Fantasme

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L’apaisement des deux groupes ramène le calme et surtout, la complicité naturelle entre tous. Au bord de la piscine, Vida, lunettes de soleil vissées sur le nez, scrute. Difficile de dire si entre Sallie et Théo il ne s’agit que d’amusement, ou si entre eux, un jeu de séduction s’installe. À y réfléchir, pense Vida, ces deux personnalités puissantes pourraient s’accorder à merveille. Voulant en toucher quelques mots à sa voisine Malia, elle remarque Moussa aux prises dans une discussion agitée avec Ken au sein de la piscine. Intéressée, la voilà à l’eau. 

— Arrête de te prendre la tête et va lui parler, parvient-elle à entendre de Ken. 

Nul besoin de poser quelconque question, Moussa, comme pour expier un pêcher, plonge ses pupilles ébènes dans celles de Vida. 

— Je crois que j’ai un faible pour Malia. 

Qu’a-t-elle manqué d’autre pendant toute sa période de torpeur maladive ? Là aussi, le couple formé serait parfait. Solaire, chaleureux, la douceur de Moussa comblerait à la perfection l’agitation naturelle de Malia. 

— Alors Ken a raison. Dis-lui. De toute façon si tu l’as un peu cernée, tu sais qu’elle ne fera pas le premier pas. Surtout ici, plongée dans les préparatifs du mariage. Je suis désolée, je ne sais pas du tout si c’est une possibilité pour elle. J’étais... J’étais ailleurs, termine-t-elle avec pudeur. Je t’aurais bien dit d’aller en discuter avec Maria, mais elle est introuvable, et Sallie, et bien... là aussi... 

Devant le rire explosif de Ken face à l’improbable remake d’une scène culte de télé réalité de ce couple dans la piscine, Vida ne peut retenir son propre éclat de rire. Voyant Moussa trop concentré pour s’amuser de cette situation, la jeune femme lui propose de s’installer à côté de sa secrète dulcinée. 


À présent installée quelques transats plus loin, au calme, l’esprit de Vida divague. Sallie, Théo, Moussa, Malia mais aussi Lucie et Seydou... Qui aurait cru que deux ans auparavant, la rencontre de ces deux groupes aurait pu amener autant de sentiments ! Casque vissé sur les oreilles. Les pensées s’embrument, aidées de la présence dans sa ligne de mire de Ken, assis sur le rebord de la piscine observant probablement Moussa dans sa folle épopée conquérante. Mount Everest de Labyrinth fini d’allumer la mèche. L’homme connait-il seulement son pouvoir lorsqu’il arbore aux yeux de tous son torse sculpté, ses triceps saillants et sa chevelure perlant sur ses épaules ? Qu’oserait-elle imaginer si elle lâchait les rênes et laissait son désir prendre le pouvoir ? 

Paupières fermées, elle imagine le souffle chaud du Sahara n’étant rien d’autre que Ken, dans sa nuque. Les cellules s’échauffent. Impossible de nier que ces derniers jours de paix ont réveillé ce petit animal ronronnant nommé désir. Ses nuits sont de plus en plus fiévreuses. Chaque regard provoque son corps et chaque sourire le fait rugir de plus en plus fort. Le fantasme s’impose et le voilà qui parcourt sa peau et effleure sa poitrine. Il a le pouvoir et cette perte de contrôle l'enivre. Ses cuisses se serrent, la raison vacille et son bassin s’imprègne en toute discrétion sous son paréo, de la puissance du rythme de la musique stimulant toujours ses oreilles. La piscine, les autres, l'interdit, plus rien ne compte que son plaisir.

Sa langue pourrait-elle la caresser ? Sa bouche la sucer ? L'exaltation est proche, toute proche. Sa respiration s'intensifie. Ken sans y être, voyage entre ses jambes. Que son bourreau prenne possession d'elle, vite ! Un sac dans les parages devient la victime de cette jouissance secrète et si discrète. Ne pas gémir et surtout, ne presque pas bouger. Sous la contraction de ses cuisses, elle ouvre les yeux. Il est toujours là. La fixe-t-il ? Qu’importe. 

— Bonjour ma chérie !

Fin brutale de la rêverie. 

— Patricia ! Comment allez-vous ?

La voix peut à la rigueur trahir une sieste interrompue, mais un orgasme ? 

— Je cherche désespérément un transat, iIl y a du monde ici ! S'exclame-t-elle.

— Prenez le mien, j’ai besoin de me rafraichir un peu, s’excuse Vida, bondissant dans la piscine sans attendre de réponse. 


— C'était bon ?

Installé juste derrière elle, le torse frôlant son dos et les jambes chatouillant les siennes, Ken la désarçonne. Se concentrer. Ne pas écouter ce que l'animal affamé lui hurle dans le tréfond de son corps. Hors de question de se trahir. Elle se retourne, éclabousse le curieux intru dans une vaine tentative de retirer ce sourire suffisant terriblement aguicheur de son visage pour ensuite rejoindre Malia et Moussa, quelques mètres plus loin. Comment diable a-t-il pu deviner l’imperceptible ?

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