La police ne peut rien contre l'humiliation

4 minutes de lecture

L'hôpital, la douleur, le flou. Désorientée et endolorie, Vida parvient à attraper la sonnette. Après quelques minutes, une infirmière vient à sa rencontre. Le simple sourire de cet inconnu l'enveloppe et la réchauffe. Cette dernière apporte quelques précisions : elle a passé la nuit inconsciente mais tout va bien, grosses contusions mais par chance, rien de cassé. Épuisée, le corps meurtri, elle sombre à nouveau. La jeune femme affrontera ses regrets et sa honte plus tard.


Le calme de la chambre d'hôpital est rompu après quelques heures par l'arrivée du groupe. Malia et Sallie fondent doucement dans ses bras. Cet étreinte vaut tous les antalgiques. Son clan est là, tout ira bien. La douleur physique adoucie par l'amour de ses amies laisse alors place à une agression qu'elle n'imaginait jamais subir à nouveau. Désormais soutenue, le temps des questions est venu. Son coeur se serait-il fracturé hier soir ? La vie l'a-t-elle fait souffrir une fois encore ?

Idiote.

Sa poitrine est si douloureuse qu'elle a envie d'hurler. Les larmes coulent en silence sur son visage. Lucie les essuie. La caresse sur sa peau ne parvient pas à calmer ses entrailles. Comment a-t-elle pu s'embourber dans cette situation ? Où diable a-t-elle foutu son bouclier ? Des mois qu'elle ne s'en était plus servi. Légère, ouverte, souriante, Vida avait changé pour le bonheur de tous, y compris du sien. Les fantasmes de ces derniers mois, ses nuits douces accompagnées des songes que son esprit façonnait ont eu raison de sa carapace. Le revoir, l'embrasser, le toucher, jouir aussi grâce à lui, ont révélé ce qu'elle se refusait d'admettre : ses sentiments pour Ken. Qu'attendait-elle de lui hier soir ? L'attirance cachait autre chose. Que désirait-elle au plus profond d'elle ? Qu'ils se connectent. Qu'ils se lient. Eux et eux seuls. Elle entend à peine Maria lui souffler qu'elle a prévenu ses parents en omettant la perte de connaissance, pour ne pas les inquiéter.

— Je leur ai dit de ne pas se déplacer, que tu sortais rapidement et que tout allait très bien.

Parfait. Hors de question que sa famille s'inquiète. Une simple chute dans les escaliers, voilà tout. Perdue dans ses pensées, elle ne remarque pas la porte de la chambre qui s'active.

— Salut.

Ken, très contrarié, entre. Sa voix reste glaciale, mais son regard le trahit. Peu importe sa culpabilité. À mesure qu'il avance, la blessure de Vida se réactive, sa colère avec elle.

— Je ne veux plus te voir. Je pense avoir été claire hier, non ?

— Je peux te parler seul à seul ?

— Certainement pas, je n'ai plus rien à te dire. Je t'ai demandé de partir ! Seydou, fous ton ami dehors s'il te plaît.

L'improbable se joue devant eux. Les yeux de l'artiste démoli par la vie se troublent, l'homme supplie. Devant ce tableau pathétique qui parvient néanmoins à toucher la jeune femme en plein coeur de courtes secondes, la haine triomphe et noie toute empathie. Qu'il sorte ! Tout de suite ! Alertée par les cris, l'infirmière entre. 

— Monsieur, est-il nécessaire d'appeler la sécurité ?

— Je ne partirai pas tant qu'elle ne m'aura pas écouté.

Son habituel ton tranchant et brutal met le feu aux poudres. Comment ose-t-il ? Vida se redresse tant bien que mal. Debout, face à lui, son corps hurle. Chaque constraction musculaire est une plainte, un gémissement, une agonie. Un vertige la prend mais sa colère, indomptable, maîtrise le tout.

— Dois-je appeler la police ? interroge doucement l'infirmière.

Le regard aiguisé planté dans ses misérables pupilles suppliantes, plus rien d'autre n'existe. De la haine ? Pas vraiment. De la douleur plutôt. Peu importe l'infirmière présente dans cette pièce. Peu importe ses amies, de toute façon elle leur aurait tout raconté. Seydou ? Moussa ? Peut-être réaliseront-ils à quel point leur ami va mal ? À quel point il a besoin d'aide ? Que souhaite-t-elle à cet instant ? Qu'il comprenne. Qu'il comprenne à quel point il l'a brisée. Le froid qui entoure désormais son coeur ? Il en est responsable, pense-t-elle. Alors, elle lâche tout.

— La police ne peut rien faire pour un cœur brisé et une humiliation. Je ne suis pas dans cet état là par la force de ses poings. Je suis dans cet état par la force de ses mots. Oui Ken, de tes mots. Tu sais si bien les manier que tu as failli me tuer avec. Tu n'es pas concrètement responsable de ma chute. Mais tu m'as brisée et comme une conne, j'ai pleuré pour toi. Putain pour toi ! Tu ne vas pas mieux mon pauvre vieux. Soigne-toi ou reste loin des autres. Ne te mèle à personne, ils risquent tous de finir comme moi, ou pire. Maintenant, je veux que tu sortes de cette pièce et je te le redis une dernière fois, ne cherche plus jamais à me revoir. Les garçons, occupez-vous de lui. Les filles aidez-moi à me recoucher.

Sa voix autoritaire, son regard assassin et sa détermination ont raison de la volonté d'explication de Ken, qui fait demi tour et sort de la chambre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire riGoLaune ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0