La Miraculée du Hérisson. (Jour 7: 700 mots)

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7 mots imposés: Envie, Budapest, hérisson, tension, synapse, miraculée, épopée.


C’est avec beaucoup d’émotion que je franchis à nouveau la porte d’entrée de ma petite maison perdue en pleine campagne. Dans le hall uniquement éclairé par la lumière du jour, je tends mon bras et dépose mes clefs dans la soucoupe sur le meuble d’entrée. Ces bons vieux réflexes qui ne nous quittent jamais vraiment.

Je m’avance dans la cuisine et m’assieds face à la pile de courriers que mes enfants avaient gentiment triés en mon absence. Beaucoup de factures et de rappels et une tonne de publicités pour la plupart périmées.

Bien trop fatiguée pour m’occuper de ça aujourd’hui, je me déplace jusqu’au salon pour m’installer dans mon fauteuil. Je ferme les yeux et les images de mon épopée hongroise surgissent sur mes paupières. D’abord par flashs, puis par séquences de plus en plus longues. Ce qui m’avait le plus marquée c’était le contraste entre le jour et la nuit. Autant à la lumière naturelle, les bâtiments de l’époque un peu honteuse de Budapest me filait des frissons, autant la lueur de l’éclairage artificiel de la nuit leur donnait presque un air de structures sorties d’un univers de science-fiction futuriste.

Je n’étais pourtant pas venue pour une visite d’agrément, mon séjour sur place visait un objectif beaucoup plus précis, bien plus personnel. Depuis si longtemps, cela me ronge de l’intérieur, me pompe de l’énergie, m’empêche de vivre une vie normale. Depuis si longtemps, que je suis même incapable de me souvenir quand cela a commencé. Une chose reste sûre, aujourd’hui tout cela est derrière moi. Maintenant, je peux enfin vivre normalement, sans la crainte que ça revienne, que ça recommence. Tout ça grâce à un homme que le monde à découvert le jour où il a reçu le prix Nobel de Médecine en 2039: le docteur hongrois Jolan Molvar. C’est en observant le fonctionnement du cerveau des hérissons qu’il a compris qu’il pouvait guérir les gens comme moi.

C’est mon infirmière qui m’en a parlé pour la première fois, un jour où j’étais plus lucide que d’ordinaire. Puis mes enfants s’y sont mis aussi.À force, l’envie d’en savoir plus prit le dessus. En même temps, je n’avais franchement plus grand-chose à perdre, pas même la mémoire.

Accompagnée de mon infirmière dans le cabinet du docteur Molvar, je l’écoutais nous expliquer dans un anglais approximatif en quoi consistait l’opération. De ce que j’ai compris, il s’agissait de plusieurs opérations assez lourdes, car elles consistaient à travailler directement sur les synapses. En tout, quinze opérations qui nécessitaient chacune trois semaines de repos total, ce qui donnait environ neuf mois, ça je m’en souviens bien parce que je m’étais dit «comme une nouvelle naissance!». Par la suite, tout un programme de rééducation, à la fois physique, indispensable après autant de temps alitée et à la fois cérébrale afin de réentrainer mon «tout nouveau cerveau».

À mon réveil après la première opération, j’étais complètement amorphe et je sentais des tensions partout dans mon corps. Ce n’était pas le plus inquiétant : j’étais aveugle!!!

Hystérique et en panique, je me mis à crier et insulter tout le monde, jusqu’à ce que je puisse voir Molvar. Il m’a très vite rassurée, c’était un effet secondaire tout à fait normal, une sorte de réaction du corps traumatisé par cette intrusion profonde, mais la cécité allait s’estomper petit à petit. Ça risquait de se reproduire après chaque opération, à chaque fois de moins en moins, pour ne même plus arriver après les dernières opérations. Il m’avait tout de même donné un calmant et le lendemain, à mon réveil, je pus constater qu’en effet, ma vision commençait déjà à revenir.

Les jours d’après furent longs et ennuyeux, dans l’attente de l’opération suivante, une sorte de routine s’était installée, entre les programmes télé que je ne comprenais pas, mais qui donnaient une présence dans la pièce, le balai des infirmières de l’hôpital et la visite de ma seule connaissance à des kilomètres à la ronde: mon infirmière.

Au final, ce qui fut le plus compliqué, c’était la rééducation, ce fut même plus long que prévu, il me fallut presque trois mois avant d’être complètement rétablie. Ce fut long, mais ça en valut la peine, car aujourd’hui je suis capable de vous raconter mon histoire, il y a encore un an, j’en aurais été incapable, il y a encore un an, l’Alzheimer m’en aurait empêché, comme une censure personnelle, mais involontaire. Aujourd’hui, je me souviens de mon passé, aujourd’hui je renais, aujourd’hui on ma rebaptisée «La Miraculée du Hérisson».

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