La hache

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— T'étais où ?

— Dans ma chambre.

— Arrête ton char, on a pleine vue sur les chambres depuis la piscine et tu n'as pas allumé une seule fois ni la télé ni la lumière, dit Maria.

— Vous l'avez fait... annonce Sallie d'une voix solennelle.

Face à cette enquête redoutable au dénouement d'une rapidité déconcertante, difficile de cacher son malaise. Vida rougit tant que Maria ne peut s'empêcher d'ordonner un compte-rendu détaillé. A-t-elle réussi à dire au revoir au souvenir de David ? Se sent-elle désormais prête à passer à autre chose ? L'échange confiant, l'amour à David, le parfum enivrant, ainsi que la déception cuisante, Vida se libère de tout. Elle pensait aider Ken autant qu'il l'avait aidée mais sa réaction brutale l'a faite douter. En avouant tout, Vida espère obtenir le soutien de ses amies, seulement, pour Sallie, il n'en est rien. Vida était prête. Ken non, bien que l'étreinte lui ait plu. Peut-elle se mettre à sa place et imaginer quelques instants ne pas avoir été préparée à dire adieu à David tout en ayant pris son pied avec lui pour la dernière fois ?

— Ce que t'as fait part d'une bonne attention ma chérie, mais tu dois comprendre qu'à ses yeux, il n'a pas dit au revoir à son ex, il t'a aidée puis tu as pris les devants, certes, mais peut-être pensait-il que tu continuais d'être avec ton mari.

— Mais j'ai utilisé son parfum...

— Ça change rien pour lui ça, tu sais... Je pense qu'il a la sensation d'avoir été trahi.

Installée sur le transat de Sallie, la jeune veuve se tourne sans réfléchir vers le balcon de Ken. La lumière tamisée est toujours allumée. À quoi pense-t-il ? Lui en veut-il ? Devrait-elle se ruer à nouveau dans sa chambre ? Vida n'en a pas envie. La paix et la douceur se sont estompées. Le moment a été gâché. Par qui ? Lui ? Elle ? Saluant ses amies, elle part se coucher. Ce soir, elle a besoin de calme pour réfléchir.



Sommeil agité, réveil difficile. Ce séjour est définitivement bien loin des attentes de Vida. Tranquillité, paix, libération... Pour l'instant, elle en est bien loin. Mais elle doit l'admettre, la mélancolie n'est pas l'unique responsable de cette agitation. Une première. Dans la chambre de Ken, sans nul doute, elle y a cru. Puis le mirage s'est évaporé et la dure réalité, cette solitude écrasante et cette nostalgie aussi lourde qu'un boulet à la cheville sont revenues, plus puissantes encore. De son côté, Ken, plus renfrogné que jamais, ne quitte presque plus sa chambre et ses amis s'inquiètent. Lucie a reçu ordre de tout le clan de ne rien dire à Seydou. Ce n'est pas à elle d'en parler. S'il a besoin de ses amis, il leur fera signe.



— Ken, tu veux bien m'ouvrir ?

Aucune musique, aucune télé. Dans cette chambre y-a-t-il seulement de la vie ? Après plusieurs tentatives en douceur, au cours de cette dernière heure écoulée, Vida s'agace.

— Bien. Quoi que tu dises, tu es piégé ici. Boude autant que tu veux, tu vas devoir ouvrir ta porte pour laisser Rauf t'apporter ton plateau repas de ce soir. J'ai tout mon temps.

Elle ne connaît rien de lui. Est-il déterminé ? Probablement. Est-il tétu ? Sans aucun doute. Qu'elle se prépare, elle va être coincée sur ce palier un long moment.

La nuit tombe. Tous les amis quittent un à un leur chambre pour rejoindre le restaurant. Le clan invite Vida à les rejoindre.

— Trop facile. Je l'ai prévenu que je ne bougerai pas d'ici tant qu'il n'ouvre pas la porte et je compte bien tenir parole. Je ne vous cache pas que je suis à deux doigts de la défoncer avec la hache de secours qui me nargue depuis plusieurs heures...

Tandis que les filles lui souhaitent bon courage et s'éclipsent rapidement, le sourire aux lèvres, Moussa éclate de rire. Aurait-on trouvé plus déterminée encore que leur cher Ken, s'amuse-t-il même. Elle l'espérait, seulement, après une heure supplémentaire à attendre au pied d'une porte désespérement close, Vida, désespérée, finit par abattre sa dernière carte.

— J'ai changé d'avis.

Alors, sans prévenir, la porte s'ouvre, entraînant la jeune femme entre les jambes de l'homme au visage circonspect.

— Et étonnemment, m'avoir fait poireauter pendant des plombes comme le ferait un gamin immature n'a pas entamé ma décision. Tu pourras remercier mes amies, car ce sont elles qui m'ont convaincue. Elles, et les nuits, qui pour le coup, m'ont vraiment porté conseil. Je suis disponible quand toi tu le seras. Maintenant si tu veux bien m'aider à me redresser, j'aimerai manger un morceau, je meurs de faim.

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