Elles aussi

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Midi. Enfin réveillées, les filles déboulent à la piscine, paréos, maillots et cernes de circonstances. Hier elles avaient treize ans, mais ce midi, nul doute, ces têtes de lendemain difficile les ramènent à la triste réalité : elles en ont trente. L'heure n'est pas aux moqueries, pas encore, mais plutôt aux comptes-rendus. Tandis que les femmes rapportent les nombreuses questions des hommes concernant Vida, cette dernière raconte sa discussion avec Ken, l'autre âme en peine de l'hôtel.

— Ma chérie, on aurait pu tomber plus mal. Ces hommes sont la gentillesse incarnée. Tu vas pouvoir leur faire confiance, confie en douceur Lucie, un verre de coca entre les mains, si eux aussi ont un ami qui souffre, que gagneraient-ils à ruiner ton séjour ? 

Pourquoi se cacher à ce point derrière sa casquette ? s'interroge Sallie, le regard toujours vissé sur l'homologue de Vida. A-t-il une énorme balafre causée par son ex lors d'une dispute ? La spontanéité de son amie vivifie la jeune femme qui précise, amusée, n'avoir rien perçu de tel. Pleure-t-il tellement qu'il veuille cacher ses yeux bouffis, rongés par les larmes ? Bien possible, souffle-t-elle. En face d'elles se trouve un homme en grande détresse à la nostalgie dangereuse.

— Ou alors, c'est une star internationale, lâche la curieuse tout en sirotant un cocktail.

Pour ce genre de choses, nul doute, Sallie est l'amie à l'imagination la plus débordante !

Vida la laisse divaguer avec l'aide de ses autres collègues enquêtrices qui égrainent déjà les réseaux sociaux à la recherche d'indices, pour se rendre au bar, en quête de cocktails frais.

— Bonjour.

Seydou, pantois, se tient à ses côtés.

— Je m'excuse pour hier, pour toute la journée. L'accueil, le ballon, le restaurant... Tout. J'ai fanfaronné, je n'aurais pas dû. Tes amies nous ont parlé de toi. C'est des filles bien, tu as de la chance. La vie t'a pas fait de cadeau mais vaut mieux en chier tout de suite comme ça, lorsque la roue tournera, il nous restera plus qu'à envier ton bonheur !

Lucie avait raison. La bienveillance de son interlocuteur est palpable, presque rassurante. En simple réponse, elle hoche la tête d'un sourire timide.

— J'aimerais organiser une soirée dansante, Faïza et Youssef sont d'accord et je serais ravi de te compter parmi nous. Tu penses que tu pourrais l'envisager ? Tu leur as manqué hier...

Sceptique, Vida scrute les intéressées sur leur transat, toujours sur leurs téléphones.

— Passe juste le début de la soirée avec elles, et tu nous quittes quand tu le souhaites. Qu'en dis-tu ?

Vida a passé sa matinée à prononcer des paroles toutes plus positives les unes que les autres, pleines d'espoirs et de résilience à leur ami. Qui serait-elle pour ne pas suivre ses propres propos en acceptant la proposition ?

— Ne leur dis rien. Fais leur la surprise ! Elles aussi ont besoin de joie.

L'homme a raison. Son attitude les blesse autant qu'elle-même. Les choses doivent changer. Ce huit-clos en offre la plus belle des possibilités. En confiance, en petit comité, dans un lieu neutre, quoi de mieux pour reprendre goût à la vie ? Cet anniversaire est le premier d'une longue liste. Qu'aimerait-il pour elle ? Un sourire, une joie, de la vie, tout simplement.

— C'est d'accord.

Sans un mot, il s'éloigne. Le sourire magistral et difficilement maitrisable de l'inconnu arrache à la jeune femme, un rire résonnant dans tout le hall. La chaleur qui innonde son corps est divine. La contraction de ses zygomatiques est presque jouissive et le reflet dans le miroir non loin la fait trembler. Dieu que sans son bouclier, elle est belle ! Où qu'il soit, peut-il la voir ainsi ? Peut-il s'en délecter ? Yeux fermés, le coeur s'emplit des chants d'oiseaux, des éclats de rire des amies non loin, du claquement des bouteilles. La vie est là, près d'elle et il ne tient qu'à elle de l'agripper. Plateau en main, elle rejoint son clan, l'âme plus légère. Même si son bouclier demeure non loin, ce soir, elle célèbrera la vie et offrira aux plus précieuses, la surprise de sa présence pour quelques minutes. Derrière ses lunettes de soleil, Malia perçoit-elle l'impatience qui se cache derrière le sourire de son amie ?

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