Fin du rêve

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À la vue de Vida, Sallie se redresse de son transat.

— Ma chérie, tu as une de ces têtes...

Lucie dépose une main chaleureuse sur le visage de son amie. Son clan, un soutien indéfectible. Ces femmes ne peuvent qu'imaginer sa détresse. Avancer sans David. Vivre sans lui. Comment comprendre ? Difficile. Alors elles respectent. Elles respectent sa volonté de s'isoler parfois, de pleurer à d'autres moments, de hurler quelques fois.

— Ouais, je sais. C'était très... intense on va dire.

— C'était bien au moins ? interroge Malia.

Vida raconte les gestes, les mots, les larmes. Touchée par son récit, les yeux de Lucie s'embuent.

— Je ne m'attendais pas à être autant comprise un jour dans ma vie. Ne vous méprenez pas, les filles. Vous êtes parfaites...

— Mais on ne sait pas l'étendue de la tempête que tu traverses, ma chérie, on sait... 

Lucie, douce Lucie.



Fin de journée. Les filles organisent une partie de water-polo où même Ken se joint au groupe. Durant la partie, Seydou s'approche de Vida. Elle a beaucoup plus aidé son ami cette semaine qu'eux en quelques années. Les trois hommes se faisaient énormément de souci pour lui, confie-t-il. Comment aider son meilleur ami quand celui-ci est au plus mal ? Embarrassée par cette gratitude, elle ne peut qu'hocher la tête. Est-elle vraiment responsable ? Va-t-il mieux ? Et surtout, va-t-il mieux grâce à elle ? En venant ici, elle souhaitait du calme afin de gérer son deuil. Elle repart le coeur plus léger et le corps rechargé. Vivre. Voilà la leçon de ces vacances. La Légèreté, est-ce dont cela ? Se sent-il désormais aussi apaisé qu'elle ? 

Excellent prétexte pour un rapprochement charnel et une sensualité excusée, Lucie et Sallie bondissent sans se faire prier sur les corps de leurs adversaires. Vivre, c'est aussi ça, s'amuser. Match serré, Ken détient la balle. Vivre, c'est se battre pour gagner. Sans prévenir, Vida bondit sur lui et agrippe la balle. Sous l'effet de surprise, l'homme coule. Totalement enlacés, chaque centrimètre de leur peau est collé l'un à l'autre. Il tend le bras loin derrière pour empêcher son adversaire d'attraper le ballon avant de remonter à la surface, le visage blotti contre la poitrine de Vida. Ken se débarrasse alors de la balle en la lançant à Théo et les entraîne à nouveau sous l'eau. Impossible de lutter contre l'emprise de son corps sur le sien. Vida lâche prise. Les yeux ouverts, le visage enjoué en face du sien lui arrache un sourire. Une fois la tête hors de l'eau, le jeune homme est hilare. Le temps s'arrête. Seydou, Moussa et Théo cessent de défendre. Jamais elle ne l'avait entendu rire de cette façon. Le bonheur sur son visage est si rare, si précieux... Quelques secondes supplémentaires accrochés l'un à l'autre, puis Vida, interpellée par une passe de Sallie, embrasse Ken sur le front avant de se diriger vers le but adverse.

La partie se termine avec une victoire de l'équipe masculine. Tandis que Sallie et Maria crient au scandale et à la tricherie, Vida interpelle tout le monde. C'est la première fois que Ken rit à ce point en sept jours. La victoire est là ! Théo applaudit ses propos et éclabousse l'intéressé faussement irrité.



Dernier apéritif ensemble où chacun discute de ce qu'il a prévu une fois rentré en France. Ken parle peu, comme à son habitude, mais écoute, attentif, les projets de ses amis. Après le repas, le temps des remerciements est arrivé. Faïza. Ses fils, le chef et le parfait majordome et Fatima, la gérante du spa. Youssef est avec les animaux. Il déteste les au revoir, précise alors sa femme avec pudeur. Dernière soirée signifie aussi, dernières danses. La piscine, Moussa et ses platines, ces bains de minuits devenus presque rituels... Dans cette ambiance festive, Vida invite Ken à danser.

— Non ça va, je suis bien à vous regarder.

— Aller, viens, ce sont nos derniers moments ensemble, après, on ne se reverra plus jamais...

—C'est sûr que tu risques de moins me voir si tu checkes un peu mes activités pro. J'ai décidé de faire une pause. J'arrête.

Sans réfléchir, ils se lancent sur la piste improvisée dans les bras l'un de l'autre. La jeune femme sent le regard de Sallie qui ne la lâche pas, mais ici, ce contact est simple et sans une once de sensualité. Entre eux, aucune séduction, seulement un échange de bon procédé. Leur force ? La confiance qu'ils ont su offrir à l'autre.

— Tu as raison. C'est une bonne idée, Ken. Tu dois te concentrer sur toi. Ecrire sur ce qui te blesse depuis tout ce temps ne peut pas t'aider à aller mieux. Fais une pause, fais le point.



Le lendemain matin, les cinq amies sont les premières à profiter une dernière fois du buffet de petit-déjeuner. Un van attend les vacanciers dans le hall pour les amener à l'aéroport et tout le monde remercie une dernière fois la famille qui les a accueillis, avec la promesse de revenir dans un futur proche. Les au revoir du groupe sont chaleureux. Rien n'est décidé pour les deux amoureux transits de l'hôtel. Lucie a convenu que leur relation ne devait pas être exclusive et qu'ils verraient si le manque de l'autre se fait ressentir une fois que le quotidien les aura rattrapés. Avec plus de difficulté, Seydou accepte. Moussa, à la rescousse de son ami, propose de mixer une soirée dans une boîte de la région des filles afin de se revoir à nouveau.

Flashback du début du séjour, Ken, à part, attend que les deux groupes aient terminé leurs adieux, casquette à nouveau vissée sur le crâne, regard froid. La parenthèse est belle et bien fermée. Vida s'approche. Difficile de dire s'il réussira à aller de l'avant. Harcelé, suivi, comment gérer sa vie quand d'autres souhaitent tout connaître, même le pire ? Elle attrape la visière et retire la casquette.

— Tu l'enfileras quand ce sera nécessaire, avec nous tu es un mec banal. Prends-moi dans tes bras ! lui ordonne-t-elle en souriant.

Blotti contre elle, il la remercie de sa voix à nouveau glaciale et terne.

— Sois heureux seul et par toi-même, prends soin de toi, peu importe ce que ça te demande comme changement dans ta vie. Fais en sorte que ton bonheur ne puisse dépendre que de toi et de ce que la vie peut t'apporter, conseille Vida.

Une main placée près de la sienne et leurs peaux se frôlent en un contact aussi précieux que l'étreinte.

— J'ai envie de t'embrasser, souffle-t-il dans un murmure.

Que faire ? Que dire ? Pourquoi ? Vida écoute son instinct. Lâcher-prise. Laisser faire. Vivre. Ne voulant pas que les autres voient ce qu'ils s'apprêtent à faire, Ken récupère sa casquette des mains de la jeune femme. Visière penchée, il pose alors ses lèvres sur les siennes.

Cette femme, son corps et sa personnalité lui ont permis de résoudre bien des choses dans sa vie. Mais est-ce qu'une semaine et deux étreintes peuvent calmer trois ans de naufrage ?

Le baiser est tendre et doux, une caresse qui veut dire merci, rien de plus. Au final, Ken est réellement un petit coeur romantique, se moque-t-elle une fois le baiser terminé. 



Dans le véhicule, la jeune veuve scrute l'hôtel. Ses tripes lui avaient soufflé tant d'espoir, tant de paix et elles avaient vu juste. Vida repart le coeur plus léger. David sera toujours près d'elle, mais désormais, il n'est plus le fantôme étouffant caché derrière son bouclier, non, il est l'instinct qui accompagne ses prises de décisions. C'est lui qui a attisé l'idée de vacances, lui encore qui a mis en avant cet hôtel, et lui, toujours, qui a déposé sur le chemin de son épouse ce groupe d'hommes qui lui a tant apporté. Oui, elle reviendra ici. Sa vie, son destin et sa renaissance sont liés à cet hôtel. 

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