Vin de Toussaint

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Des effluves flottantes s'étaient dispersées et s'étaient emparées de toute la pièce, Charlotte, princesse cadette du roi, avait aspergé la totalité de son corps des parfums de sa mère. L'adolescente n'y connaissait rien aux hommes et pourtant, elle brûlait d'impatience de revoir ce mystérieux jeune homme qui lui déroba son diadème incrusté de diamant ce matin même. Elle avait tant brossé ses cheveux que des pointes s'élevaient lui donnant des airs de sauvage. La jeune princesse ne s'était pas contentée de voler les robes indécentes aux décolletés vertigineux de sa génitrice, non, elle s'était même ravagée le visage de poudre, de khôl et de rouge à lèvre.

Elle faisait les cents pas, allait-il venir à elle comme promis ? Après tout, que valait la promesse d'un voleur ? Non, ce n'est pas un voleur ! Il est mon prince charmant tant attendu... J'en suis certaine.

Comment allait-il traverser la garde ? C'était chose impossible et pourtant, après cette longue attente interminable il se tenait dans l'embrasure de la porte, s'était faufilé dans la chambre tel un renard en fuite et prit soin de refermer la porte sans faire le moindre de bruit.

Ses habits déchirés et usés par endroit lui donnaient tout de même fière allure, il pouffa d'un rire incontrôlé quand il vit l'accoutrement de la jeune fille. Il remit ses cheveux collés par la sueur de l'effort derrière ses oreilles avant de s'incliner sans mettre fin à son fou rire.

— Jeune prostituée, pourriez-vous m'indiquer les quartiers de la princesse ? On m'avait pourtant dit qu'elle se reposait ici...

— Comment osez-vous !

La petite tapa du pied afin de se donner des airs plus menaçants, mais cela n'eut que l'effet contraire, on ne pouvait voir en elle qu'une petite gamine pourrie gâtée qui piquait une crise. Son petit né parsemé de taches de rousseur s'était retroussé et ses sourcils se fronçaient.

Le voleur - qui n'était pas si jeune - s'étouffait presque dans la chambre, la quantité de parfum que Charlotte avait versé embrasait les poumons. Cette dernière flottait dans ses robes et ses formes de femme n'avaient pas encore assez muries. Sa douleur fut très vite oubliée lorsqu'il s'aperçut de ce qui brillait autour du cou de la jeune fille, une myriade de pierres précieuses se chevauchant en cascade... De quoi se faire une petite fortune, je n'aurais plus à bouger de ma cabane pendant au moins deux mois.

Ses yeux étaient habillés d'une lueur de malice, de perfidie, chose que la jeune fille avait interprété comme de l'admiration, du désir.

— Pardonnez-moi, princesse. Il m'arrive d'oublier que vous êtes bien trop élevée que pour saisir mon humour fort déplacé. Je m'incline. il arbora un sourire séducteur et il obtint l'effet escompté, la jeune Charlotte rougissait derrière ses mains gantées et papillonnaient des paupières, ses joues empourprées.

— Je vous pardonne. elle lui présenta sa main afin qu'il la baise, ce qu'il fit tout en s'y attardant, la jeune fille frissonna et s'arracha à sa chaude étreinte : Comment avez-vous trouvé le chemin jusqu'à ma chambre sans encombre ? Quel est votre secret ?

— Rien ne m'empêchera de revoir ma douce et belle princesse. Je n'ai pu vous voler qu'un baiser aux aurores, mais croyez moi, cette fois je prendrai bien plus.

La jeune fille s'empourpra davantage :

— Où est mon diadème, Drew ? Après que vous m'ayez quitté, il avait disparu de ma coiffe.

— Oh ! Voilà que je vous reviens, je combats ciel et terre, traverse tempêtes et grands danger pour vous retrouver afin que vous m'accusiez d'un tel crime ? Comment pouvez-vous douter de ma sincérité ?

— Euh... et bien, n-nous nous connaissons que depuis ce matin et...

— Et vous regrettez notre rencontre ?

— Non ! Bien sûr que non ! Je... Je suis désolée, Drew. Je...

— Calmez-vous princesse, je vous excuse. Maintenant, passons aux choses sérieuses.

*

La douleur était encore présente, légère mais supportable. Il l'avait emplie de joie, et sa présence à ses côtés était tout ce qu'elle désirait. S'offrir à un inconnu était un acte irréfléchi et non sans conséquences mais son prince des mendiants mystérieux était allongé auprès d'elle et partageait sa couche, et tant qu'il était là elle ne craignait pas la colère de son père. Pourquoi donc se lève-t-il ? Mais où va-t-il ? Et pourquoi ne suis-je pas capable de le rejoindre ? Mes membres refusent d'obéir...

— Drew ! Aidez-moi, je n'arrive pas à me lever. Tout mon corps est engourdi ! s'égosilla Charlotte manifestement paniquée, Drew ne semblait pourtant pas lui accorder son attention, il se rhabillait tranquillement tant dis qu'elle le scrutait de ses yeux ronds couleur noisette.

— Désolée, ma belle. Je dois m'en aller, et je n'ai pas envie de t'avoir dans les pieds.

Il me tutoie maintenant ? Pourquoi ? Il ne daigne même pas me regarder, comme si j'étais... j'étais...

— Quoi ? Qu'est-ce-que vous me racontez ? Où allez-vous ?

— Ca, ma petite, je ne vais certainement pas te le dire. Je te remercierai volontiers d'un baiser longoureux pour les bijoux mais je n'ai pas envie d'être paralysé à mon tour.

Il riait de bon coeur, et agitait sous les yeux éberlués de Charlottes la bouteille de vin de Toussaint qu'il lui avait soi-disant offert. La jeune femme était assez perspicace que pour comprendre qu'il avait empoisonné le vin. Il avait pris soin de ne pas en boire et après qu'elle en ait avalé, celui-ci avait pris soin d'esquiver ses baisers de manières discrètes et sournoises.

— Espèce d'enfant de catin !

— Et on dit que la vérité sort de la bouche des enfants, ajouta-t-il sardoniquement, ignorant les sanglots qui agitaient la petite poitrine de la jeune femme. Elle serrait les dents si fort que sa mâchoire devint douloureuse.

Oh... J'arrive à bouger mes doigts... on dirait que ça dissipe.

Le voleur prit soin d'amasser tout ce qu'il y avait de précieux, même quelques décorations en argent et un chandelier en bronze. Il allait embrasser la princesse sur le front avant de la quitter quand elle lui agrippa les cheveux dans un élan de force soudaine, son bras droit était visiblement à nouveau fonctionel.

— Bandit ! Ingrat ! Infâme paysan ! Tu le payeras de ta tête, je le jure ! Gardes ! Gardes ! s'époumonna la jeune femme dans son élan de courage soudain, elle lui tenait fermement les cheveux et n'avait aucune attention de le laisser s'échapper. Mais sa force physique n'était point suffisante face au voleur, sans parler du poison qui faisait toujours effet malgré qu'il se dissipait.

Drew s'arracha à sa main de fer, et se dirigea vers la fenêtre d'un pas rapide et agile.

Charlotte l'invectiva, l'injura et lui jettait à la face tout ce qu'elle avait à portée de main, quand elle atteint soudain la bouteille de vin de Toussaint.

— Vaurien ! Au voleur ! A moi !

— Je suis peut-être un vaurien et un voleur, mais je m'assume parfaitement. Je ne me donne pas de grands airs de sainte ni touche comme toi, la princesse à la petite vertu !

— Espèce de salaud !

Cette fois-ci elle ne raterait pas sa cible, de sa main droite tenant fermement la bouteille de vin, elle cibla la tête du bandit qui s'apprêtait à sauter sur un toit en contre-bas. Quand le verre heurta son arrière crâne et que le liquide s'écoula le long de sa nuque, il fut pris à son tour d'une paralysie générale et se raidit en tombant dans le vide dans une longue chute.

Et c'était alors qu'elle regrettait son mystérieux prince des mendiants !

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