La malédiction

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 Un mois s’était écoulé depuis la mort mystérieuse d’Aquilius et de son fils dans la forêt de Capsus Cervius. Aucun de ces événements tragiques n’avait pu être expliqué, ce qui avait fait naître des rumeurs et des suspicions chez les esclaves, les amis et les proches du dominus décédé. Certains évoquaient que, frappé par la folie, l’ancien legatus s’était attaqué à des animaux sauvages puis à son fils. D’autres parlaient d’une malédiction jetée par les dieux, semblable à celle de Lykáôn d’Arcadie, ce roi changé en loup en guise de punition divine, pour les bains de sang qui s’étaient produits quand il commandait les légions. Des commérages plus terre à terre laissaient soupçonner que sa femme Lucretia avait orchestré tout cela afin d’hériter de la fortune de son mari. En effet, dans une clause testamentaire, Aquilius avait stipulé que, au cas où son fils Marcus mourrait, son épouse hériterait de tous ses biens et en posséderait la propriété jusqu’à ce qu’elle soit sous la tutelle d’un nouveau chef de famille. Depuis, elle vivait seule avec ses filles, ses servantes et ses esclaves dans la villa familiale, toujours affectée par la mort de ses deux hommes.

 Par un chaleureux matin de printemps, alors Lucretia faisait une offrande aux divinités du foyer, dont les statuettes se trouvaient dans une niche de l’atrium, elle ressentit des contractions dans son ventre rond. Les sentant de plus en plus fortes, elle comprit que le moment tant attendu était arrivé. Alors que ses deux filles se promenaient dans le couloir, elle les interpella :

 — Allez me chercher la sage-femme ! Je sens que le bébé va arriver.

 Peu après, la mère était allongée sur le lit spécialement disposé pour l’accouchement, accompagnée de deux femmes, l’une d’âge mûr préparant un onguent dans un bol, l’autre plus jeune des draps propres. La plus âgée, qui n’était autre qu’une sage-femme d’origine gauloise, se frotta les mains avec la mixture qu’elle avait préparée, tandis que sa jeune apprentie disposait les draps destinés à accueillir le nouveau-né. La sage-femme s’approcha de Lucretia et l’encouragea. Après des efforts qui lui semblèrent longs et épuisants, Lucretia fut enfin soulagée d’entendre les cris de son enfant auquel la sage-femme coupa le cordon ombilical et qu’elle confia à son apprentie pour le nettoyer. Cette dernière l’enveloppa dans des draps bien blancs et le passa à Lucretia qui admira le nouveau venu dans la famille des Aquilius.

 — Vous pouvez être fière : vous avez donné naissance à un très beau garçon. Il a les yeux de son père.

 — Oui... Et pour honorer son dernier souhait, je l’appellerai Lucius.

 De sa main droite, elle caressa le visage du petit Lucius qui émit son premier sourire. De sa main gauche, il saisit l’un des doigts de sa mère qui remarqua, dans sa paume, une tache de naissance. Elle était vaguement triangulaire et ressemblait à la tête d’un loup.

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