Cuillère

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Sur les fougères, la rosée perlait. Sous les feuilles sèches les insectes s'affairaient.

Nous voici en pleine forêt. L'humus exalte son odeur boisé, l'air suinte une humidité lourde et électrique. Les arbres écartent au rythme centenaire leurs bras séculaires. Quelque chose d'étrange traine dans l'atmosphère. On laisserait facilement s'emporter notre esprit vers quelques cités minuscules, terre de lutins de la forêt, petit peuple des mousses. Songer. Je songe. Mon coeur s'emporte vaguement, l'esprit le rattrape, stop, on se calme.

Je progresse lentement à travers les bois. Ma veste Automnale en deçà de son rôle. Je frissonne un peu, je renifle, et je maudits mon manque de prévoyance niveau mouchoirs. Je suis à deux doigts frigorifiés de rebrousser chemin, mais c'est sans compter sur la vision de ce jeune homme adossé à un vieux châtaignier. Un peu effrayée, mais surtout interloquée, je constate que tout autours de lui, se trouve une quantité incroyable de cuillères !

Je m'approche, curieuse.

- Bonjour. Je lui lance le mot, peu sereine mais pleine de tolérance.

L'individu lève ses yeux sur moi, de grands yeux bleus étranges.

Il ne me répond pas, mais me fixe sans intérêt certain, un peu fatigué.

Prise entre la peur d'avoir à faire à un fou et l'attrait de la curiosité, je me lance et demande :

- C'est quoi toutes ces cuillères ?

L'homme soupire, se recroqueville sur lui même.

J'hésite un instant puis continue ma route, car vraisemblablement, ce jeune homme est fou. Quand tout à coup j'entends cogner, un bruit de métal sur des pierres. Je me retourne et j'aperçois, au dessus de ce garçon stoïque, apparaitre et tomber des cuillères. Le flux inouï s'arrête. Le sol brille d'argent. Je n'en crois pas mes yeux. Je reste sans voix.

- Comment ? Finis-je par demander.

Le jeune homme me regarde et répond:

- Je suis maudit ! Dit-il. Chaque fois que je pense à une femme, il pleut des cuillères.

A peine sa phrase fut-elle fini, qu'un flot d'ustensiles s'abat.

- Cela ne se produit qu'en pensant à des femmes ? Je lui demande.

- Oui, voyez, je pense à vous en ce moment.

Et les cuillères tombent invraisemblablement.

Je souris, et heureuse j'annonce :

- C'est donc que mon opération s'est bien passée.

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