Chapitre 5

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Tous les regards se dirigèrent vers l'entrée du réfectoire. Le mien y compris. Et un soulagement intense se fit ressentir en moi lorsque je vis l'homme qui m'avait sauvé deux fois : Anas.
Il venait sûrement de me sauver une troisième fois.

Le flingue pointé vers la fenêtre la plus proche, il avait tiré dans le vide. Une fois de plus, je fus frappée par sa beauté : il y avait pire comme ravisseur. Il portait un jean ainsi qu'un tee-shirt manches courtes noir qui moulait à la perfection ses muscles. Ses cheveux étaient mouillés et quelques mèches lui tombaient devant les yeux.

Ce gars sortait tout droit de Wattpad.

Sans même nous jeter un regard, il s'avança vers le groupe d'hommes et commença à leurs parler en italien.

N'étant pas une grande professionnelle dans ce domaine, je ne pus saisir que quelques mots comme « malentendu », « invitée ».

Après un moment qui m'avait semblé une éternité, le géant se tourna vers moi puis rangea son flingue. Ses compagnons firent de même. Je retins un soupir de soulagement en les voyant tourner les talons.

— Merci mio amico, lâcha l'homme à côté de moi. J'ai cru qu'ils me lâcheraient jamais les palle.

( mon ami ), ( couilles )

Anas ne répondit pas, il ne dégna même pas le regarder. Non, toute son attention était tournée vers une toute autre chose...

Moi.

- Ecoutez, je, commençais-je avant qu'il ne se retourne pour sortir de la pièce.

Je fus un instant bouche bée par son manque de respect. Je venais de risquer ma peau par sa faute et il ne s'excusait même pas ?

Comptant clairement lui dire ce que je pensais, j'avança, suivant ses pas. Malgré mes efforts, je ne pus m'empêcher de jeter un regard à l'assemblée, qui n'avait pas râtée une seule miette de ce qui venait de se dérouler. Côté discrétion, j'étais vraiment une merde.

En sortant de la salle, mon regard parcourut le couloir qui s'étendait devant moi. Il n'était plus là.

— Merde, lâchais-je rageusement.

Il m'avait amené ici contre mon gré, certes pour me protéger. Mais à quoi bon si c'est pour que je crève maintenant par sa faute ? J'avança à grands pas, bien décidé à lui dire ses quatre vérités. Je m'approchais d'une intersection. Ma phobie ici. Tandis que je regardais les indications affichés sur le mur, je sentis une main s'enrouler autour de mon poignet et me tirer en arrière. Un petit cri sortit de ma gorge sous l'effet de l'étonnement. Mon dos fut plaqué contre un torse et une main vint violemment se poser sur ma bouche. Je me débattit autant que je pouvais du haut de mon petit un mètre soixante. Mais mes coups de pieds ne semblaient strictement rien faire à mon ravisseur.J'enchaînais pourtant les coups, ce qui me fatigua bien trop rapidement à mon goût. Malgré ma peur grandissante, je me stoppa dans mes mouvements, complètement crevée.

— C'est bon là, ricana froidement l'homme derrière moi. T'as fini ?

Mon coeur rata un battement en entendant sa voix grave et son souffle tout près de mon oreille. Prise par un soudain élan de force, je retira brusquement sa main.

— Lâche moi Anas, dis-je en élevant le ton. J'ai des choses à te dire !

Je l'entendis ricaner de plus belle en me lâchant. Je me tourna illico face à lui, risquant à tout moment une nouvelle tentative de sa part. Mais ce que je vis me fit baisser mes défenses : mon grand ravisseur extrêment viril était à moitié en train de crever tellement son fou rire était grand. Il prit une minute qui, à mes yeux, dura une heure pour se calmer.

Attendez, je rêve où il y a une larme qui coule sur sa joue là ? Il s'est foutu de ma gueule au point d'en rire le con !

— C'est bon là, dis-je en reprenant ses mots. T'as fini ?

— Mais bordel, s'amusa-t-il. On aurait dit un chat en train de se noyer !

Je rageais intérieurement. Je venais d'être ridiculisé par sa faute, et il en rajoutait une couche.

— Ecoute moi bien, stronzo, y a intérêt pour toi que la scène dans le réfectoire ne se reproduise pas. Je ressemble peut-être à un chat se noyant quand je me bat, mais ce n'est pas pour autant que je ne saurai pas te faire mal.

( connard )

Je le vis se retenir de rire. Encore.

— Mais attend, dit-il. Tu te rends compte que tes coups me font l'effet d'une caresse ?

— Toutes les douleurs ne sont pas uniquement physique, tesoro.

( chéri )

Son agaçant sourire disparut petit à petit.

— Ne te risque pas dans un terrain que tu ne connais pas, piccola.

( petite )

Je frissonnais en entendant sa voix froide et menaçante. Pourtant, je luttais pour garder une expression impénétrable.

— Je te conseille la même chose, répliquais-je.

Alors que je m'apprétais à partir, il me prit le poignet et vint coller son torse à mon dos. Je sentis son souffle bien trop prêt de mon oreille.

— Tu ferais bien de ne pas dire des choses qui pourraient me faire devenir ton ennemi, chuchota-t-il, menaçant. Car crois-moi, je suis désormais le seul à vouloir te garder en vie.

J'allais lui sortir une réplique singlante lorsque je sentis ses lèvres juste à côté de mon oreille. J'essayais de le repousser, parfaitement consciente de son charme et de l'urgence de l'éloigner. Ses lèvres embrassèrent le haut de mon cou, puis descendirent sur mes épaules, en y embrassant chaque centimètres. J'aimais la sensation que cela me procurait, et c'est ce qui me poussa à me dégager.

— Je n'ai pas de faiblesses, commença-t-il, me regardant dans les yeux avec un air de défi, mais ça arrive souvent que je sois celle des autres.

Un sourire malicieux s'afficha sur son visage déjà satisfait. Sans prendre la peine de répondre, je vins me placer devant le plan du bâtiment et commença à partir en direction de ma chambre. Je sentais toujours son regard dans mon dos lorsque je tourna hors de sa vue.

¤¤¤


Assise dans mon lit face aux baies vitrées, une tasse de thé dans une main et un téléphone, que j'avais trouvé en fouillant un peu, dans l'autre. Je me devais de faire des recherches sur lui, et sur le lieu dans lequel j'étais forcée à rester.

La scène de tout à l'heure m'avait fait comprendre que Anas et moi venions d'entrer dans une toute autre relation. A mes yeux en tout cas. Je venais de prendre conscience qu'il était tout aussi provocateur que moi, et qu'il n'hésitera pas à user de son charme et de son influence pour me faire regretter mes mots. Et j'étais prête à lui faire regretter les siens.

Anas Martin, 21 ans, a reprit la tête de l'entreprise de son père, décédé il y a plusieurs mois.

C'est tout ce que j'avais trouvé. Rien sur l'entreprise en question. Ni sur le père. Ni sur le fils. Et cela faisait plus d'une heure que je faisais des recherches, sans succès. Tous les sites et magazines disent la même chose, mais sans développer.

J'étais sûre d'une chose désormais : il était le boss.

Et je venais de déclarer la guerre au boss.

Je posa mon téléphone sur le lit et ma tasse sur la table. Je bougea doucement mon cou endolori à cause de la posture que j'avais eu pendant mes recherches et voulu soudain sortir prendre l'air. Après le scène de ce midi, je n'étais pas retourné tenter de prendre quelque chose à grignoter. Et mon ventre commençait à se plaindre. Je pourrais peut-être piquer un truc à manger avant d'aller me promener.

En passant devant un miroir situé dans la salle de bain, face à la porte ouverte, mon regard croisa celui dans le miroir, et je vis dans mes yeux de l'inquiétude. J'étais inquiète, térrifiée et pleine de questions qui n'auront certainement jamais de réponses. Je détourna rapidement le regard, et continua mon chemin jusqu'à la porte.

Les innombrables couloirs qui se trouvaient devant moi, alors que je venais à peine de franchir la limite entre eux et ma chambre, me donnaient le tournis. Mais le point positif étaient qu'ils étaient vides. Au moins. J'avança rapidement vers le plan le plus près, et tenta de mémoriser les passages.

Gauche, droite, descendre d'un étage, droite, gauche, porte sur la droite.

Si au moins j'arrivais à atteindre la cuisine, ce serait un grand pas vers mon autnonomie dans ce labyrinthe.

Après une petite prière, j'entama mon parcours.

Gauche.

Pour l'instant ça va. Toujours vivante et personne en vue.

Droite.

Ca va moins. Une groupe d'hommes au fond du couloirs me dévisagent étrangement. A tous les coups, ils étaient là dans le self. Je suis célèbre maintenant.

Descendre d'un étage.

Je cherchais du regard les escaliers que je devais utiliser. Rien. Je ne m'étais pourtant pas trompé ! Des ricanements me firent tourner la tête vers les hommes. Manque de pot : eux aussi me regardaient.

— Tu cherches les escaliers, ragazzina, me demanda l'un d'eux.

( gamine )

Je m'approchais lentement. Quel autre choix avais-je ? Je pris tout de même un instant pour les dévisager. Tous portaient la même tenue noire et blanche et étaient tatoués. Et bordel mais tous les gars ici sont des montages de muscles ou quoi ? Qu'est-ce qu'ils bouffent le matin ?

— Oui, dis-je, intriguée et terrifiée à la fois.

Le groupe échangea des regards, ce qui me donna envie de faire demi-tour. Plusieurs secondes s'écoulèrent, et je finis par penser qu'ils ne me diraient rien lorsque le groupe se sépara en deux, et je vis entre les deux groupes une porte où il était noté "Escaliers". En temps normal, je me serais précipitée vers la porte. Mais je sentis que cette fois, ce ne sera pas la bonne solution.

— Qu'est-ce que vous voulez, dis-je sèchement au groupe.

L'un deux s'avança vers moi et s'arrêta à quelques centimètres.

— On veut rien. Juste, passe, on ne te retient pas.

— Vous me bloquez le passage, leur fis-je remarquer, même si ce n'était pas totalement vrai.

Il se retourna vers les autres, puis redirige son attention sur moi.

— On s'est séparé pour te laisser passer.

Il n'avait pas tord. Et je n'avais rien d'autre à dire. Peut-être valait-il mieux que je retourne dans ma chambre. Je ressortirai plus tard.

— C'est bon, laissez tomber, tranchais-je.

Mais comme tout le monde ici a l'air obsédé par mes poignets, le gars posté devant moi le saisit. Sauf que cette fois, ce n'était pas Anas, c'était un parfait inconnu, avec dix autres parfaits inconnus. Ce qui ne m'amusait clairement pas. Je me retourna brusquement et le gifla. Ce qui ne l'amusa pas plus que moi. Lorsque son regard se posa de nouveau sur moi, il était sombre. Il annonçait douleur et colère. Deux choses que je ne souhaitais pas voir ou rencontrer là tout de suite.

— Lâche-la.

Nous tournâmes tous la tête vers l'homme qui venait de parler. Et je le reconnus aussitôt. C'était celui qui m'avait sauvé dans le self. Pas Anas, l'autre.

— Elle m'a giflé.

— Et tu l'as mérité, pd.

L'homme me libéra le poignet pour concentrer toute son attention sur mon sauveur.

— Tu la défends vraiment, s'indigna-t-il. Envoi là auprès del nostro chef. Il se chargera d'elle.

( de notre chef )

— En tant que bras droit de Anas, je ne fais rien sans son autorisation et tu le sais parfaitement. Si je la sauve, c'est qu'il me l'a demandé. Alors fous lui la paix car c'est toi qui risque de finir dans le bureau del nostro chef pour qu'il s'occupe de toi.

( de notre chef )

Sa voix menaçante, alors qu'elle ne m'étais pas destinée, me fis peur. Et je pris lentement conscience du pourquoi il venait me sauver. Il y était obligé. Par le chef.

Mon sauveur blond n'attendit même pas leur réponse et vint poser sa main sur mon dos pour me pousser doucement vers le couloir d'où je venais.

— J'aurais aimé sortir, dis-je une fois hors de portée du groupe.

— Tu ouvriras ta fenêtre, répondit-il froidement.

Son regard me dévisagea, je me sentis jugée.

— Pourquoi tu ne m'accompagnerais pas en bas pour que je puisse prendre l'air ?

Il soupira bruyamment. J'étais un poids pour lui. Il était forcé de rester là avec moi, car je ne pouvais pas sortir de ma chambre sans qu'il ne m'arrive des merdes.

— Parce que tu es un aimant à emmerdes.

Qu'est-ce que je disais ?

— Est-ce que c'est forcément moi qui vais à la rencontre des problèmes ou eux qui viennent me trouver ? Les gens ici ont un sérieux problème !

Il sembla se détendre un peu. Vraiment un tout petit peu.

— Ecoute, tu arrives ici, personnes ne te connais, personne ne sait ce que tu fais là, commença-t-il. Le moment venu, tu en sauras plus sur ce que l'on fait dans ces bâtiments et alors tu comprendras. En attendant, retourne dans ta chambre et médite un peu sur les conseils que t'avais donné Anas ce matin.

J'allais lui demander pourquoi ne pas me dire maintenant ce qu'ils faisaient ici, mais il me devança sèchement.

— Je n'ai rien à ajouter.

— Dis-moi au moins ton prénom, ajoutais-je rapidement. Tu es mon sauveur après tout.

Il sembla surpris, mais,un sourire en coin apparut.

— Pour l'instant, contente-toi de m'appeller il bel ragazzo biondo.

( le beau gosse blond )

Je souris face à sa remarque et il partit, me laissant seule et tourmentée.

¤¤¤


J'avais chaud. Le fait de tourner depuis dix minutes à la recherche d'une bonne position ne semblait pas me faire du bien. Le réveil annonçait une heure trente du mat' lorsque je le regarda pour la millième fois.

J'avais passé ma soirée et une bonne partie de ma nuit à me poser des tas de questions et à méditer les paroles du beau gosse blond. A la pensée de ce surnom, je souris instinctivement. C'était peut-être bien le seul en qui je pouvais avoir confiance finalement. Et il semblait en mesure de répondre à toutes mes questions. Mais un certain chef du nom de Anas devait le lui interdire.
Je lâcha un grognement frustré et repoussa tous mes draps. Je ne dormirai certainement pas cette nuit, mais il fallait bien que je m'occupe. Je me leva et me dirigea dans la salle de bain. Je mis le bouchon de la baignoire et fis couler l'eau. La chaleur et mes mouvements m'avaient fait transpirer. Enfin, c'est ce que je comptais utiliser comme excuse. En soit, j'avais juste besoin de me vider la tête.

Comme la fois précédente, je rentra mon corps lentement dans l'eau chaude. Je ne me lasserai jamais de la sensation de l'eau sur ma peau.

Cette journée avait été riche en émotion. J'avais failli mourir deux fois... en moins de vingt-quatre heures. Je n'ai jamais été douée pour les bagarres. J'ai toujours tout régler avec les mots. Et je dois avouer que, dans certaines situations, les mains seraient plus efficaces que les paroles. Je laissa mon esprit divaguer et me souvins d'un après-midi à l'école primaire. La seule et unique fois où j'avais usé de mes mains...

Tu as cassé ma montre !

Je regarda Adem, un de mes camarades, avec un air exaspéré.

— Je ne te l'ai pas cassé, soupirais-je. Tu es tombé du banc et, par malchance pour moi, j'étais dans les parages. Tu n'assumes juste pas que tu ne prends pas soin de tes affaires.

J'étais furieuse, et très certainement rouge cramoisi à l'heure qu'il était, mais ça m'était égal. J'étais dans le bureau la directrice, alias la mère d'Adem. Ce dernier a cassé sa montre et n'assume pas de le dire à sa mère, et par malchance, j'étais au mauvais endroit, au mauvais moment. Et c'est moi qui avait finit accusé.

— Tout le monde dans la classe dit que tu as poussé Adem du banc, qu'il est tombé et a cassé sa montre dans la chute, ajouta doucement la directrice.

Evidemment, tout le monde est du côté de ce menteur ! Tout le monde l'aime dans la classe, alors que moi, je suis pas populaire comme lui.

— Je pense que l'on va régler ça avec ta mère Mégane.

Une semaine s'était écoulé depuis le rendez-vous chez la directrice. Ma mère m'avait défendue, mais elle n'avait pas pu faire grand chose face à une mère directrice de l'établissement et quinze élèves. J'étais dans la cour, en train de jouer avec mes amies, quand trois filles, que je n'aime pas, arrivèrent vers moi...

— Alors, comment ça va, menteuse, dit l'une d'elle.

— La montre a pas coûté trop cher, demanda l'autre, un mauvais sourire aux lèvres. Je suis sûre qu'avec ce que ta mère a donné à la directrice pour repayer la montre, elle pourra même plus t'acheter de vêtements.

— Je crois qu'elle ne lui en achètais même pas jusque là.

Elles éclatèrent d'un rire sonore et je vis rouge. Ma main partit toute seule les gifler.

J'avais été punie pour ce geste, mais ça m'était égal à l'époque. Les gens auraient sûrement compris ma réaction si ils avaient su que c'était le début de nos problèmes financiers. Malgré la satisfaction certaine que j'avais ressentie après ce coup, je n'avais pas recommencé. Jamais. Car je considérais que mes grands-parents et ma mère avaient assez de choses à gérer, ils n'avaient pas besoin que je rajoute des problèmes scolaires. Mais désormais, je ne devais plus avoir peur de me défendre.

Car j'ai été embarqué, contre mon gré, dans un monde où les paroles étaient dominées par la violence

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