deux tiers de sa surface, ponctuée de larges plaines, d'imposants champs de roches et de crevasses infinies. Et surtout à un bois précieux, que les ébénistes du continent désiraient travailler au moins une fois au cours de leur carrière, que les nobles exhibaient en chaque occasion. Le sapin jaune, présent sur le blason de Xévastre, au tronc lui valant son nom et aux aiguilles noires.

Cependant, l'économie du comté le plus vaste et septentrional ne se reposait pas exclusivement sur ce produit de luxe. Leurs chevaux endurants, solides comme des glaciers éternels et au pied sûr trouvaient acquéreurs en tous lieux.

Dans la plaine crevassée entre le château de Gué-des-Âtres et la Forêt, séparés d'un peu plus de trois lieues, une file de cavaliers suivait de massifs chiens de chasse. Les molosses, dressés pour pister le sang, aboyaient quelques foulées devant le maître veneur et guide de la colonne, juché sur un hongre pie isabelle imperturbable. Derrière lui se succédaient neuf cavaliers. L'homme s'étonnait que les bêtes aient déjà flairé une piste.

À travers les épais manteaux, les gants, le casque et les divers remparts contre le froid et l'acier de l'un des gardes, se distinguait une partie du visage. Sous l'ombre de sa visière perçaient des yeux orange, entourés d'écailles solides couleur chair. L'envol d'un corbeau au loin attira son attention, ses pupilles se verticalisèrent. Le dragonien Obtèr, de son nom humain Hubert, n'aimait pas accompagner les chasses seigneuriales. Il s'imposait de réprimer de nombreux instincts, tandis que les humains prenaient plaisir à jouer aux charognards. À ce désagrément, s'ajoutaient les petits du Comte à surveiller. Par chance, il se trouvait devant. Cela allégeait ses responsabilités.

Derrière Obtèr galopait le Comte Thomas de Xévastre, qui trouvait lui aussi l'engouement des chiens étonnant. Ils découvriraient bien assez tôt ce qui les attirait. Les canidés se préparaient à encercler leur proie, dessinant des rayons dans la neige. Hurlants.

Suivant le Comte de près, chevauchait Xavier de Xévastre, fils aîné et héritier. Du haut de ses seize ans, il dégageait déjà une prestance indéniable. Le cavalier s'efforçait de retenir sa jument, dont l'avancée était facilitée par le sillage de la colonne. Ils profitaient tous d'une accalmie de quelques jours entre deux blizzards, et les chevaux débordaient d'énergie.

Après Xavier venait son puîné Bastian, n'en menant pas large. De deux ans son cadet, le second fils donnait tout ce qu'il pouvait pour que son cheval ne s'amuse pas à quitter la file, puis à les perdre dans les bois. En plus de maîtriser l'étiquette, il se devait de s'y connaitre en travail du bois, et en équitation. Hors de question pour lui de reconnaître que se pencher vers l'arrière, mollets serrés, et de tirer sur les rênes de façon discontinue ne suffisaient qu'à peine. Un rien, et le contrôle lui échapperait, la honte l'écraserait. Hors de question que ça lui arrive. Surtout devant ses trois frères, et pis encore, devant son père.

Ignorant les difficultés de son aîné, Herbert observait avec ravissement le paysage blanc, noir, vert et marron qui s'offrait à son regard. La ligne d'horizon blême percée de mille et une cimes vertigineuses, où les lourds nuages donnaient un aspect brumeux et mystique à la Forêt l'attiraient. Le jeune garçon laissait son vieux cheval rênes longues. Du haut de ses huit ans, considéré encore comme un cavalier trop inexpérimenté pour que lui soient confiés des animaux plus hardis, il pouvait se le permettre.

Loin, très loin derrière, un poney trottinait mollement, brinquebalant son petit cavalier de quatre ans. Gérald de Xévastre réalisait sa toute première sortie équestre hors du château. Pour le moment, il ne goûtait guère à cette liberté nouvelle, les secousses du trot l'indisposaient au plus haut point. Tout le monde allait plus vite que lui, et on l'abandonnait dans cette tranchée de neige ponctuée de crottin, dans lequel il pouvait choir à tout moment. Le mur de congères lui bouchait la vue. Puis la selle lui faisait mal aux fesses. Et il avait pas que mal à son derrière. Son dos et ses jambes le faisaient souffrir. Et toute sa famille appréciait l'exercice ? Mais pourquoi ? Le petit Gérald avait envie de pleurer. Ses bras potelés et raides allaient bientôt lui faire mal, en plus.

Surveillant de près le dernier-né des de Xévastre, marchaient au pas deux soldats, également en charge du traîneau vide servant à ramener le produit de la chasse. Intérieurement, ils bénissaient l'existence du poney, trop petit pour quitter le sillage des chevaux. Au même âge, les aînés de Gérald galopaient partout, et ne s'assagissaient pas avec les chutes.

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