Interrogations

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 Sous la rumeur de conifères, trois êtres menaient un vif débat. L'un, à la chevelure ocre d'une oubliée montagne, fronçait ses fins sourcils, observant son compagnon de jais rapporter d'étranges événements.

 - Je vous assure qu'il y a eu un drôle d'oiseau, peu de temps après la mi-jour. Il devait se trouver à bien douze lieues si ce n'est plus. Si je n'avais eu mes yeux puissants, je n'aurais su le voir.

 - Et tu nous répètes que cet oiseau ne possédait qu'une seule et unique grande aile blanche rayée de plumes noires et vertes ?

 Les mèches rouges scintillèrent sous la lune ; un demi-sourire creusa une fossette en point rond.

 - Vous ne me croyez pas ? Il y avait en dessous un étrange objet, comme si les fines pattes, si c'en fut, tenaient en leurs ergots un être, un animal sans doute.

 - Ce n'était pas un dragon, au moins ? intervint le troisième, une longue tresse de feu tombant jusqu'à ses reins.

Sa voix, plus grave, portait en ses nuances une notable agitation.

 - Non... non, rassure-toi. Ça n'y ressemblait pas du tout. Je me demande ce qu'il est devenu, il ne semblait pas bien voler, tantôt droit, tantôt penché. À cette heure, il a dû joindre la terre.

 - Devrions-nous nous mettre en quête ? proposa l'inquiété.

 - Nous avons mieux à faire, je le crains. Kirtan aura besoin de forces face à ceux qui battent des écailles. Nous ne savons lorsqu'ils se décident à frapper. Ah ! Malheur à celui qui a tué l'un d'eux !

Les trois compagnons disparurent sous la nef des grands arbres.

 Bien qu'elle fût harassée, Éther avait pensé à mettre son réveil, ne souhaitant pas ouvrir les yeux en plein jour, l'eau tout évaporée de sa pauvre couverture. Elle avait bien eu froid, très froid, mais le malaise disparut à la vue des creux formés par le poids du liquide : elle n'avait pas souffert sans récompense !

La petite bouteille d'eau s'emplissait joyeusement et ce son chantant ravissait ses oreilles, bien qu'il n'y eût pas grand-chose. Au moins, la moitié était atteinte. Elle se pencha pour lécher le reste puis se releva, observant que l'aube à peine venait teindre l'horizon en bandeaux gris. Six heures au téléphone.

 - Ce devrait être l'aurore... les nuits sont longues. Je ne sais même pas si ça a du sens. Enfin, bref, allons-y.

 Marcher, encore et toujours, ignorant les crampes et la cuisson de son cuir chevelu.

« Si je mets un œuf là-dessus, il grille, c'est sûr. » Dans un soupir, elle releva son sac qui commençait sérieusement à peser sur son bras, sciant son épaule. Mais pour rien au monde elle ne l'abandonnerait, pas avec toutes les précieuses choses qu'il protégeait, ces choses qui la liaient encore à son voyage, l'avion, ses rêves et ses plaisirs. Plaisir de lire, d'écouter, de se sentir à l'aise. D'ailleurs, à la prochaine pose, elle prendrait le temps de se coiffer. Ses cheveux prenaient une tangente sauvageonne assez désagréable au toucher. Bah, elle n'était pas coquette, mais cela la détendrait.

 La terre, plus dure, plus plate, lui permit une bonne allure qu'elle maintint, vaillante, jusqu'à ce que le soleil fût au zénith, à peu d'écart. Son smartphone indiquait à nouveau une heure aberrante, toutefois logique lorsqu'elle la comparait à celle de ce matin : deux heures de l'après-midi.

« De toutes façons, je suis pas mathématicienne, même s'il est clair que la journée va me paraître très très longue... »

 La douleur de l'astre cru l'obligea à se réfugier sous le parachute qu'elle n'avait pas jugé bon de replier avec soin. Ses jambes la lançaient et elle devinait plusieurs cloques se former sur son visage, ce qu'elle confirma par un petit miroir de poche. Une grimace augmenta sa souffrance ; elle s'évertua à rester impassible, le cœur serré.

 Le temps était bien long... si long ! Elle ne s'assoupissait qu'avec peine, la pupille vissée sur les montagnes.

 « C'était quoi, ça ? » La jeune femme s'était légèrement relevée, soudain alerte. N'avait-elle pas vu quelques incongrus éclats sur ces blanches parois ? Un éclair de rubis, un tracé fugitif...

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