Peine

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— Est-ce que c’est vrai ? 

La fiancée fait sursauter le trio d’amies attablé pour le diner, tandis qu'elle arrache une chaise de la table des parents de Ken et Moussa. 

— Alors il va falloir être plus précise, s’amuse Salie encore émoustillée de sa fin de journée. 

— Qu’on a vu Vida sortir de la chambre de Ken. 

La quinte de toux de l’intéressée marque un suspens tel que même la table parentale tout à côté semble en retenir son souffle. 

— Attends, c’est ça ta grande nouvelle ? Tu te demandes pas pourquoi justement, j’ai dû aller me réfugier dans la chambre des garçons ? Crois-moi, il y a bien plus intéressant à raconter que moi qui suis allée me changer dans leur chambre. Sallie couche avec Théo et Malia est à deux doigts d’accepter le diner en tête à tête proposé par Moussa, s’exclame Vida suffisamment fort pour que les oreilles baladeuses soient satisfaites.  

Face à toutes ces nouvelles, Lucie, à la grande surprise de ses amies s’effondre. Ce mariage est un calvaire, lance-t-elle en larmes, elle manque tout et se sent si seule ! 

— Chérie, toute cette phase est normale. Tu souhaites accorder à cette journée le souvenir impérissable qu’elle mérite et pour ça, il faut se donner, encore et encore. Tu façonnes l’un des plus beaux jours de ta vie. Une naissance ne se fait pas sans larmes, un mariage non plus, crois-moi. Prends le temps quelques instants de regarder autour de toi, ma douce. Regarde comme ton entourage est heureux. Observe et nourris-toi de tous ces sourires, écoute ces éclats de rire, ses tintements de verre, et ensuite, plonge ton regard sur ton futur mari. Le jour où tu as décidé de devenir sa femme, tu n’as plus jamais été seule. À présent, vous partagez tout. Ta peine est aussi la sienne.  

— Vida, c’est en partie de ta faute si je me retrouve dans cet état-là, jette Lucie. Il aura fallu un sacré paquet de temps pour que tu sortes de ta chrysalide et voilà que je rate tout ça. J’avais tant besoin de toi. La seule expérimentée dans la tempête que je traverse... 

Mal à l’aise, Vida plonge son regard dans son verre, ne sachant que répondre à part de discrètes et sincères excuses. Oui, elle a tout gâché.

— Je n’imaginais pas une seule seconde que ça soit lui qui puisse te remettre sur pied. J’en étais malade de vous savoir ici tous les deux... 

Que répondre ? Bien sûr qu’avoir mis les choses à plat avec Ken aide, mais est-ce seulement lui qui l’amène sur ce chemin de renaissance ? Doit-elle y voir une nouvelle forme de dépendance ? Difficile de cacher son malaise face à ces trois amies les plus précieuses. Elle peine d’ailleurs à comprendre ce qu’il se passe. Tant de mois de torpeur, de douleur et de colère pour qu’au final, après quelques jours passés ici, toute cette masse étouffante cède enfin la place à l’espoir. 

— Ken aide, c’est certain et ce que j’aime par-dessus tout, c’est la distance qu’il laisse entre nous. Il est là, mais ne secoue rien. Vous vous excitez parce que je sors de sa chambre ? Alors, que penseriez-vous si je vous dis qu’on partage un petit déjeuner tous les jours depuis notre discussion ? Moi-même je n’y comprends rien. Nos échanges concernent principalement le discours pour votre union. Il me pose un tas de question autour de David, de nous, de notre mariage, et avec lui, parler du plus douloureux est simple. Alors, s’il vous plait, ne vous emballez pas, quoiqu’il se passe entre nous, ce n’est rien d’autre que des discussions. 

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