Chapitre premier.

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 Le temps était gris ce jour-là. La gare était déserte, il n'y avait aucun train. Quelques passants, le bruit de l'aération, une pluie de poussière. Un endroit hors du temps. Lilo s'ennuyait. Il n'avait rien pris pour s'occuper, il n'avait rien pour attendre. Dans la gare, comme un iceberg doit toujours se présenter au cœur de la mer, puissant, détaché, éphémère, il y avait un piano.

Lilo s'en approchait pas à pas d'une douceur feinte. Un jeu s'instaurait déjà entre la bête à dompter et le dresseur. Le piano demeurait immobile mais il ne fallait pas se laisser berner. Il était là dans sa puissance, à toiser quiconque s'apprêtant à l'effleurer d'une éternelle question :

  • Que t'est-il permis d'espérer ?

Face à une telle majesté l'échec était formellement interdit. Lilo recula légèrement le tabouret, l'épousseta. Il prit place.

Le septième nocturne de Chopin se mit à résonner dans la gare d'abord délicat, léger comme une conversation où l'on n'oserait dire le sujet véritable de sa raison d'être. Le babillage était guilleret, plein d'une grâce polie. Au contrepoint, les notes devinrent d'une soudaine pesanteur, d'une insoutenable gravité. On ne savait jusqu'où la musique tomberait, elle chutait. Le tumulte était d'une lourdeur dans laquelle on ne veut s'engager mais vers laquelle est on attiré inéluctablement. Comme Lilo avançait, le sombre tunnel où s'était engagé le morceau s'acheminait vers sa lumineuse issue. Le dénouement était heureux. Lilo était parvenu à l'accord qu'il souhaitait. Il avait gagné son duel musical et se laissait couronner par la gaieté du reste du nocturne, qui n'était plus que galanteries affables et lauriers d'usage.

Au loin un faible signal annonçait le départ d'un train. Une voix automatisée énumérait ses divers arrêts et Lilo discerna le nom de Llansa. Il quitta brusquement le piano et se mit à courir en direction du train dont le signal laissait entendre l'imminence de son envol. Lilo traversa la gare à toute vitesse et franchit des portes sur le point de se clôre, essouflé. Elles se refermèrent derrière son passage avec fracas. Il ne réalisa que lorsque la machine se mit à rouler qu'aucun train n'était supposé circuler à ce jour.

D'un pas mal assuré à cause des mouvements du véhicule, il chercha une personne à qui demander des renseignements sur le trajet. Aussi loin que portait son regard, les voitures semblaient désertes. Il réalisa qu'il était entièrement seul à bord.

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