Méliléphrases #1

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Phrases à incorporer :

—  Début : Je suis partie rapidement de chez moi ce matin, sans m'apercevoir que j'étais en chaussons.

—  Fin : Il n'y avait plus rien à faire.


—  Je suis partie rapidement de chez moi ce matin, sans m’apercevoir que j’étais en chaussons.

Elle ne cilla pas, mettant son interlocuteur au défi de faire le moindre commentaire. La peau bleue de la jeune femme brillait tandis qu’il la détaillait. Elle était vêtue de l’habituelle combinaison de cuir noir des agents Extra.

Ses yeux noirs vrillés dans le regard de son commandant, elle tenta d’oublier les moumouttes roses de ses chaussons. Il finit par craquer et soupira longuement.

—  Agent Tina, vous me les aurez toutes faites. Mais je ne pensais pas que vous viendriez en chaussons le jour de la fin du monde.

Elle déglutit difficilement. La situation était grave. De nombreux humains étaient en train de mourir partout dans le monde. Ils avaient besoin des agents Extra. Les quelques extraterrestres encore dans leur camp devaient les aider.

—  Il doit rester des chaussures dans la réserve. Dépêchez-vous.

Un signe militaire plus tard, Tina courut aussi vite qu’elle put vers les bâtiments du complexe. Son statut d’hybride lui conférait quelques avantages, le commandant Ethan ne pouvait rien lui refuser. Il craquait facilement pour sa peau bleue et ses yeux noirs, signes distinctifs de ses origines extraterrestres. Mais contrairement à son père, imberbe, elle avait une tignasse de cheveux blonds qu’elle tenait de sa mère.

Le commandant était un humain strict qui dirigeait une escouade d’agents Extra, des extraterrestres formés pour protéger la Terre d’éventuelles attaques. Depuis que le premier humain avait posé le pied sur la planète Expectra, l’univers des terriens s’étaient fortement agrandis. Aujourd’hui, il était simple d’aller d’une planète à l’autre. Si simple que de nombreux humains étaient allés s’installer sur la planète, et inversement. Tina en était la preuve vivante.

Délaissant ses chaussons au profit de patins conçus pour l’entraînement, elle retourna sur ses pas. Le reste de son escouade était déjà en place, prêt à écouter le brief. Se maudissant, elle se dépêcha de prendre sa place alors que le commandant commençait à parler.

—  Nous avons un énorme problème. Comme vous le savez, nous avons trouvé une nouvelle planète habitable. Contrairement aux premières analyses, elle est habitée.

Des chuchotements parcoururent le petit groupe de cinq personnes. Rapidement étouffés par ce qui suivit.

—  Ils sont hostiles. A l’heure où je vous parle, ils sont en route avec une armada de vaisseaux pour nous attaquer. Toutes les escouades sont mobilisées.

Tina se raidit. La tension était palpable.

—  A-t-on une idée du type d’êtres qui arrivent ?

Grégoire, un expectrien pur souche, s’avança. Il était en quelque sorte le leader du groupe. Sa peau bleue nuit luisait au soleil. Ses yeux insondables ne quittaient pas son commandant.

—  Nous n’en sommes pas sûrs. Aucune caméra n’a pu les approcher assez longtemps pour rapporter des images. Et les humains qui les approchent meurent les uns après les autres.

Les murmures reprirent de plus belle.

—  Comment allons-nous faire si nous ne pouvons pas les identifier ? s’éleva une petite voix fluette.

Marine, la benjamine du groupe, était accrochée à Mélanie, sa grande sœur. Toutes deux étaient expectriennes. Leurs crânes chauves reflétaient le soleil. A leur droite, Benjamin grogna. Au contraire de Grégoire, il possédait une masse compacte de cheveux bruns. Lui aussi était un hybride. Les deux seuls de la région.

—  Aux dernières nouvelles, ils étaient à Paris. La population en est presque décimée.

Les filles laissèrent échapper des expressions choquées. Grégoire jura.

—  Qu’est-ce qu’on attend pour y aller dans ce cas ?

Tina s’avança à côté de Grégoire, la tête haute, prête à en découdre. Le commandant tourna la tête vers elle.

—  On peut pas y aller sans un plan.

Tous tournèrent la tête vers Benjamin. Adossé à un mur, les bras croisés, il ne semblait pas très avenant. Soudain, une secousse les déséquilibra.

—  Je crois qu’ils sont déjà là. Tous à vos armes !

D’un mouvement de nombreuses fois répété, chacun alla chercher son arme de prédilection. Grégoire alla retrouver son épée, presque aussi grande que lui. Il la prit sans mal, sa force herculéenne l’y aidant. Mélanie donna ses dagues à Marine puis prit ses nunchakus. Benjamin récupéra sa hache en observant Tina. Cette dernière saisit son arc et ses flèches. Enfin, le commandant chargea son fusil d’assaut.

Les armes des agents Extra semblaient bien désuètes face au fusil du commandant. Pourtant, leurs pouvoirs d’extraterrestre leur permettaient de manier ses armes avec bien plus de précision et de force que n’importe quelle arme humaine. Leur agilité et leur rapidité les aidait à esquiver n’importe quelle balle.

Lorsque chacun fut équipé, ils se rassemblèrent dans la cours de pavés gris.

—  Et maintenant ? demanda Tina.

Une autre secousse vint ébranler le sol.

—  Je vais voir ce qui se passe.

La cours était entourée de hauts murs en pierres. Marine se faufila jusqu’à l’un d’eux et le grimpa à la manière d’une araignée. Arrivée en haut, elle eut juste le temps de hurler avant de retomber à l’intérieur de la cours.

—  Marine !

Mélanie accourut vers elle en hurlant. Les autres la suivirent, ne comprenant pas exactement ce qu’il se passait. Lorsqu’elle atteignit sa sœur, un hurlement déchirant, suraigu, s’échappa de ses lèvres. Alors que les autres arrivaient, ils ne purent détacher leurs yeux de la tache de sang bleu qui s’épanouissait sur la combinaison de la jeune fille.

Mélanie hurla de rage. Elle serrait sa sœur en tremblant. Le petit corps était parcouru de spasmes. Ses yeux se révulsèrent et elle lâcha son dernier soupir dans un râle. En y regardant de plus près, Tina s’aperçu que ce n’était pas du sang, mais de l’acide qui recouvrait la combinaison de Marine.

—  Eloignez-vous de son corps !

Tous obéirent, sauf Mélanie. Elle poussa un nouveau hurlement, de douleur cette fois. Avec effroi, elle regarda la substance bleue remonter le long de son bras. L’acide mangeait sa peau, dissolvant ses os par-dessous.

—  Mélanie !

Grégoire voulut s’approcher mais Benjamin l’en empêcha.

—  Arrête, tu vas être contaminé toi aussi.

Sous leurs yeux remplis d’horreurs, la substance recouvrit les corps des jeunes filles. Mélanie continua de hurler longtemps, jusqu’à ce qu’elle atteigne son cœur. Les Extras reculèrent vivement, s’écartant de l’amas de chair et d’os qu’étaient devenues les deux sœurs.

—  Il faut qu’on s’en aille d’ici.

A peine le commandant eut-il prononcé ces mots qu’une nouvelle secousse les ébranla. Sous leurs regards horrifiés, la substance bleue commença à recouvrir le mur d’enceinte.

—  Il faut qu’on dégage.

D’un même mouvement, ils se dirigèrent vers le hangar. Mus par une habitude due à des gestes maintes fois répétés, chacun s’installa à sa place dans le vaisseau. Le commandant et Grégoire aux commandes, Tina remplaçant Mélanie à la coordination, Benjamin au contrôle des machines.

Alors qu’ils s’apprêtaient à démarrer l’appareil, la substance envahit le hangar. Le commandant jura avant de hâter la manœuvre. Elle parcourut les murs, faisant fondre la totalité du bâtiment. Lorsqu’elle commença à se rapprocher d’un peu trop près, le commandant hurla ses ordres.

Dans un vrombissement sonore, la machine se mit en branle. Tina serra les dents en voyant les ailes de l’appareil approcher la substance mortelle. Alors qu’elle pensait qu’ils allaient la toucher, le vaisseau fit un écart et s’envola dans le ciel, loin de ces atrocités.

Les passagers se rendirent peu à peu compte de l’horreur de la situation. Grégoire se prit le visage dans les mains. Il poussa de longs soupirs tremblants. Benjamin se mura dans son silence, regardant par un hublot. La substance bleue semblait peu à peu recouvrir le monde entier. Seules quelques masses informes d’une couleur légèrement plus foncée se démarquait. Les envahisseurs.

Alors que Tina faisait les cent pas dans l’espace réduit du vaisseau, elle se mit à gémir. Le commandant grogna. Elle gémit plus fort.

—  Il n’y a plus rien à faire. Je vous ramène chez vous.

Un frisson glacé remonta le long de son échine aux mots du commandant. Le vaisseau fit une embardée et monta de plus en plus haut. Un soupir tremblant s’échappant de ses lèvres, Tina s’assit dans l’un des sièges disponibles. Alors l’être hybride regarda par le hublot le monde partir en lambeaux : il n’y avait plus rien à faire.

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